Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
La grande nouvelle qui est tombée hier soir à plus de
21h00 est évidemment « l’immense surprise » de la
décision de la FED, la Banque centrale américaine, qui a
décidé finalement et « contre toute attente »,
prenant tous les marchés à « contre-pied », de
poursuivre sa création de fausse monnaie et de continuer à
inonder les marchés.
Alors évidemment, je ne résiste pas à vous le
dire : je vous l’avais bien dit. C’est facile, certes, mais cela
fait toujours plaisir d’avoir raison surtout envers et presque toute la
pensée dominante.
La FED avait méticuleusement préparé le terrain,
affûté sa communication pour qu’une réduction
même modeste passe comme une lettre à la poste, et il est fort
probable que si Ben Bernanke avait annoncé
un petit « taper » comme on dit en américain dans le
texte, c’est-à-dire une très légère
réduction même symbolique de quelques pauvres milliards de
dollars, cela n’aurait sans doute pas déclenché de
cataclysme sur les marchés financiers. Le petit souci tient justement
dans l’emploi du conditionnel. « N’aurait sans doute pas
»… mais ce n’était pas une garantie absolue.
Quelles
conséquences cette décision a-t-elle eu sur les marchés
?
Les marchés ont tous réagi comme un seul homme et dans
un sens parfaitement prévisible. Je ne vous dirai pas je vous
l’avais bien dit encore une fois…. En fait, si ! Je vous le dis.
Que du connu.
Plus de fausse monnaie égal une
augmentation des cours de Bourse. Très belle hausse des marchés
actions donc qui vont vers de nouveaux plus haut, la spéculation
étant alimentée par de l’argent gratuit et
fabriqué de toute pièce par le barbu de la FED la nuit sur ses
rotatives. Évidemment, cela est une bulle. Une bulle avec un grand B
d’ailleurs, car elle ne repose sur rien, même pas des
prévisions erronées ou beaucoup trop optimistes de la
croissance des bénéfices futurs. Non, elle ne repose que sur
l’injection encore et encore de fausse monnaie. C’est donc la
bulle la plus grave de tous les temps puisqu’il n’y a aucune
réalité économique là-dedans encore une fois fut-elle fausse.
Plus de fausse monnaie libellée en dollar
égal une baisse des cours du dollar américain versus
toutes les autres devises mondiales, à commencer par
l’euro… mais pas seulement. Toutes les monnaies des pays
émergents, qui ces dernières semaines dévissaient
sérieusement, se sont reprises brutalement. Ce sont les Indiens qui
vont être contents avec leur roupie de sansonnet qui
s’apprécie à nouveau.
Plus de fausse monnaie égal une baisse des
taux d’emprunt des États puisqu’il n’y a
pas besoin du marché pour financer les déficits. Il suffit que
le barbu de la FED descende au sous-sol, allume sa rotative et voilà
le déficit du gouvernement fédéral financé pour
l’éternité et les siècles des siècles.
Amen.
Plus de fausse monnaie égal une
augmentation des cours des matières premières, et surtout de
l’or qui s'est adjugé presque 6 % depuis l'annonce
d'hier. Là encore, rien que du très prévisible (comme je
vous l’avait bien dit), à savoir que
les marchés ne « pricent »
c’est-à-dire qu’ils ne prennent en compte dans la valeur
des cours du métal que et uniquement la crainte inflationniste voire hyperinflationniste. En aucun cas, ce qui est une erreur,
les prix de l’or, qui reflètent pourtant un risque tout aussi
important à savoir celui du risque de l’insolvabilité des
États, notamment européens englués dans des politiques
d’austérité sans fin et qui ne fonctionnent pas.
Mais cette attitude des marchés est assez logique. Pourquoi ?
Pour la simple et bonne raison que le cours de l’or est exprimé
en dollars. L’or et le dollar sont intimement liés. Or le risque
pour la monnaie de référence mondiale n’est pas de voir
l’État américain en faillite tant que le joyeux barbu de
la FED peut imprimer autant de billets qu’il le veut dans son garage.
Dans ce cas, vous en conviendrez aisément, le risque à « pricer » est bien celui de l’inflation.
C’est cette mauvaise analyse des marchés, purement partielle,
qui explique que la hausse de l’or ne peut se faire qu’en
plusieurs temps et que nous sommes dans une phase d’hésitation
longue à savoir inflation or not inflation. Mais ce n’est
là qu’une face d’un même problème. Il manque
le corollaire « insolvabilité ou non-insolvabilité
». L’idéal, pour les cours de l’or, serait
évidemment une hyperinflation suivie d’une insolvabilité,
ce vers quoi l’on va tout droit. Mais nous n’y sommes pas encore.
La prise en
compte des internalités et des
externalités.
Alors quelle mouche a piqué le barbu le plus
célèbre de la planète économique ? Pourquoi cette
décision qui a vraiment surpris tous les observateurs qui franchement,
de vous à moi, n’observent tout de même pas grand-chose…
Puisque je vous l’avais bien dit qu’il ne ferait rien ou pas
grand-chose et que c’était plus du bluff qu’autre chose.
Néanmoins quels sont les facteurs qui ont présidé
à cette décision de la FED ?
Ils peuvent être classés en deux grandes
catégories assez pompeuses au demeurant en terme sémantique
mais que voulez-vous, il faut faire sérieux de temps en temps.
Les internalités sont les facteurs
liés à l’économie américaine
elle-même. Les externalités sont les effets induits de la
politique américaine sur l’économie des pays ou zones
économiques voisines, or dans une économie désormais
globalisée, interconnectée et globalisée, ils ne peuvent
plus être niés, les chocs économiques des uns finissant
inéluctablement par se répercuter chez les autres.
La situation de l’économie
américaine n’est pas brillante
Chômage très élevé et en
réalité infiniment plus que le taux officiel en permanence
affiché et qui se situe aux environs des 7,3 %. Une étude un
peu attentive de la situation de l’emploi démontre sans ambiguïté
que le taux réel de non emploi est plutôt aux alentours des 17
%, ce qui est très loin de la cible de la FED avec les 7 %
visés pour une réduction des quantitative easing.
L’une des problématiques majeures du patron de la Banque
centrale US est également la négociation budgétaire qui
arrive dès le mois d’octobre et qui devrait à nouveau
voir s’affronter les républicains et les démocrates sur
le thème du relèvement du plafonds de la dette, qui
n’avait été obtenu la dernière fois que de haute
lutte par l’administration Obama et uniquement en échange
d’une politique de réduction des dépenses importantes
forçant l’administration à couper dans le vif et en
particulier dans ses dépenses de personnels. Or il en sera
certainement de même cette fois-ci mais probablement en plus «
violent ». S’il ne fait pas de doute qu’un accord «
bipartisan » sera trouvé, les contreparties économiques
en termes de réduction des dépenses devraient être douloureuses
pour l’économie américaine et la fausse reprise dont on
nous rebat les oreilles depuis des mois.
Justement cette reprise est essentiellement achetée à
crédit. Disons, pour simplifier et résumer, qu’une
croissance de 1,7 % avec une inflation de 2 % cela nous fait plutôt une
récession de 0,3 %. Mais ce n’est pas tout. Pour « acheter
» cette croissance, il a fallu créer environ 7 % du PIB en
fausse monnaie, ce qui nous amène avec une grosse cote mal
taillée (je vous l’accorde) à une récession de 6 %
si les autorités monétaires laissaient faire librement le
marché.
Sur le front du mythe de la réindustrialisation
des USA, ce qui est certain c’est que le niveau d’emploi dans
l’industrie reste remarquablement plat. Des barmans sont
recrutés. Pas des ouvriers.
Un arrêt des injections de fausse monnaie aurait eu un impact
direct sur les taux d’intérêts. Or les acteurs
économiques, dans leur ensemble, ne peuvent en aucun cas supporter une
augmentation significative des taux d’emprunt. Qu’il
s’agisse des entreprises, des ménages américains
emprunteurs à taux variable aussi bien pour leur achats immobilier que
les crédits étudiants, sans oublier évidemment les
États qui ont cumulé de tels stocks de dettes qu’ils sont
tous au bord de l’insolvabilité. Or que s’est-il
passé ces derniers mois alors qu’aucune réduction
n’avait encore eu lieu mais était seulement
évoquée une remontée spectaculaire des taux aux
États-Unis et… ailleurs.
La situation de l’économie mondiale
ne vaut guère mieux…
La situation en Europe est catastrophique. La situation en Asie, dont
la croissance est globalement équivalente aux exportations
réalisée par cette zone vers l’Europe et les USA, est
conditionnée à l’État économique de ses
deux principaux partenaires. Le Japon est à la dérive avec une
dette sur PIB de plus de 245 % et une politique monétaire digne de la
Banque centrale du Zimbabwe…
Pourtant, ces derniers mois, nous avons pu mesurer à quel point
la politique monétaire américaine ou en tout cas les annonces
qui ont pu être faites par Ben Bernanke ont
profondément influé sur l’ensemble des économies
mondiales.
Sur les simples bases d’un discours annonçant une
réduction de la création monétaire, nous avons pu
observer un effondrement de l’ensemble des devises des pays dits
émergents. Nous avons vu les marchés financiers de ces pays
s’orienter à la baisse puisqu’une remontée des taux
rend l’investissement boursier nettement moins pertinent en terme de couple rendement/risque. Quant à
l’Europe, engluée dans une récession sans
précédent, attisée et renforcée par des
politiques d’austérité stupides et enfermée dans
le carcan d’une monnaie unique devenu plus problème que
solution, les taux d’emprunts se sont tendus de façon
impressionnante puisqu’il n’y a qu’un seul marché
mondial des dettes d’États. Si les USA empruntent à 3
%... alors les taux européens s’ajustent automatiquement
à la hausse. Évidemment, des taux en hausse en Espagne, en
Italie, au Portugal, en Grèce ou France… et c’est
l’explosion de l’euro assurée en quelques semaines tout au
plus.
Alors
évidemment je vous l’avais bien dit !
Lorsque l’on liste l’ensemble de ces facteurs sur lesquels
nous revenons très régulièrement dans les colonnes du Contrarien Matin, il était évident,
prévisible, logique, normal que Ben Bernanke,
gouverneur de la FED, ne puisse pas mettre en œuvre de réduction
significative des injections monétaires. Le monde entier est
désormais tombé dans le piège des taux bas. Le monde
entier. Un monde mondialisé.
Si l’Europe s’effondre, alors les banques
américaines s’effondreront, entraînant
l’effondrement de l’économie américaine. Si les
monnaies des pays émergents s’effondrent et que le dollar
s’apprécie, alors cela signera l’arrêt de mort de
toutes les exportations US et de toutes les tentatives de
réindustrialiser les USA. Si les marchés asiatiques
s’effondrent, cela ne peut qu’affecter les banques, les fonds
d’investissement européens et américains.
Ben Bernanke, gouverneur de la Banque
centrale américaine, a été obligé tout simplement
de prendre en compte l’ensemble de ces facteurs qui ne sont pas
brillants et sans doute pour l’une des premières fois dans
l’histoire américaine, c’est certainement les risques
d’effondrement rapide de l’économie européenne, qui
ne peut en aucun cas supporter la remontée actuelle des taux, qui ont
présidé à cette décision parfaitement rationnelle
du grand mamamouchi de la FED. Nos problèmes sont également
devenus leurs problèmes, et inversement. C’est donc les
externalités qui expliquent la marche arrière des
autorités monétaires américaines, et objectivement, tout
cela était parfaitement visible et prévisible, raison pour
laquelle je vous l’avais bien dit.
Le compte
à rebours vient de commencer !
Il est donc une certitude ce soir. Peu importe les discours
contradictoires auxquels vous êtes soumis. Peu importe
l’espérance de votre voisin qui ne veut pas croire que
l’on ne puisse plus rien faire à part contempler
l’effondrement qui arrive, inéluctable. Le compte à
rebours vient de commencer. Il est désormais clair et limpide pour
tous que nous n’avons plus aucun choix à part celui de la fuite
en avant avec toutes les conséquences que l’on connaît
à l’avance.
Alors je vais laisser la parole à une voix officielle avec qui,
pour une fois, je partage l’analyse et le constat. Ce n’est cette
fois-ci pas moi qui vous dis de vous préparer mais le Roi des Pays-Bas
à sa population dans un discours exceptionnel. Écoutez-le, car
lui, au moins… vient de prévenir officiellement son peuple, sa
population, ce qui change des propos lénifiants d’une Moscovici
aussi menteur qu’un arracheur de dent, d’un Ayrault au charisme
d’huître (je sais, c’est méchant pour les
huîtres) ou à la fatuité d’un Hollande.
C’était mardi… au Parlement :
« L’État-providence classique
se transforme lentement mais sûrement en une société de
participation.
À tous ceux qui le peuvent, il est
demandé de prendre ses responsabilités pour sa propre vie et
pour son entourage. »
Le message n’est-il pas clair ? Limpide ? Préparez-vous
et vite.
Quant au président de l’Eurogroupe,
néerlandais lui aussi, il a rajouté après le roi :
« Une solution rapide et sans douleur
n'existe pas… »
Je vous l’avais bien dit aussi. Mais au-delà de la
satisfaction intellectuelle d’avoir raison, les temps qui
s’annoncent seront sombres. Préparez-vous. Et cela tient en peu
de chose. Maison à la campagne avec terre, potager et permaculture, sans oublier les poules !
De l’or et des boîtes de conserves. Il y a plein
d’autres choses à prévoir et anticiper mais avec ces
trois paramètres, vous aurez la base indispensable pour faire face
à ce qui arrive.
Le compte à rebours a commencé… et je pourrai vous
dire dans pas si longtemps que cela…. Je vous l’avais bien dit.
Ce sera sans doute l’un des derniers numéros du Contrarien Matin avant qu’Internet ne soit
coupé.
À demain… si vous le voulez-bien !!
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
http://www.france24.com/fr/20130917-pays-bas-dirigent-vers-fin-letat-providence
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