Alors que les
discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale approchent, la tentation est grande – face à des
déficits qui n’en finissent pas de se creuser – de revenir
sur l’idée d’une fiscalité nutritionnelle
élargie et augmentée. Il serait cependant incohérent de
vouloir augmenter des taxes qui pèsent in fine sur les budgets des ménages quand, dans le
même temps, il est justement question de baisser les charges des
ménages et des entreprises.
Il est
fondamental de comprendre que l’impact de la fiscalité
nutritionnelle sur la consommation de denrées nutrionnellement
pauvres est incertain et que le risque est grand de mettre en place des contraintes
supplémentaires sur l’activité économique du pays sans
pour autant obtenir les bénéfices attendus en termes de
santé publique.
Des axes d’analyse trop limités
Les solutions
proposées au problème du surpoids reposent sur trois axes
d’analyse très imparfaits.
-
Les
personnes obèses représenteraient un surcoût pour la
société :
ceci semble vrai à l’échelle d’une année
mais pas lorsque le coût est mesuré sur la durée de vie
entière (les personnes obèses génèreraient en
fait 12 % de coûts en moins).
-
Il
serait irrationnel de manger trop d’aliments nutritionnellement pauvres : c’est inexact si
l’on prend en compte l’accroissement de la valeur du temps, la
baisse des travaux pénibles au 20ème siècle
et la baisse du coût de la nourriture.
-
Les
inégalités sociales rendent difficiles l’accès
à une nourriture de qualité aux classes populaires : c’est aussi inexact si
l’on considère que la part du budget alimentaire a diminué
de moitié depuis 1950 en France.
L’impact incertain de la
fiscalité nutritionnelle
Ce type de
fiscalité suppose que l’on connaisse la sensibilité des
individus aux variations de prix,
ce qui est impossible à obtenir avec précision. La
fiscalité pourrait ainsi conduire à une diminution de la
consommation modérée sans pour autant sanctionner les abus.
Une taxe
susciterait une fuite devant l’impôt qui se concrétiserait notamment
par l’émergence de marchés noirs ou parallèles comme
au Danemark où l’imposition d’une « fat tax » poussa jusqu’à 48% des
Danois à faire leurs courses à l’étranger.
Enfin, la fiscalité génère
des effets de substitution. Ainsi
les consommateurs pourraient reporter leur choix d’une marque
prémium vers une marque distributeur moins chère.
Quand l’État met son nez
dans nos assiettes
·
Les
solutions qui émergent sur le marché et qui sont, du reste,
bien moins onéreuses pour la société dans le long terme,
sont sous-estimées ou ignorées.
·
La
satisfaction que les individus retirent de leurs activités (y compris
de la nutrition) est ignorée.
·
Les
politiques de santé trouvent leur raison d’être dans la
dynamique des groupes de pression.
·
De
surcroit, l’usage de la notion d’index de masse corporelle porte
à controverse. En fait, il n’est même pas certain que les
acides gras saturés aient les effets négatifs tant
décriés. Un nombre croissant d’études rejette le
lien entre ces graisses et les maladies cardiovasculaires. De même, et
bien que dénigrée, l’huile de palme présente des
propriétés nutritionnelles intéressantes et offre des
avantages économiques importants.
Selon Frédéric
Sautet, auteur de l’étude, « Au final, il faut savoir
garder une certaine humilité devant le processus social et biologique.
Les rapports Daudigny-Deroche et Hercberg soulignent que la mauvaise nutrition et ses
conséquences sont un problème complexe qui appelle un ensemble
de solutions. Pourtant, ils privilégient essentiellement une solution
fiscale car ils sous-estiment les coûts d’un tel système
de taxes et de subventions. »
Intitulée La fiscalité
nutritionnelle : outil peu efficace de santé publique,
l'étude est disponible à : www.institutmolinari.org
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