J’ai
reçu de très nombreuses demandes d’information de la part
d’abonnés de Casey Research concernant
mon opinion au sujet du marché des éléments des terres
rares. J’ai récemment couvert ce sujet dans un
précédent article, mais j’y porterai ici un
nouveau regard.
Petit
récapitulatif pour commencer : les terres rares (ou ETR)
représentent 17 métaux utilisés pour la plupart dans
l’industrie de haute technologie, comme par exemple la
téléphonie mobile, les ordinateurs portables, les écrans
plats, les batteries de voitures hybrides et les équipements
militaires. De nouvelles utilisations ont été
découvertes pour ces métaux, mais nous reviendrons
là-dessus plus loin.
Malgré
leur nom, ces métaux ne sont pas rares. Leur nom fait
référence au fait qu’ils ne soient que très
rarement extraits sous leur forme pure et soient la plupart du temps
naturellement mélangés à d’autres minéraux,
ce qui rend leur extraction complexe et coûteuse. De plus, leur
extraction pose de nombreux problèmes environnementaux, du fait de
leurs sous-produits acides et radioactifs. C’est pourquoi de nombreux pays
ne produisent pas d’ETR. La production de ces métaux est donc
extrêmement restreinte, et est laissée entre les mains de
compagnies et juridictions ne se souciant que très peu de
l’environnement. La Chine a développé sa production
d’ETR et semble avoir un quasi-monopole dans ce domaine. Selon US Geological Survey, la Chine produirait 97% des
réserves mondiales d’ETR, et en possèderait plus
d’un tiers.
Rien
de tout cela n’était un problème jusqu’à ce
que la Chine ne commence à introduire des restrictions commerciales.
En 2010, Pékin décida officiellement de réduire les
quotas d’exportation d’ETR de 72%, les fixant à 35.000
tonnes, soit un niveau bien inférieur à la consommation
mondiale. Au cours de la première moitié de
l’année 2011, ces quotas furent à nouveau réduits
de 35%. Des taxes d’exportations furent également
appliquées. En conséquence, les prix des ETR flambèrent.
Les
consommateurs ont ensuite perdu leur appétit pour ces métaux
devenus très cher, et la plupart des ETR virent leur prix diminuer
– certains d’entre eux ont enregistré des baisses de prix
allant jusqu’à un tiers. Les prix demeurent néanmoins
supérieurs à leur moyenne historique, et sont encore si
élevés que la Chine n’a exporté que la
moitié de ses quotas l’an dernier.
Il
est difficile de ne pas comprendre pourquoi les prix des ETR ont flambé entre
mi-2010 et avril 2011. Pouvons-nous nous attendre à un même type
d’augmentation dans le futur ? Quelle est la tendance sur le long
terme ?
Les
analystes sont très partagés sur le sujet. Certains pensent
qu’une nouvelle hausse des prix est probable, dans la mesure où
les industries consommatrices d’ETR sont de plus en plus nombreuses et
qu’il n’existe aucun substitut à ces métaux. Il
n’existe pas non plus sur le marché de solution immédiate
aux restrictions commerciales imposées par la Chine. D’autres,
en revanche, pensent que le marché des ETR fera face à un surplus
en 2012, et que les prix continueront leur phase de correction.
Le
marché des ETR est précaire, parce qu’il est
artificiellement restreint. Ce déséquilibre ne pourra pas durer
bien longtemps, dans la mesure où les industries consommatrices
d’ETR ont besoin de se procurer des réserves stables de
métal sur le long terme, et ce à des prix raisonnables. Il
semble ainsi légitime de penser que le marché puisse trouver un
moyen de contourner les effets de la politique de la Chine.
Certains
ajustements sont déjà en train d’être mis en
place…
De
nouvelles mines en-dehors des frontières de la Chine
Etant
donné les prix des ETR, certaines mines ayant autrefois cessé
leurs activités de production sont aujourd’hui
ré-ouvertes. Molycorp Metals,
par exemple, ré-ouvre actuellement sa mine Mountain Pass, qui
avait été fermée en 2002 du fait de la
compétition trop importante de la Chine, et des dégâts
environnementaux qu’elle générait. La compagnie a
récemment reçu l’autorisation de reprendre ses
opérations, et devrait recommencer à produire avant la fin de
l’année. En Australie, la compagnie minière Lynas, a récemment obtenu une licence l’autorisant à
produire des ETR, et termine en ce moment même ses installations. A
partir de cette année, elle devrait pouvoir produire 11.000 tonnes
d’éléments de terres rares par an (soit un tiers de la
demande mondiale actuelle, à l’exception de la Chine) avant de
doubler sa capacité de production.
Recyclage
Un
autre moyen de s’adapter aux pénuries est le recyclage. Des
sociétés Japonaises ont étudié les coûts de
recyclage et de réutilisation du néodyme et du dysprosium
à partir de vieilles machines à laver et climatiseurs.
Mitsubishi Electric a créé une machine capable d'extraire des ETR de climatiseurs
électroménagers. Cette machine sera bientôt
installée dans une usine de l’entreprise Green Cycle Systems Corp., succursale de Mitsubishi Electric de la
ville de Shiba, et commencera à
opérer dès le mois d’avril. Une autre compagnie
Japonaise, Shin-Etsu Chemical,
annonçait récemment qu’elle dépenserait 2
milliards de yens (25,8 millions de dollars) afin de créer une usine de recyclage d'ETR au Vietnam, chargée
d’extraire les terres rares contenues dans les moteurs de voitures
hybrides. L’usine ouvrira ses portes en février 2013, et devrait
produire 1000 tonnes d’ETR par an.
Si
la technologie de recyclage s’avère être peu chère,
elle deviendra bientôt une forme à part entière de
production d’éléments de terres rares, bien que son
niveau de production ne puisse outrepasser celui du secteur minier.
Remplacement
Un
autre moyen dont disposent les sociétés afin de soulager leur
dépendance aux décisions politiques de la Chine est de se
tourner vers une technologie utilisant moins d'ETR. Je pourrai citer en
exemple une entreprise appelée Showa Denko, et qui est parvenue à réduire sa
consommation d’oxyde de cérium de moitié en 2011 en
réutilisant le même matériau jusqu’à cinq
fois.
Délocalisation
La
Chine a officiellement extrait 93.800 tonnes d’ETR en 2011, soit
seulement 5% de plus que l’année précédente. Les
quotas d’exportation réduits et la croissance très faible
de la production minière sont considérés par certaines analystes comme favorisant les consommateurs
domestiques et encourageant les consommateurs étrangers à
délocaliser leurs activités en Chine. Qu’elles le
veuillent ou non, la situation actuelle forcera certaines compagnies à
relocaliser leurs succursales en Chine. Les sociétés Japonaises
Showa et Santoku
l’ont déjà fait.
Conclusion
Il
est clair que les ETR sont un investissement nécessaire. Ces
éléments sont cruciaux et irremplaçables pour la
fabrication d’un certain nombre de produits de consommation.
Cependant,
le marché des ETR est relativement restreint, opaque, volatile,
non-liquide, et sujet à des manipulations. Il souffre également
d’un manque de données fiables, rendant toute forme de
prévision difficile et risquée. Rappelons-nous également
que les éléments de terres rares sont des métaux
industriels, dont les performances ne sont que très faibles en temps
de récession économique – ce qui risque de se produire
bientôt.
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