Le
ministre de l’économie espagnol vient de trancher: afin de
soulager le bilan des banques du pays, il a clairement
privilégié une autre piste que la création d’une bad bank, dans un
premier temps envisagée mais dont les megabanques
ne voulaient pas.
Luis
de Guindos a estimé à 50 milliards
d’euros les provisions que les banques allaient devoir constituer
“en piochant dans leurs bénéfices”, “non pas
sur un an, mais sur quelques années.” Il a ainsi implicitement
lancé le départ d’une course en vue de
l’acquisition des banques les plus mal en point par les plus
importantes, comme Santander et BBVA. Une bad
bank aurait contrarié leurs plans en
mettant leurs proies le nez hors de l’eau.
Le
ministre a ainsi entériné que les résultats des banques
allaient être prioritairement consacrés au renforcement de leurs
fonds propres et à ces achats – qui seront bradés –
au détriment du soutien à une économie qui
s’enfonce dans la récession.
Comment
a-t-il déterminé le montant des dépréciations
à venir ? Il s’est, dit-il, basé sur ce qu’il a
dénommé des “critères internationaux” pour
accréditer son estimation – en l’occurrence le cas
irlandais – pour annoncer un nouveau montant de 50 milliards d’euros,
l’estimation officielle étant jusqu’à maintenant de
35 milliards. La Banque d’Espagne estime pour sa part que 338 milliards
d’euros d’actifs immobiliers sont détenus par les banques,
dont 176 milliards de mauvaise qualité, un tiers seulement ayant déjà
été déprécié. Ce qui est
présenté comme étant la pire des estimations pourrait
donc être plus tard reconsidéré…
Quoiqu’il
en soit, les banques espagnoles vont devoir mener à bien ce programme
de dépréciation, parallèlement au renforcement de 26
milliards d’euros de leurs fonds propres demandé par
l’EBA, le régulateur européen, qui ne tient pas
spécifiquement compte de la qualité des actifs espagnols. Aux
effets inverses l’un de l’autre, le montant des deux programmes
va s’additionner. Or, la recapitalisation d’Unicredit
en Italie montre que celle-ci se fait dans de mauvaises conditions de
marché, une décote de 43% ayant du
être consentie. L’avenir dira si l’ensemble est tenable,
mais il n’y avait guère le choix.
Il
a en effet été décidé de ne pas impliquer de
fonds publics dans un sauvetage des banques pour deux raisons. Afin de leur
laisser les coudées franches, mais surtout pour ne pas peser sur les
efforts de réduction de la dette, au moment où le
déficit public crève au contraire les plafonds, dépassant
les 8% du PIB alors qu’il ne devait atteindre que 6% de celui-ci. Le
nouveau gouvernement espagnol doit faire face d’urgence sur
d’autres fronts : celui du déficit des régions (135
milliards d’euros de dette, au 3ème trimestre 2011) et des
entreprises publiques nationales et régionales (47 milliards de
dettes), que l’on affectait d’ignorer jusqu’à
présent.
Afin
de parvenir à l’objectif d’un déficit réduit
à 4,4% du PIB fin de l’année, le gouvernement espagnol va
devoir trouver 40 milliards d’euros supplémentaires
d’économies budgétaires ou de recettes
supplémentaires, et ce n’est pas le moment d’en rajouter
avec les banques. Le cas irlandais illustre aux yeux du ministre ce
qu’il ne faut pas faire, car la prise en charge par le budget de
l’Etat d’une structure de défaisance – la NAMA
– a conduit le pays à ensuite
solliciter une aide de l’Union européenne et du FMI.
Or
la leçon a été partout retenue: “tout sauf cela
!”. C’est en tout cas le cri que vient de lancer Giulio Tremonti, l’ancien ministre des finances italien,
qui a déclaré “je crois que le risque le plus grave pour
l’Italie n’est pas de devoir faire un autre plan de rigueur mais
de devoir faire une demande d’assistance au Fonds Monétaire
International comme le suggèrent les milieux financiers ou européens”.
On l’ignorait, merci du renseignement !
Encadrement
du FMI et de l’Union européenne ou pas, l’Italie et
l’Espagne expérimentent chacun à sa manière une
même contrainte : combler le déficit public revient à
boucher un trou de plus en plus profond avec des recettes de plus en plus
réduites, que l’on tente d’augmenter avec des programmes
de privatisation, aux résultats mitigés si l’on en croit
les prémices dans d’autres pays. Circonstance aggravante dans le
cas espagnol, la crise de la dette privée, d’origine
immobilière, continue de monter irrésistiblement en puissance.
Les deux gouvernements n’ont donc le choix qu’entre deux maux.
Symbole
dans l’immédiat de l’évolution de la crise
européenne: la France et le FESF viennent de réussir à
lever des capitaux sur le marché obligataire à des conditions
satisfaisantes tandis que les valeurs boursières des banques
dévissent.
Billet rédigé par
François Leclerc
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