Une majorité des gens ne pensent
pas plus que ça à ce qu’ils publient sur les médias sociaux, et beaucoup de
ce que nous lisons sur les médias sociaux nous semble relativement inoffensif.
Mais ce n’est là qu’une opinion de premier abord. La vérité, c’est que tout
ce que nous publions en ligne a un potentiel effrayant. Selon une récente
recherche menée par le Pacific Northwest National Laboratory et l’Université
de Washington, ce que nous publions sur les médias sociaux pourrait être utilisé par des logiciels afin de prédire des
évènements futurs.
Dans un article très récemment
publié par Arxiv, une équipe de chercheurs dit avoir découvert que les médias
sociaux peuvent être utilisés pour « détecter et prédire les évènements
hors ligne ».
Une analyse de publications
Twitter permet par exemple de prédire des troubles civils, parce que les gens
utilisent certains hashtags pour discuter de questions d’intérêt, avant que
leur colère ne déborde dans le monde réel.
Le plus célèbre exemple nous a
été donné par le Printemps arabe, quand des signes de mouvements
protestataires imminents ont pu être trouvés sur les médias sociaux plusieurs
jours avant que les gens ne descendent dans les rues.
Un système baptisé EMBERS (Early
Model Based Event Recognition using Surrogates) a également produit des « résultats
impressionnants » non seulement en termes de « détection d’évènements,
mais aussi de propriétés spécifiques à ces évènements ».
Il a été utilisé pour
prédire les récents soulèvements sociaux en Amérique du Sud, avec une
précision de 80% pour le cas du Brésil, et 50% pour le cas du Venezuela.
Une autre étude a produit des
résultats impressionnants en matière de détection de mouvements
protestataires liés à Black Lives Matter, qui s’est formé aux Etats-Unis en
réaction à des cas de fusillade ayant impliqué la police.
Et ce n’est pas tout. Les
chercheurs ont découvert que les messages publiés sur les médias sociaux
peuvent être utilisés pour prédire la météo, les épidémies, les crimes futurs
et la santé mentale des utilisateurs individuels.
Il serait donc bon de nous
demander si le gouvernement utilise ce genre de technologie. Les montagnes de
données personnelles collectées chaque jour par la NSA pourraient être
utilisées pour faire des prédictions très précises. Il est une chose d’entrer
des messages publiés sur les médias sociaux dans des programmes prédictifs,
mais le gouvernement a également accès à tous nos emails personnels, à nos
appels, nos historiques de recherche et même nos achats en ligne.
Quand vous combinez ces données
aux messages publiés sur les médias sociaux, vous pouvez établir un profil
sophistiqué pour chaque individu, parce que vous savez quel genre de personne
il tente de projeter dans le domaine public, et parce que vous savez qui il
est au plus profond de lui. Et si vous disposez des historiques de recherches
de centaines de millions de personnes, ainsi que de super-ordinateurs dernier
cri, il n’y a aucune limite à ce que vous êtes en mesure de prédire.
Ne commettez pas d’erreur, ce n’est
pas de la science-fiction. Il existe des sociétés privées qui travaillent dès
aujourd’hui pour le gouvernement afin de développer de puissants logiciels de prévision d'évènements.
On les appelle systèmes de « modélisation
sensible du monde réel ». Leur objectif, selon
leur créateur, est d’établir un « modèle constant du monde réel
capable d’être utilisé pour prédire et évaluer des évènements futurs et
déterminer des façons de procéder ». En termes pratiques, il s’agit d’une
simulation de notre planète, accompagnée de milliards de points qui
représentent chaque individu présent sur Terre.
Le projet est basé à l’Université
Purdue, dans l’Indiana, au Laboratoire
d'analyse et de simulation d'environnements de synthèse. Il est dirigé
par Alok
Chaturvedi, qui en plus d’être responsable du laboratoire de Purdue, commercialise
le projet au travers de sa société privée, Simulex, Inc., dont les clients sont
pour beaucoup des agences du gouvernement, et notamment les Départements de
la défense et de la justice, ainsi que des membres du secteur privés comme
Eli Lilly et Lockheed Martin.
L’ambition de Chatruvedi est de
générer des prévisions fiables d’évènements futurs basées sur des scénarios
imaginés. Afin d’y parvenir, les simulations « absorbent les fils d’actualités,
les données du recensement, les indicateurs économiques et les évènements
climatiques du monde réel, ainsi que d’autres informations telles que
militaires ». Bien que ce ne soit pas explicitement énoncé, le type de
données digitales absorbées par la NSA, le Département de sécurité intérieure
et les autres agences gouvernementales facilite la création de modèles d’habitudes,
de préférences et de comportement pour chaque individu.
C’est peut-être là l’objectif
ultime de la NSA. En y réfléchissant bien, c’est bien plus sensé que la
justification que nous donne le gouvernement de l’utilisation de cette
agence, qu’est le combat contre le terrorisme. Dépense-t-il vraiment des
milliards de dollars pour déployer un vaste réseau de surveillance dans le
but d’arrêter une poignée d’attaques terroristes ? Ou cherche-t-il à
prédire des évènements globaux majeurs ?