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1.
Il y a un siècle.
Parmi les destructions
qu'a occasionnées la guerre de 1914-18, il en est une qu'on
n'évoque jamais, elle tient dans les conséquences de la
décision prise en 1914 par les dirigeants d'un certain nombre de pays
belligérants de rendre leurs monnaies nationales respectives
inconvertibles en or : ce fut en particulier le cas de la France, de
l'Italie, de l'Allemagne et de l'Angleterre.
La guerre terminée, il était impensable pour les uns et les
autres de ne pas rétablir la convertibilité or de la monnaie.
Mais l'ignorance économique sur la façon de procéder
était grande.
Aussi les dirigeants de ces mêmes pays ont-ils suivi, un peu au hasard,
des voies différentes pour y parvenir, des voies qu'avaient
construites leurs conseillers dans la mesure de leurs moyens.
Les trois principales voies suivies ont été la
dévaluation, la répudiation, la restauration :
La dévaluation a été la voie suivie par l'Italie et par
la France, qui ont abaissé le poids d'or de leur monnaie de
manière à le faire coïncider avec le pouvoir d'achat de la
monnaie inconvertible.
La répudiation a été celle dont s'est servie
l'Allemagne, elle a consisté à répudier, à
anéantir la monnaie de papier et à partir de zéro pour
créer d'un seul coup une monnaie d'or;
La restauration a été celle suivie par l'Angleterre, qui a, par
une déflation volontaire, ramené peu à peu le pouvoir
d'achat de la livre inconvertible à celui de la livre d'or.
Ces décisions ont été prises dans la foulée de la
conférence économique internationale
de Gènes, en 1922, dont Jacques Rueff a décrit
toutes les conséquences néfastes qu'on pouvait en attendre
à différentes occasions (en particulier en 1935 et en 1971).
La conférence de Bretton Woods (1944) dont il est question parfois ces
derniers temps – certains voudraient un « nouveau
B.W. » - n'est qu'un succédané de la
conférence de Gènes, en vérité un
« succès damné » de certains dont la
création du Fonds monétaire international (F.M.I.) constitue
l'oriflamme.
Les règles en matière de monnaie sur quoi se sont mis d'accord
les gouvernements constituent ce qu'il est convenu d'appeler depuis lors le
« système monétaire international».
Soit dit en passant, elles cachent la croyance que les règles du
« système monétaire international» convenues
auront une influence favorable sur l' « équilibre
économique » mondial et sur les
« équilibres économiques » nationaux.
2. De l'économie
mondiale aujourd'hui : "rules as usual".
De fait, jamais, jusqu'à aujourd'hui inclus, l'économie
mondiale ne s'est relevée de ces décisions.
Pour ces raisons, la situation mondiale actuelle de 2010 n'a rien d'original
contrairement à ce qui est colporté ici ou là.
Elle s'inscrit dans la longue série des situations monétaires
décrites comme périlleuses, une série qui a donc vu le
jour au lendemain de la guerre de 1914-18.
Cette série est sans précédent historique, elle est
jalonnée de conférences économiques internationales, de
créations d'institutions internationales, plus ou moins formelles,
plus coûteuses les unes que les autres, les unes et les autres en
relation avec des écoles de pensée économiques choisies
successivement pour, selon toute vraisemblance, asseoir leur puissance.
Dernière institution internationale informelle en date : le G20... qui vient de se réunir
cette semaine à Séoul (Corée du Sud).
Dernière école de pensée économique en date : la
« macroéconomie consensuelle ».
3. Il y a manipulation et
manipulation.
Cette série de situations monétaires, véritable
phénomène monétaire à soi tout seul, tranche avec
le passé où la monnaie n'était pour les autorités
respectives des pays qu'une source de revenus
(« seigneuriage ») et non pas une source
d'inquiétudes ou un instrument particulier pour atteindre des fins
économiques rêvées.
Au fond du développement de la série, il y a
- des échanges économiques mal analysés, mal compris ou
dont l'explication vise volontairement à les dénaturer,
- des réglementations absurdes des échanges économiques
prises en conséquence depuis les décisions rappelées,
- des conseillers des puissants incompétents,
- bref un "gros péché" (cf. Jacques Rueff, Le péché monétaire
de l'Occident, en anglais, lui-même, conseiller en
1926-28 dans le « cabinet Poincaré »).
Le péché, c'est la manipulation de la monnaie par
l'autorité qui s'est donné le privilège de le faire
– malheureusement pas en toute connaissance des causes et des effets -
et la manipulation de l'autorité monétaire par ses conseillers
prétendument éclairés, à partir de la
décennie 1920 à l'échelle de l'Occident.
Auparavant, de telles manipulations avaient certes eu lieu, mais seulement
à l'échelon national et pour peu de temps, étant
donnés les dégâts qu'elles faisaient supporter à
l'économie en question.
La série se perpétuera, le phénomène se
développera tant que n'aura pas été rapportée, ne
disparaîtra pas sa cause, à savoir des réglementations
absurdes en matière monétaire à commencer par la plus
destructrice, celle de l'inconvertibilité des « substituts
de monnaie » en « monnaie ».
Pour sa part, cette dernière réglementation a rendu magique la
« monnaie » aux yeux de beaucoup et a conduit à
dénommer aujourd'hui « monnaie » ces substituts
désormais... de rien !
Signe coriace de la magie en France : on parle
d' « argent » au lieu de
« monnaie » !
Contre une certaine logique économique, cette réglementation
devait permettre le développement du crédit, - principal poste
autre que celui de la monnaie dans l'actif des bilans des banques et
« embryon du marché financier » qu'on
connaît aujourd'hui -, et cause avancée de la croissance
économique.
4. L'échange
économique.
La bonne logique économique eût procédé d'une
bonne analyse des prix en monnaie des biens en propriété
observables .
A la racine de l'erreur, voire de l'imposture, une mauvaise analyse des
échanges économiques de biens.
Qu'est-ce que le prix en
monnaie d'un bien en propriété ?
Le prix en monnaie d'un bien en propriété n'est que le dernier
moment du processus d'échange dans quoi les parties sont
entrées et qui fait intervenir l'instrument juridique
"échange synallagmatique", et que l'une et l'autre
mènent une action d'échange.
C'est, plus concrètement, la quantité de monnaie que l'une des
parties verse à l'autre en contrepartie (de la quantité) du
bien qu'elle reçoit en propriété de celle-ci.
Le prix en monnaie observable d'un bien en propriété, c'est
donc une quantité de monnaie échangée !
Et cette quantité est aisément comptabilisable en droits
constatés.
Pour autant que l'échange en question a été menée
librement, il cache un gain pour chacune des parties que personne ne saurait
connaître.
Ce gain ne saurait donc donner lieu à commentaires de tiers à
prendre en considération ni être confondu avec la
quantité de monnaie.
Ce gain n'est pas, lui, comptabilisable.
L'échange cache aussi un coût d'opportunité, un
coût en relation avec les ressources employées pour le mener
à bien, à commencer par le temps passé à le mener
: on ne fait rien sans rien et tout échange prend, au minimum, du
temps.
Ce coût n'est pas, lui non plus, comptabilisable.
Attention à
l'imposture.
Une fois conclu, libre à chacun de préférer à la
dénomination « accord d'échange», le mot
« marché », l'expression
« égalité de quantités » ou le mot
« équilibre ».
Reste que ces mots ou expressions ne doivent pas contribuer à
déformer ou à dénaturer ce qu'ils dénommaient au
départ.
Par exemple, ils ne doivent pas amener à faire abstraction de tout ce
qui a conduit au résultat, à l'accord, à
l'égalité, à l'équilibre, et en particulier
l'instrument juridique, à négliger le coût de
l'échange supporté par chaque partie ou le gain à
l'échange de chacune et à identifier l'échange au seul
prix en monnaie comptabilisable, aux « droits
constatés ».
L'équilibre du marché ou l'équilibre économique
général sont des concepts à manier avec grande
précaution.
Par exemple, ils doivent exclure de transposer et de parler d'échanges
internationaux comme si les nations étaient des unités de
décision.
Par exemple, ils ne doivent pas amener à faire abstraction de la
monnaie et à parler de prix relatifs.
Par exemple, et à l'opposé, ils ne doivent pas conduire
à ne pas distinguer les biens les uns des autres et à faire
correspondre à la « quantité de monnaie en
circulation » un « niveau général des
prix ».
Malheureusement, tous ces travers, voire ces perversions sont, plus ou moins,
au départ des réglementations monétaires et ils
s'accumulent donc.
5. 1930, 1970, 2010 et
après...
De quarante ans en quarante ans, voici trois moments phares du
phénomène, nous vivons le dernier en date.
Ils procèdent tous de la conférence de Gênes qui a eu
comme conséquence tragique, entre autres, celle de contribuer aux
décisions d'interdiction de la convertibilité or
intérieure (dans les décennies 1920 ou 30), puis de la
convertibilité extérieure (décennie 1970) des monnaies
nationales réglementées des gouvernements signataires des
accords.
1930 :
a) au moins soixante monnaies nationales réglementées sont
encore convertibles en or intérieurement mais plus pour très
longtemps ;
b) en particulier, en 1931, l'année suivante, la "première
monnaie du monde", à savoir la livre sterling, est
dévaluée et devient inconvertible intérieurement ;
1970 :
a) les monnaies nationales réglementées des pays membres du
F.M.I. créé en 1944 sont encore
convertibles en or extérieurement, mais plus pour très
longtemps, il y a déjà un « double marché de
l'or » depuis 1968 ;
b) le F.M.I. alloue aux pays membres des D.T.S. - droits de tirages
spéciaux -, nouvelle monnaie sans précédent ;
c) 1971, l'année suivante, le dollar des Etats-Unis devient
inconvertible extérieurement - décision de Richard Nixon,
président des Etats-Unis en exercice - ;
2010 :
a) les monnaies nationales réglementées des pays membres du
F.M.I. ne sont plus convertibles en or, ni intérieurement, ni
extérieurement ;
b) la monnaie D.T.S. est oubliée et, contre toute attente, le F.M.I.
perdure malgré l'abandon des accords monétaires internationaux
qui l'avaient créé ;
c) des monnaies nationales réglementées de pays d'Europe ont
fusionné pour constituer une monnaie régionale
réglementée sans précédent,
dénommée « euro » ;
d) le yuan renminbi, la monnaie
réglementée de la Chine communiste - la troisième
économie du monde en date à en croire des évaluations
officielles récentes - n'est toujours pas échangeable
internationalement (cf. ci-dessous l'évolution du prix du dollar en
yuan sur la période 1980-2010).
Et, par rapport à 1980, le prix du dollar en yuans est encore
près de 5 fois ce qu'il était alors, à savoir 1,47 yuan
!
e) l'année prochaine, 2011 ? Tout est possible. Encore faut-il
être capable de l'imaginer.
6. La politique
monétaire d'un Etat.
Il est ordinaire aujourd'hui de parler de la « politique
monétaire d'un Etat».
Mais que faut-il entendre par cette expression-là?
C'est d'abord une nouveauté du XXème siècle et, à
ce titre, elle était impensable les siècles
précédents même si, à certaines périodes
(décennie 1790 en France, décennie 1810 en Angleterre par
exemple), la monnaie a pu être détruite par des malversations
des hommes de l'Etat qui n'étaient pas censées alors ressortir
à la politique monétaire (à cet égard,
« Law a eu bon dos » au début du XVIIIème
siècle...).
Grâce aux conclusions de la conférence de Gènes, tant
l'ignorance que le rêve en matière de monnaie ont pu
désormais donner libre cours à leur oeuvre destructrice, en
toute impunité, sous la dénomination de « politique
monétaire » et dont on n'est plus sorti jusqu'alors.
La politique monétaire est l'action que mène l'autorité
monétaire d'un pays sachant qu'elle dispose du monopole de l'offre de
la monnaie réglementée - à utilisation obligatoire en
paiements sur le territoire national -.
C'est parallèlement, et de façon annexe, la croyance dans
l'efficacité de l'action, la croyance qu'elle aura une influence
favorable sur l'« équilibre économique »
national et sur la croissance.
Encore faut-il que les politiques monétaires suivies par les
autorités monétaires des pays ne s'avèrent pas en
opposition les unes avec les autres...
7. La monnaie, coeur de
la politique monétaire.
Mais qu'est-ce que la monnaie en jeu dans la « politique
monétaire » ?
Grande question à quoi, encore aujourd'hui, une large majorité
d'économistes ne répondent pas ou donnent une réponse
d'un autre âge.
Le cas échéant, ils confondent la « politique de
crédit » et la « politique
monétaire » confondant ainsi le crédit et la
monnaie.
Les économistes qui ne répondent pas à la question et,
de fait, ne font pas entrer la monnaie dans leur cadre de pensée
économique, partent de l'hypothèse que la monnaie n'a pas
d'influence économique importante (ce sont principalement les
théoriciens de l'équilibre économique
général).
Certains de ceux qui répondent à la question se situent,
implicitement, au Moyen Age, quand la monnaie n'avait plus - au moins en
Europe -, qu'une seule grande forme, celle de métaux (or, argent et
alliage de métaux) en pièces, en lingots, en tares.
Ils font l'hypothèse que les formes que peut revêtir la monnaie
n'ont pas d'influence économique – ils laissent de
côté l'alternative « monnaie- substituts de
monnaie » convertibles en « monnaie »
à taux fixe, à vue-.
Selon eux, la monnaie est « neutre ».
Voisins de ces derniers, il y a des économistes qui ne séparent
pas la monnaie des opérations budgétaires de l'Etat et
mélangent les unes et les autres comme s'il y avait un lien
mécanique évident entre la monnaie et le déficit du
budget, comme si parler de l'un revenait à parler de l'autre.
7.A. La monnaie, un
pouvoir d'achat généralisé.
Restent les économistes qui définissent, comme il le faut, la
monnaie, à savoir comme un pouvoir d'achat
généralisé : la monnaie est un pouvoir d'achat de biens.
A la fin du XIXème, Pareto parlait de « puissance
d'achat » alors que les Anglais parlait de « purchasing
power ».
Aujourd'hui, on pourrait parler tout autant de « potentiel
d'achat ».
Parmi eux, malheureusement, certains donnent à l'expression
« pouvoir d'achat » une connotation qu'elle n'a pas.
L'expression est de fait utilisée un peu à tort et à
travers.
Il ne faut pas confondre l'être et l'avoir.
La monnaie est un pouvoir d'achat et a un pouvoir d'achat.
Peut-être pour éviter la confusion, les monétaristes,
Milton Friedman et ses amis de l'Ecole de Chicago,
préféraient parler d' « encaisses
réelles » pour désigner le pouvoir d'achat qu'a la
monnaie à un instant donné.
Mais, par exemple, le revenu du travail n'est pas un pouvoir d'achat.
Reçu sous forme de monnaie, il a un pouvoir d'achat, celui de la
quantité de monnaie en question.
D'où vient cette nature de la monnaie d'être un pouvoir d'achat
généralisé, un potentiel d'achat ?
Du fait que, dans la nuit des temps, sous les différentes formes
où elle était apparue ici ou là sans avoir encore la
dénomination de monnaie, elle a divisé le temps de
l'échange d'un bien contre un autre en deux temps –
l'échange direct est devenu indirect - et ainsi a réduit le
coût de l'échange des biens . Le pouvoir d'achat de la
monnaie concrétise le second temps de l'échange indirect.
Et s'en est ensuivi une course poursuite entre l'innovation et la
réglementation dans le domaine.
7.B. Une autre
définition.
Il reste que, lors de la conférence de Gènes, la monnaie n'a
pas été envisagée sous cet angle et elle l'est encore
peu aujourd'hui ainsi .
On lui a préféré ceux de la théorie de la
quantité de monnaie - dans l'état où se trouvait alors
cette théorie - et de sa quantité comptabilisée par les
banques.
Il a été soutenu que l'augmentation de la quantité de la
monnaie en or était insuffisante et, en conséquence,
constituait un frein aux développements des échanges
internationaux et donc à ceux des économies nationales, que
permettait l'augmentation du crédit.
Il fallait trouver des moyens d'accroître le rythme d'augmentation de
la quantité de monnaie.
Le livre d'Irving Fisher (1927) intitulé L'illusion de la
monnaie est éloquent sur le sujet.
Et ce sera le passage de l'étalon or à l'étalon de
change or, puis à l'artifice politique .
Etant donnée cette démarche, ils ne se posaient pas de question
sur les relations entre la nature de la monnaie et sa quantité.
Ils ne pouvaient donc se demander si les accords conclus affecteraient la
nature de la monnaie de réduire le coût de l'échange et dans
quel sens.
Et le fait est qu'ils ont contribué à affecter la nature de la
monnaie.
Ils ont ouvert la porte à l'interdiction de la convertibilité
à vue, à taux fixe, des « substituts de
monnaie » ( billets et dépôts à vue) en
« monnaie » .
Ils ont aussi ouvert la porte à la dénomination
« monnaie » donnée, contre toute attente, aux
« substituts de monnaie » d'hier, désormais
inconvertibles et donc substituts de rien !
Ils ont été enfin le signal de départ du grand
« jeu des monnaies » .
8. Résultat du
processus : l'exemple du franc.
Prenons, à titre d'exemple de résultat du processus, ce qui est
arrivé au "franc", nom donnée à la monnaie de
la France dans le passé.
Il y a un siècle, « franc » était le nom
donné en France à la pièce de 5g d'argent.
Et la pièce circulait librement, était échangée
librement.
Cela n'était pas nouveau, mais remontait au moins à
l'année 1726.
« Napoléon » était le nom donné
à la pièce de 20 francs faite non pas d'argent, mais d'or. Le
« Napoléon » était une pièce de
6,45 g d'or.
Et la pièce circulait librement, était échangée
librement.
Cela n'était pas nouveau non plus, mais datait du début de la
décennie 1800.
Ainsi, 20 francs étaient 20 pièces de 5 grammes d'argent ou 1
pièce de 6,45 grammes d'or, en toute liberté depuis au moins le
début du XIXème siècle.
La pièce de 5g d'argent – dénommée 1 franc - avait
ainsi des multiples, elle avait aussi des sous multiples en pièce
d'alliage de métaux.
Elle avait encore des multiples en coupures de billets en papier dont la
Banque de France avait reçu du législateur le monopole
d'émission.
La Banque avait l'obligation de convertir à vue les billets en or ou
en argent qui lui étaient présentés au taux
précédent.
A ce titre, le billet était un « substitut de
monnaie ».
Quant aux banques sous tutelle de la Banque de France qui offraient des
dépôts à vue, elles avaient une obligation comparable et
le dépôt à vue était un autre
« substitut de monnaie ».
En d'autres termes, étant données les obligations
réglementaires, le « franc » était
en puissance 322 milligrammes d'or ou 5 grammes d'argent.
Ce que certains qui renversaient et dénaturaient le propos exprimaient
en disant que le « prix de l'or » était 3,1 francs
le gramme et le « prix de l'argent » 20 centimes le
gramme.
A l'occasion de la dévaluation de 1928 évoquée ci-dessus
qui le rend convertible en or, le franc verra son poids en or divisé
par « 5 ».
Mais la machine infernale avait été lancée.
Deux ans après sa dernière dévaluation en 1969
- où son poids en or sera fixé à 1,6 mg d'or, soit :
- une division par 200 de son poids de
1914 ou
- une division par 40 de son poids de
1928, i.e. quarante ans plus tôt,
il deviendra inconvertible en or comme d'ailleurs toutes les monnaies des
pays membres du F.M.I. (cf. ce texte)
Et il disparaîtra « de la circulation » en 1999,
donc trente ans plus tard, en fusionnant avec d'autres monnaies – tout
comme le DM "recréé" en 1948 - pour former la monnaie
« euro » .
9. Un dernier mot.
Quand on sait que :
- dans la période 1900-1973, le
dollar des Etats-Unis a vu son poids en or divisé par un chiffre
voisin de 2 ,
soit une division cent fois moins forte que celle du franc, et
- le prix du DM en franc a été multiplié par plus de
quatre dans les cinquante années 1948-1998, i.e. depuis sa seconde
répudiation du XXème siècle jusqu'à sa
disparition dans l'euro,
on ne peut qu'être pensif sur l'économie de la France, sur
l'efficacité de la politique suivie par ces dirigeants et sur
l'intérêt des accords passés par ceux-ci avec leurs
homologues d'autres pays, depuis 1922, sauf à imaginer que cela aurait
été pire sans la politique suivie !
Une chose est certaine aujourd'hui : la France n'a plus de politique
monétaire, ses dirigeants se sont entendus avec ceux d'autres pays -
ils forment désormais la « zone euro » - pour
qu'il y ait une politique monétaire menée par la « banque centrale européenne »,
créée pour l'occasion, et elle seule...
Mais les règles internationales convenues un jour ne peuvent
qu'être en opposition, ou en contradiction avec la politique de tel ou
tel gouvernement, un autre jour.
La situation des pays de l'euro est exemplaire : quoiqu'elles aient
été cachées un temps, il s'avère que les dissensions ont cru et embelli presque
dès le départ.
Autre exemple : la situation de la Chine communiste. La monnaie de ce pays
dénommée yuan renminbi présente la
caractéristique souvent oubliée de n'être pas
échangeable en dehors de ses frontières.
Elle ne saurait être comparée pour cette raison au dollar des
Etats Unis, à l'euro, à la livre anglaise, etc.
Malgré cela, elle devient un épouvantail pour certains comme si
les pertes qu'elle cause à l'extérieur à cause de sa
caractéristique n'étaient pas présentes à
l'intérieur et allaient croissantes. Qu'attendent-ils pour s'informer
?
La « règle de juste conduite » qu'était
en définitive l'étalon or et qu'a fait abandonner la
conférence de Gènes pour la remplacer par celle de
l'étalon de change or présentait, elle, l'avantage
d'empêcher la contradiction de surgir, avantage qui complétait
celui de ne pas donner lieu au phénomène monétaire
décrit ci-dessus.
Son rétablissement est une nécessité que ne sauraient
cacher les chiffons plus roses que rouges agités par les uns ou les
autres à l'occasion de leurs propos sur le yuan renminbi, sur les
"mauvais Etats" de l'euro ou encore
sur la politique monétaire de la banque centrale des Etats-Unis qui,
faut-il le rappeler, n'a pas atteint encore l'âge
de cent ans.
Georges Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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