|
En Août 2007, j'émettais
l'hypothèse (soufflée par Thomas Sowell, je n'ai aucun
mérite) selon laquelle les réglementations étatiques en
vigueur aux USA pourraient être les principales responsables de la
crise des subprimes que nous vivions. Notamment, les
réglementations anti-discrimination s'appliquant aux
établissements de crédit, telles que le Community
Reinvestment Act, n'avaient elle pas empêché les banques de
jouer un rôle prudentiel qu'elle devraient tenir en refusant d'accorder
des crédits par trop risqués ?
J'ai reçu quelques mels à
la limite de l'insulte à l'époque. Comment pouvais je ne pas
voir, satané ultra libéral, que "la crise que nous vivions était celle de la
spéculation financière, d'un système capitaliste
à bout de souffle", et que sais-je encore ? (non,
je n'ai trouvé personne qui ait mis la crise du subprime sur
le dos du réchauffement climatique...)
Aujourd'hui, Stan Liebowitz, professeur
à l'université de Dallas, me donne raison. Il revient de
façon détaillée sur l'histoire
des actions menées par les activistes anti-discriminations,
et sur leurs conséquences en terme de politiques suivies par les
établissements de prêt. Lui non plus, visiblement, ne gobe pas
le mythe de "la crise du capitalisme financier". Selon lui, il ne
fait aucun doute que la distorsion opérée par les lois
votées sous la pression des groupes anti-discrimination est la cause
majeure de la crise que nous vivons. Extrait, traduit par l'excellentissime Institut Molinari:
Face à la situation
de désarroi actuel, vous pouvez penser que les banques ont
avancé elles-mêmes l'idée d'assouplir les critères
d'obtention de crédit, tandis que les autorités de
régulation ont fermé les yeux. En réalité, ce
furent les autorités de régulation qui ont allégé
ces critères – sous le pression de certains groupes
communautaires et des forces politiques « progressistes ».
Dans les années 1980, des groupes comme les militants de l'ACORN
(Association of Community Organizations for Reform Now) ont commencé
à lancer des accusations de discrimination, selon lesquelles les
banques traiteraient différemment certaines minorités pour ce
qui est des prêts hypothécaires. En 1989, des membres du
Congrès ralliés à cette cause firent adopter le Home
Mortgage Disclosure Act, amendé pour obliger les banques à
collecter des données raciales concernant les emprunteurs potentiels.
Celles-ci ont fait l'objet de nombreuses études qui semblaient valider
l'accusation initiale.
En fait, même si les dossiers des candidats au prêt issus des
minorités étaient rejetés plus fréquemment que
les autres ; la raison principale n'en était pas une quelconque
discrimination raciale, mais le fait que les personnes dans ces
minorités ont en général des revenus plus modestes. Cependant,
une étude de la Réserve Fédérale de Boston qui
fait date a conclu en 1992 que les discriminations concernant les prêts
hypothécaires étaient systématiques.
Cette étude comptait un nombre incroyable d'erreurs. Avec un
collègue, nous avons démontré par la suite que les
données utilisées contenaient des milliers d'erreurs
grossières, comme des prêts à des taux
d'intérêts négatifs. Notre étude a montré
qu'il n'y avait aucune preuve de discrimination.
Cependant, l'ordre du jour politique a primé – accompagné
par les explications du Président de la Réserve
Fédérale de Boston selon lesquelles aucune étude
supplémentaire n'était nécessaire, et par les
autorités de régulation bancaire qui soutenaient la mesure.
L'encre de cette étude sur les discriminations n'avait pas eu le temps
de sécher que la Réserve Fédérale de Boston,
s'exprimant au nom de la Réserve Fédérale tout
entière, a produit un livre à destination des prêteurs
hypothécaires, expliquant que « des discriminations peuvent
être observées quand les critères de prêt incluent
des données arbitraires ou démodées qui excluent de
nombreux candidats au prêt urbains ou originaires des minorités
».
Ces critères « démodés » incluaient la
valeur du bien hypothéqué par rapport au revenu, l'historique
des crédits, l'épargne accumulée par le passé, ou
le revenu. À la place, la Réserve Fédérale de
Boston a décidé que la participation à un programme
d'éducation sur la manière de contracter des prêts devait
être considérée comme une preuve de la capacité
à rembourser un crédit.
Tout cela vous paraît aberrant ? En effet. C'est critères
« démodés » existaient pour limiter les
défauts de paiement. Mais les autorités de régulation
bancaire ont demandé de les assouplir, avec l'accord des hommes politiques
et des personnes bien-pensantes. En 1995, un renforcement du Community
Reinvestment Act (CRA) a imposé aux banques de trouver des moyens de
fournir des prêts hypothécaires aux membres des
communautés les plus pauvres. Cela a aussi permis aux membres de ces
communautés d'intervenir lors de l'examen annuel des banques.
Les banques qui recevaient des critiques négatives ont
été punies ; certaines ont vu leurs plans de fusion
empêchés ; d'autres ont eu à faire face à des
problèmes légaux avec le Ministère de la Justice.
Les prêts accordés sur des critères allégés
se sont donc développés, même si l'on observait des taux
de défauts de paiement plus élevés que pour les
prêts classiques. Sur Internet, vous pouvez toujours trouver des
prêts CRA disponibles via ACORN avec « 100 % de financement ...
pas d'évaluation de vos crédits passés ... pas de
critères de revenu ... même si vous ne le signalez pas sur votre
déclaration d'impôts ». Mais les programmes
d'éducation sur la manière d'utiliser le crédit sont
requis, bien évidemment.
Ironie du sort, un rapport enthousiaste de la Fannie Mae Foundation a choisi
de distinguer un cas de prêteur non-discriminant, qui travaillait avec
les communautés et appliquait « les critères
d'attribution de crédit les plus flexibles ». L'engagement de ce
prêteur envers les bas revenus était de 1 milliard de dollars en
1992, et avait crû à 80 milliards en 1999 et à 600
milliards en 2003.
Quel était ce créancier particulièrement vertueux ?
Countrywide, le plus grand émetteur de crédits
hypothécaires aux Etats-Unis, et récemment à la une de
l'actualité parce qu'il avançait tout droit vers la faillite.
Dans un récent article de journal exaltant les mérites des
critères allégés d'attribution de crédit, le
directeur général de Countrywide se vantait en expliquant que
pour accepter les dossiers provenant des minorités qui auraient
été rejetés, « les prêteurs ont dû
assouplir un peu les règles ». Il ne se vante plus aujourd'hui.
Pendant des années, la hausse des prix de l'immobilier a masqué
les problèmes de défauts de paiement car un refinancement
rapide était possible pour les banques. Mais maintenant que les prix
de l'immobilier ont cessé de croître, nous pouvons clairement
réaliser les dommages causés par l'assouplissement des
critères d'attribution de crédits.
Ces dommages étaient prévisibles : « Quand l'idéal
réconfortant et flou des 'critères flexibles d'attribution de
crédit' disparaîtra, nous découvrirons peut-être
qu'il ne sont ni plus ni moins que des critères conduisant à de
mauvais prêts. [...] De telles politiques n'auront pas rendu service
à leurs bénéficiaires supposés, si ceux-ci se
trouvent dépossédés de leurs logements ». J'ai
écrit cela avec Ted Day en 1998, dans un article académique.
Ceux qui demandent plus de
réglementation du crédit par l'état devraient peut
être se poser la question de savoir si on peut résoudre les
problèmes avec les remèdes qui les ont créés,
administrés par ceux qui les ont créés. Les
banques doivent pouvoir déterminer elles mêmes les
critères prudentiels d'attribution de crédit, sans risquer de
faire face à des accusations de discriminations parce que le nombre de
prêts accordés aux membres des minorités les plus pauvres
est plus faible que les autres.
La crise du Subprime ? Marchés
accusés, état coupable. Comme d'habitude.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement à
l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
|
|