Si ses quarante-huit premières
heures au pouvoir sont une mesure de la Trumptopie à venir, alors le
personnage principal de notre mélodrame national semble être complètement
frappé. Une opinion plus charitable voudrait peut-être simplement que son
comportement ne corresponde pas au descriptif de son poste : président.
S’il continue ainsi, je m’attends à le voir destitué par le biais d’une
action extraordinaire sous quelques mois. Peut-être assisterons-nous à une
procédure de stabilité de gouvernement comme décrite par le 25e
amendement – qui verrait divers représentants du gouvernement le déclarer « en
incapacité » - ou encore à un coup d’Etat (« Vous êtes viré ! »).
Je pense que l’élément
déclencheur pourra en être l’arrivée d’une crise financière écrasante dès le
deuxième trimestre de l’année. Pour la première possibilité citée plus haut,
voici ce que mentionne la Section 4 du 25e amendement :
Si
le vice-président, ainsi qu'une majorité des principaux fonctionnaires des
départements exécutifs ou de tel autre organisme désigné par une loi
promulguée par le Congrès, font parvenir au président pro tempore du Sénat
et au président de la Chambre des représentants une déclaration écrite les
avisant que le président est dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de
remplir les devoirs de sa charge, le vice-président assumera immédiatement
ces fonctions en qualité de président par intérim.
L’autre possibilité est qu’une
cabale composée de militaires et de représentants des services secrets – qui ne
sont pas nécessairement des hommes diaboliques – par crainte de voir la
sécurité de leur nation mise en péril par le précédemment-cité « frappé
de la Maison blanche », le feront sommairement arrêter, séquestrer et remplacer
par un « président par intérim » dans l’attente qu’une nouvelle
élection vienne le remplacer par voie démocratique. Je n’avance pas ce
scénario comme désirable, mais c’est ainsi que j’imagine que se dérouleront
les évènements. Notre pays traversera un triste moment de son Histoire, pire
encore que le choc de l’assassinat de Kennedy, qui s’est produit alors que l’économie
de la République était encore relativement stable. L’Histoire est perverse et
la vie est tragique. Et tout peut arriver.
Pour en revenir aux
quarante-huit premières heures du nouveau régime : Je me souviendrai,
pour ce qui me concerne, de l’image perturbante de Donald Trump, au cœur du
Capitole, sur la voie sinistre qui mène jusqu’à l’estrade inaugurale. Il s’est
présenté tranquillement, ostensiblement seul entre les rangs prétoriens
devant et derrière lui, pardessus ouvert, la longue barre rouge de sa cravate
se ballant de manière funeste, les yeux emplis d’une lueur furieuse tels ceux
d’un taureau qu’on traînerait jusqu’à l’autel des sacrifices. Son discours n’a
pas exactement été ce qui autrefois était considéré comme un oratoire
présidentiel. Il ne s’est pas agi d’une « adresse ». Franc, direct,
simple et sans artifice, son discours a été une mise en garde pour les
lumières présentes, destiné à les préparer à la dépossession de leurs
pouvoirs. Il est évident qu’il ait été perçu par beaucoup comme une menace.
Il est vrai que le comportement
des représentants de ce pays devrait changer si nous voulons un jour pouvoir
avancer en tant que nation civilisée, et la déclaration directe de Trump a
été conforme à cette idée. Mais le désassemblage de la matrice existante de
rackets ne pourra pas avoir lieu sans générer de dangereuses frictions. Une
telle tâche demanderait au moins quelque finesse. Tous les pouvoirs du Deep
State sont ralliés contre Trump, et ce dernier ne peut s’empêcher de les
railler. C’est un jeu dangereux. Malgré les apparences de transition
harmonieuse, ils sont en état de guerre. Et compte tenu des nominations de
Trump, sa campagne de « drainage du marécage » laisse supposer qu’une
série de rackets existants sera bientôt remplacée par une nouvelle série,
peut-être bien pire encore.
Trump a raison lorsqu’il se
lamente des ruines industrielles qui jonchent le paysage américain à la
manière de pierres tombales. La réalité pourrait être qu’une économie
industrielle est quelque chose qui n’arrive qu’une seule fois. Une fois qu’elle
disparaît, elle meurt à jamais. S’il existait suffisamment d’argent pour reconstruire
les usines du XXe siècle, comment pourrions-nous y fabriquer quoi que ce soit ?
Avec des robots, ou en employant des costauds rémunérés 15 dollars de l’heure ?
Si nous optons pour les robots, alors qui seront les acheteurs ? Si nous
nous tournons de nouveau vers des ouvriers peu rémunérés, comment
pourront-ils se permettre d’acheter les voitures et machines à laver qu’ils
produisent ? Et si nous employons des costauds payés 40 dollars de l’heure,
comment pourrons-nous vendre nos voitures et machines à laver sur des marchés
étrangers qui rémunèrent leurs ouvriers l’équivalent d’1,50 dollar l’heure ?
Comment l’industrie américaine pourra-t-elle rester à flots sans marché d’exportation ?
Si nous ne laissons pas entrer les produits étrangers sur notre sol, comment
les Américains pourront-ils se permettre d’acheter des voitures bien plus
chères que celles qu’ils ont jusqu’alors reçues du reste du monde ? Rien
n’indique que Trump et ses hommes aient réfléchi à ces aspects du problème.
Le problème avec Obamacare, et
les soins de santé en général, est que tant de couches de racket étouffent le
système que ce dernier ne pourra être remis sur pieds qu’en étant d’abord
entièrement détruit – hôpitaux centralisés, directeurs d’assurances et d’hôpitaux
trop payés, chirurgiens traînant derrière eux une dette étudiante à six
chiffres, système de tarification incompréhensible et exorbitant, barrières
bureaucratiques cruelles et insultantes pour l’obtention de soins, comportement
scandaleux des sociétés pharmaceutiques… le tout s’accumule pour former un
racket colossal, qui vole et pille les gens lorsqu’ils sont le plus
vulnérable. Personne n’a jusqu’à présent pu établir un plan cohérent pour
changer les choses. Une crise financière pourrait bientôt venir régler le
problème. Mais qu’obtiendrons-nous ensuite ?
Samedi après-midi, Trump a passé
un coup de téléphone à la CIA pour commencer à réparer les pots cassés avec
ceux qui sont peut-être ses plus grands ennemis domestiques. Qu’a-t-il fait
pour améliorer ses relations ? Il a fait la moue et a pleurniché sur les
articles de presse qui ont mentionné la faible participation du public à son
inauguration. Je suis surpris qu’un vétéran du Suriname ne l’ait pas fait
taire à l’aide d’une sarbacane et du poison toxique de trois petites
grenouilles.
Pensez-vous que Trump changera ?
C’est ce que beaucoup espéraient le voir faire après les élections. Mais ce
ne sera pas le cas. Il s’est toujours présenté sous son vrai jour. Je ne peux
qu’imaginer ce qui se passe aujourd’hui dans les coulisses du pouvoir, et qui
a certainement de quoi faire passer Bourne pour une formation de
sensibilisation – hommes et femmes en tenue professionnelle, à quatre pattes
et les cheveux en feu, hurlant leur frustration vers les dalles acoustiques du
plafond.
N’oubliez pas que c’est l’échec
cuisant de la politique démocrate progressiste qui nous a apporté Trump. Ses
mensonges infantiles et ses tweets absurdes ont été rendus possibles par une
culture politique mensongère qui excuse les immigrants clandestins en les
qualifiant de « sans-papiers », refuse de qualifier le terrorisme
islamiste par son nom, interdit la liberté d’expression sur les campus, fait
de Michael Brown de Ferguson un saint laïque, estime que le sexe n’a pas de
base biologique et permet à Wall Street d’écraser la classe moyenne
américaine dans un trou à rats.
Vous pensez que l’heure est
noire pour l’âme nationale des Etats-Unis ? Le Soleil s’est couché il y
a quelques minutes, et l’aube ne viendra qu’après une longue et pénible nuit.