Les
alertes se succèdent, sans aucun répit. A peine une crise
dénouée, elle rebondit. L’Europe vient de prendre le
relais des Etats-Unis, où la tension n’est qu’en partie
retombée et se prépare à rebondir, quand il va falloir
à nouveau entrer dans le vif du sujet et rendre crédible le
retour dans une spirale ascendante de l’économie
américaine.
En
Europe, on croyait depuis deux jours revoir un film déjà
vu : les taux obligataires se tendaient brutalement et atteignaient des
niveaux historiques, les spreads qui mesurent le
différentiel de prime de risque avec l’Allemagne grimpaient,
ainsi que le coût des credit defaut swaps (CDS), ceux de la France suivant la
tendance.
Sauf
que, cette fois-ci, il s’agit de l’Italie et de l’Espagne,
respectivement troisième et quatrième puissance
économique de la zone euro. Les digues mises en place ne contiendront
pas ce qui se présente. Dans l’immédiat, les
marchés tremblent et Moody’s vient d’abaisser à
« négative » la perspective de sa note Aaa qu’elle maintient pour les Etats-Unis.
Le
film se poursuivait ensuite à l’identique : Giulio Tremonti, ministre des finances italien, convoquait dans
l’urgence une réunion du comité pour la sauvegarde de la
stabilité financière, réunissant la Banque d’Italie,
l’autorité boursière et le régulateur des
assurances. Il s’entretenait avec le commissaire Oli Rehn avant de rencontrer demain mercredi le chef de file
de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.
José Luis Rodriguez Zapatero retardait de son côté ses
vacances.
Une
rumeur insistante du marché faisait état d’une
décision imminente de dispenser l’Espagne et l’Italie de
leur participation financière au sauvetage de la Grèce, amenant
la commission à démentir, en précisant qu’il y
avait un « mécanisme spécial » pour
contrebalancer le surenchérissement du crédit que ces pays
subissaient sur le marché. Ce qui n’était pas pour
rassurer.
De
Bruxelles, la commission affirmait qu’« aucun plan de
sauvetage » n’était sur la table pour l’Espagne
et l’Italie (ni pour Chypre non plus). Jugeant
« risible » le coût des CDS sur la dette
italienne et espagnole, Herman Van Rompuy,
président de l’Union européenne, déclarait enfin
dans une tribune publiée par Le Monde que « On ne
soulignera jamais assez que la situation de la Grèce est unique, et
qu’elle n’est pas comparable à celles d’autres pays
de la zone euro ».
Oubliées
dans la bataille, les bourses européennes chutaient, les analystes ne
sachant pas à quoi l’attribuer : le scepticisme croissant
sur la portée de l’accord voté au Congrès, les
dernières données corrigées sur une croissance
américaine plus qu’anémique, ou les chiffres toujours en
baisse de la consommation intérieure. Ou bien encore le nouvel
épisode de la crise européenne, qui s’enclenche le
précédent même pas terminé.
Alors
que tous les commentaires, après n’avoir cessé de se
focaliser sur la dette publique ,
découvraient que celle-ci serait très difficilement
résorbée des deux côtés de l’Atlantique sans
croissance économique, l’OCDE publiait l’un de ses
inimitables rapports ne pouvant que mettre de l’huile sur le feu.
Constatant
que la récession grecque s’accentue par rapport à ses
propres prévisions, et que le chômage continue d’exploser,
elle recommande sans faillir l’application
« irréprochable » des réformes
engagées, en expliquant que
« l’austérité va avoir des résultats
à long terme », puisqu’elles visent à
remédier « aux causes profondes de la crise, et non
à ses symptômes ». Sur la base de ses
hypothèses, enfin, l’OCDE estime que « le ratio
dette/produit intérieur pourrait atteindre un sommet en 2013, avant de
retomber en-dessous de 60% au cours des deux prochaines
décennies ». Elle dévoile ainsi la durée de
la peine à laquelle sont condamnés les Grecs : vingt ans de
pénitencier. Sera-t-elle moins lourde pour les autres ?
Cerise
sur le gâteau, l’organisation précise que la bonne
volonté du gouvernement grec sera notamment mesurée à
l’absence de « mesures protectionnistes » envers
des partenariats ou regroupement des banques grecques avec des banques
européennes. Il ne s’agit donc pas seulement d’un
programme de privatisations de 50 milliards d’euros à
réaliser dans les cinq ans à venir.
Du
côté des banques, Baudoin Prot,
administrateur général de BNP Paribas, a également
exposé sa vision de l’avenir, qui a en commun avec la
précédente d’être totalement irréaliste.
Relevant que la participation de sa banque au plan de sauvetage de la
Grèce allait coûter un demi-milliard d’euros à sa
banque, il insiste sur le fait que cette charge exceptionnelle vaudra
« solde de tout compte en ce qui concerne les investisseurs
privés », rappelant combien les chefs d’Etat et de
gouvernement avaient été lors de leur sommet
« extrêmement clairs » à ce sujet. Pendant
ce temps-là, ses plus proches collaborateurs doivent être en
train de vérifier l’exposition de BNP Paribas à
l’Espagne et l’Italie…
La
simultanéité des crises américaine ou européenne
crée une nouvelle spirale descendante. Aux inquiétudes à
propos du niveau de la dette publique se superposent désormais celles
sur le danger d’une récession atteignant toute
l’économie occidentale. Le FMI vient d’y contribuer en
écrivant dans son rapport annuel sur le Royaume-Uni que « les
perspectives de croissance sont sujettes à des incertitudes considérables ».
« L’économie
avance nettement moins vite que nous ne pensions » vient de
reconnaître Timothy Geithner,
secrétaire d’Etat américain au Trésor. Pour vite
ajouter que « cela se produit dans le monde entier »
dans l’intention de le minimiser, tout en estimant que le risque
d’une nouvelle récession n’était pas
« très important ». Pour admettre, enfin, que
l’emploi ne s’améliorait pas, signe selon lui que
« les entreprises ont énormément mis l’accent
sur l’amélioration de la productivité ».
Sont-ils
tous à ce point inconscients ou simplement des affabulateurs ?
L’un n’empêche pas l’autre.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
(*) Un «
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alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
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