L’Histoire
réserve régulièrement au monde politique des mariages de
raison. Le dernier en date est celui des libéraux et des
souverainistes britanniques. Qui eût cru que les souverainistes
protectionnistes conservateurs trouveraient un jour dans les libéraux
un allié pour lutter contre les velléités
supra-étatistes des défenseurs de l'Union européenne ?
Et pourtant,
si le rêve européen est né de l'idée que le libre-échange
était le meilleur garant de la paix, le projet a malheureusement
glissé en cours de route, pour devenir une construction bureaucratique
et liberticide. (Vladimir Boukovski
a enregistré à ce sujet une vidéo intéressante dressant
le portrait parallèle de l'Union européenne et de l'Union
soviétique)
Conçu
comme une zone de liberté, l'espace européen est devenu celui
de la contrainte, de l'obligation et de l'interdiction. Loin d'une
disparition des États au profit du marché, l'affaiblissement
des nations profite en réalité à la construction d'un
super-État régulateur.
Ce transfert
d'échelle a ainsi aggravé non seulement la
réglementation, mais aussi la création monétaire, en établissant
une gigantesque structure too public and too big to fail.
C'est dans le
refus de cette superstructure antidémocratique que se rapprochent
aujourd'hui libéraux et souverainistes. Les uns refusant que
l'échelle de souveraineté change au profit d'un
« espace politique européen » qui, sous couvert
« d'intégration » et d'élargissement de
la démocratie, dissout en réalité cette dernière
dans des structures administratives internationales. Les autres refusant de
voir apparaître un État encore plus lourd et encore plus
puissant, sur lequel l'individu a chaque jour moins de prise et dont
l'augmentation de la taille semble inéluctable et incontrôlable.
Les premiers refusent de voir les traditions vernaculaires balayées
pour laisser place nette à une « identité
européenne » ; les seconds voient dans les
réglementations européennes autant d'entraves à
l'épanouissement de « l'ordre spontané ».
David Cameron
ne peut plus faire l'économie de ce nouveau rapport de force et
multiplie publiquement les allusions au souci d'indépendance des
Britanniques. Le discours sur l'Europe qu'il devait prononcer, vendredi le 18
janvier à Amsterdam, a été reporté en raison de
la prise d'otages en Algérie. Mais ses services de communication en
ont dévoilé le contenu.
Si l'Union européenne
ne se réforme pas, le Royaume-Uni pourrait se diriger peu à peu
vers la sortie, devait déclarer le premier ministre britannique
à Amsterdam.
Les points
critiques qui justifient cet avertissement sont les suivants : la crise de la
zone euro, le manque de compétitivité face à la
concurrence de pays émergents et un « manque de
légitimité démocratique et d'adhésion qui est
ressenti de façon particulièrement intense en Grande-Bretagne
».
Ces points de
tension révèlent bien les deux facettes de
l’euroscepticisme contemporain : la critique libérale de la
politique monétaire et fiscale, et la critique souverainiste du
déficit démocratique des institutions européennes.
Le pragmatisme
politique a ainsi dicté au premier ministre britannique une solution
qui a fait sursauter ses confrères européens. Poser directement
la question au peuple au moyen d’un référendum avec un
choix très simple : ratifier un accord renégocié
avec Bruxelles ou une sortie de l'Union.
Les perspectives n'allant ni dans le
sens d'une rigueur budgétaire, ni dans celui d'un recul de
l'expansionnisme communautaire, et les crises successives étant
régulièrement l'occasion de justifier un renforcement du projet
européen, la fuite en avant technocratique pourrait bien achever de
convaincre le royaume
d’outre-Manche de se débarrasser du drapeau
étoilé.
|