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« Exil
fiscal, exil fiscal, est-ce que j’ai une gueule d’exil
fiscal » pourrait dire l’entrepreneur qui, ordinateur sous
le bras, sac en bandoulière, billet d’avion en main, part de
France pour un pays étranger où il trouvera un contexte
favorable au développement de ses affaires. « Exil
fiscal » est l’expression utilisée par les politiques
et les media pour donner mauvaise conscience à ceux qui partent. Cette
expression implique un je ne sais quoi de négatif qui transforme
l’entrepreneur en profiteur alors que le profiteur, c’est
l’État.
Remettons les
pendules à l’heure. Si un entrepreneur français part, ce
n’est pas parce qu’il trouve que la Tamise est plus propre que la
Seine ou la Guinness plus gouteuse que le Bordeaux, voire le couscous plus
relevé que le cassoulet. Ce n’est pas non plus parce qu’il
est de droite ou de gauche, ou qu’il préfère Angela Merkel à François Hollande. S’il
part, c’est parce qu’il a comparé les politiques fiscales
des États.
Les
États n’échappent pas à la compétition. Ils
y échappent d’autant moins que nous vivons dans une Union
européenne qui a pour but de favoriser la libre circulation des biens
et des personnes. Ne sommes-nous pas tous des citoyens européens
depuis le Traité d’Amsterdam de 1997 ? Alors
François Hollande et ses ministres, jadis tellement
pro-européens et antinationalistes, seraient bien disgracieux
d’empêcher les entrepreneurs d’utiliser pleinement les
droits que leur donne leur citoyenneté européenne. Que nos
gouvernants ne viennent pas maintenant nous servir du patriotisme
économique en exigeant que l’on reste dans leur pré carré
surtout si celui-ci n’est pas compétitif.
Pas besoin de
grandes analyses et de grands discours pour comprendre quels sont les
États les plus compétitifs. Il suffit simplement d’avoir
la liste des taux d’impôt sur les sociétés par
pays. Ainsi, en France, l’impôt sur les sociétés
est de 34,4%. Parmi les pays frontaliers, l’Espagne affiche un taux de
30%, l’Italie de 27,5%, l’Allemagne e 26%, la Grande-Bretagne de
24%. C’est pas mal, mais le plus compétitif reste
l’Irlande avec un taux de 12,5%.
Et hors
d’Europe, la compétition avec les États européens
est féroce. À trois heures d’avion de Paris, il y a
Casablanca et à deux heures, il y a Tunis. La plupart des Tunisiens,
par exemple, le savent : si leur contexte politique était un peu
plus stable, ils attireraient beaucoup plus de français et d’européens
qu’aujourd’hui. Avec une fiscalité à 0% pour les
sociétés exportatrices à 100%, mesure prolongée
jusqu’à l’an prochain, il y a de quoi, en effet, faire
réfléchir. D’autant que, de Paris, on est plus vite
à Tunis qu’à Marseille. En attendant, les Tunisiens
regrettent que ce soit le Maroc qui engrange le plus gros des arrivées
européennes.
Pour un
entrepreneur déterminé et qui fait jouer la concurrence, il y a
deux types d’États : l’État-Providence et
l’État-Business. Alors que l’État-Providence veut
redistribuer lui-même les richesses sous prétexte de justice
sociale et pour ce faire doit les saisir en les imposant au maximum,
l’État-Business comprend qu’il fait des affaires en
laissant faire les affaires car le business génère encore plus
de business et surtout des emplois. Entre un impôt sur les
sociétés à 34,4% et un autre à 12,5%, il y a une
différence de 21,9% : ça de plus pour l’entrepreneur
et un gain d’activité et d’attractivité pour
l’Irlande au détriment de la France. Mais si la France applique
un taux de 12,5%, alors les entrepreneurs français n’auront plus
de raison d’aller ailleurs, non ? C’est tellement simple
à comprendre : c’est la loi de l’offre et de la
demande.
L’État
de grand-papa a vécu : le monde est ouvert, les frontières
sont ouvertes, les incantations patriotiques n’ont plus lieu
d’être. On peut aimer son pays, mais si l’on y est
écrasé d’impôts et de taxes en tout genre, pourquoi
y rester si l’on peut partir ? La raison pour laquelle un entrepreneur
s’en va, c’est pour être compétitif. Pour être
compétitif, il doit être dans un environnement
compétitif, qui le laisse s’exprimer. Alors cessons de parler
d’exil fiscal en pointant du doigt les entrepreneurs : parlons
plutôt de compétitivité entre États en mettant les
politiques face à leurs
responsabilités !
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