« Il
faudra trois, cinq, voire dix ans pour parvenir à en reprendre le
contrôle, et même plusieurs décennies pour remédier
aux conséquences de l’accident », vient de
déclarer à propos de Fukushima Daiichi
Naoto Kan, le premier ministre japonais.
C’est
la première fois que les autorités japonaises s’avancent a formuler une estimation des
délais qui seront nécessaires pour procéder à la
décontamination du site. Une nouvelle annonce présentant les
étapes de celle-ci ainsi que leur calendrier devrait intervenir le 19
juillet prochain.
Le
projet, qui circule déjà au Japon, s’appuie sur
l’expérience américaine qui a fait suite à
l’accident de Three Mile Island, ce qui en
trace sans plus attendre les limites. Le combustible de trois
réacteurs a fusionné, traversant la cuve contrairement à
ce qui s’était passé aux Etats-Unis.
Le
démantèlement des réacteurs s’annonce comme une
opération de longue haleine nécessitant la conception et la
mise au point de méthodologies et d’équipements
spécifiques, en particulier afin de recueillir le combustible
après fusion, dont on ne connaît pas l’état et la
localisation exacte. Il sera également nécessaire de vider les
piscines de stockage du combustible usagé, au contenu entreposé
dans des conditions perturbées compliquant l’opération.
De découper les gigantesques structures radioactives des
réacteurs. Et enfin, de stocker pour une longue période dans
les conditions de sécurité les meilleures ces masses de
débris radioactifs.
Un
tel chantier n’a jamais eu d’équivalent et va faire appel
à des ressources encore à inventer, pour un coût
indéterminé et qu’il va falloir financer. Son
démarrage suppose que la reprise en main de la centrale soit
réalisée, ce qui est encore loin d’être le cas en
dépit des progrès qui ont été accomplis. La mise
en marche fonctionnelle des nouveaux systèmes de refroidissement des
réacteurs, permettant l’arrêt de la production continue
d’eau hautement contaminée est encore en suspens.
L’évacuation
– après décontamination partielle – des masses
d’eau répandues dans les sous-sols est encore
problématique et de longue haleine. Enfin, ses bâtiments et
structures éprouvés, la centrale reste vulnérable aux
éléments : pluies tropicales, secousses telluriques…
et tsunamis.
Dans
l’immédiat, de mauvaises nouvelles sont égrenées
au fil des jours. Des taux de contamination radioactive très
élevés sont ici ou là relevés dans
l’environnement ou dans l’alimentation, mettant en
évidence que les zones d’évacuation ont été
taillées de manière trop restrictive et sans mesures
adéquates de la radioactivité et que leurs frontières ne
sont pas étanches.
Plusieurs
centaines de milliers de Japonais sont en conséquence condamnés
à vivre dans l’incertitude et le danger, qui
s’accroît à la longue, à force de
l’exposition cumulée à des radio-éléments
à longue durée de vie (césium). S’en tenant au
démantèlement des installations de la centrale, le plan
gouvernemental ne prend pas en compte cette dimension humaine.
La
détection, à Tokyo même, d’un taux de trois
à six fois la normale de césium dans de la viande de bœuf
originaire d’une ferme de la zone comprise entre 20 et 30 kms de la
centrale a créé un choc plus largement dans l’opinion, montrant
que la population japonaise était dans son ensemble susceptible
d’être exposée à la contamination, via la
production alimentaire. Les mesures externes à l’animal avant
son transport vers l’abattoir n’avaient en effet rien
détecté.
Les
contrôles sur les produits alimentaires, a-t-il été
reconnu par les autorités, sont effectués de manière
aléatoires et aucun changement n’est envisagé
à ce sujet. Moins d’un pour cent de ceux-ci, provenant de la
région de Fukushima, ont été contrôlés. Ce
qui comprend également les produits de la mer, où l’on
sait qu’une importante contamination est intervenue, se fixant au final
dans la chaîne alimentaire : algues, crustacés et poissons.
Enfin, si une interdiction gouvernementale empêche le transport des
vaches et boeufs en dehors de la zone
d’évacuation des 20 kms, rien de tel n’existe pour les
porcs et les volailles.
Petit
à petit, il se dessine une autre image de la catastrophe de Fukushima.
L’équation économique en est aussi progressivement
posée, sous le double angle de ses conséquences
immédiates et à long terme. A un rythme ou à un autre,
le Japon pourrait être désormais condamné à lui
aussi sortir du nucléaire.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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