Quitte à devoir choisir et centrer le domaine de l'économie politique,
faut-il mettre l'accent sur "échanger" ou sur "produire"?
On peut se poser la question.
Et j'y réponds ci-dessous.
1. Le fardeau du passé.
Il faut savoir que les économistes majoritaires du moment ont suivi au
XXème siècle les élucubrations d'une minorité d'économistes du XIXème siècle
et ont choisi la notion de "produire", la production de choses par
vous ou moi, plutôt que la notion d'"échanger", l'échange de
marchandises par vous ou moi.
En est résulté la tendance actuelle, tant de la théorie de l'équilibre
économique général que de la macroéconomie, qui a contribué à assujettir
l'économie politique à telle ou telle mathématique.
Aujourd'hui, la mathématique du groupe Bourbaki du milieu du XXème siècle
a le vent en poupe (comme l'a montré Roy Weintraub dans son ouvrage intitulé How
Economics Became a Mathematical Science, 2002).
Exemplaires ont été aussi, dans l'intervalle, en France, le
monopole statistique de l'"Institut national de la statistique et des
études économiques" (I.N.S.E.E.) qui
a été institué en 1946, en opposition à, par exemple, l'école des
"Hautes études commerciales" (H.E.C.), créée
en 1881, qui mettait l'accent sur l'échange, ou, aux Etats-Unis, la Cowles
Commission, créée
en 1932.
Ils articulaient leurs travaux sur la production de choses et non pas sur
l'échange ou le commerce de marchandises, et faisaient croire que la
production des choses créait l'échange de marchandises.
2. L’oubli.
Les premiers économistes avaient pourtant fondé leurs travaux sur la
notion théorique d'"échange"ou de "commerce" des
marchandises, individuel ou international.
De plus, ils supposaient que la production de choses en propriété se
déduisait logiquement de l'échange de marchandises au point de se donner
corps et âmes pour faire connaître le "libre échange".
3. Les écoles de pensée marxiste ou macro économiste.
Mais avec les travaux de quelques économistes sur la notion théorique
de "capital" qui ont vu le jour au XIXème siècle, l'accent a changé
et a été mis progressivement sur la notion théorique de "production"
et tout ce qui va de pair, dont les facteurs de production dits
"ressources", "travail" ou "capital".
Et la tendance macro économiste s'y est moulée, à sa façon, au XXème
siècle, d'une part, en réduisant fortement le nombre de marchés qu'envisageait
la théorie de l'équilibre économique général et, d'autre part, en
introduisant le marché de la monnaie et le marché des prêts.
En est résulté, depuis lors, un fossé d'incompréhension croissant entre
les économistes majoritaires et, en particulier, les chefs d'entreprise
qui savent que leurs succès dépendent des "commandes", i.e. des
échanges de marchandises, qu'ils parviennent à décrocher, et non pas de leur
production de choses ...
4. Le coût de l’échange.
Au milieu de la seconde moitié du XXème siècle, des économistes ont,
semble-t-il, essayé, consciemment ou non, de faire remettre au premier
plan de leur domaine, l'échange de marchandises par vous ou moi, avec
leurs travaux sur ce qu'ils ont dénommé le "coût de l'échange"
(cf. ce texte de
D.W. Allen, 1999).
A cette occasion, certains d'entre eux ont parlé de la "technique de
l'échange", antienne de l'économie politique (cf. Ulph et Ulph,
1975), ... ou bien du coût
d'opportunité (cf. Knight, 1935 ou Buchanan, 1969)
qui amenaient à retrouver la perspective des débuts de leur science.
5. La dérive mathématique.
Mais le mur est resté bien en place...
En dépit des vieilles absurdités du marxisme, puis des propos de ceux qui
se font dénommer "macro économistes", les mathématiques ont fait
florès.
Il y a quelques temps encore, Donald O'Shea soulignait l'invention
permanente des mathématiciens dans son ouvrage sur la conjoncture
de Poincaré (2007) et, par conséquent, la pluralité croissante du domaine
des mathématiques.
Pour sa part, l'économie politique actuelle continue à dériver vers
l'absurde, avec des modèles économétriques ou, simplement,
statistiques, insensés, qui amènent les économistes à ne plus
s'intéresser aux (conséquences des) actes des personnes que nous
sommes, vous et moi et qui ne vivons pas dans une île déserte (sauf à
voir dans l'économie mondiale une île déserte...).
En question, sont leurs motivations qui consistent à persuader les
hommes de l'état qui les rémunèrent en espèce ou en nature et qui ont
dénaturé l'économie politique en y faisant jouer un rôle incommensurable
à leurs actes, que les décisions qu'ils ont prises ont été, sinon les
meilleures, au moins les moins mauvaises et que, pour l'avenir, il serait
bien qu'ils les écoutent (exemplaire est ce qu'a raconté récemment l'Institut de
protection sociale sur la réforme du R.S.I.) .