Troisième opus de notre enseignante qui, après nous avoir exposé la réforme des collèges vue de l’intérieur, sa vie de l’intérieur d’un lycée, revient sur l’affaire de la « jupe trop longue ».
Par Rara’
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Professeur c’est un métier formidable, plein de gommettes festives, citoyennes et colorées, avec des élèves intéressants et intéressés, des parents soucieux de l’instruction de leurs enfants mais qui nous font quand même confiance, des vacances en veux-tu, en voilà, bref, c’est le plus beau métier du monde.
En vrai, c’est surtout un métier dont tout le monde cause, que peu pratiquent mais sur lequel tout le monde donne son avis, encouragé par une presse qui aime bien les ragots de dernière minute. Par exemple, la presse, elle aime bien raconter des histoires de jeunes filles bien sous tout rapport exclues de leur lycée parce qu’elle avait commis un crime intolérable : porter une jupe longue noire. Enfer et damnation ! Que les professeurs sont méchants et discriminants ! Indignez-vous et regardez les réseaux sociaux s’enflammer à grands coups de padamalgam dans ta face !
Ainsi, par exemple, s’est très rapidement répandue une rumeur, drapée d’une caution drôle, engagée, et dénonciatrice, prétendant que nous – le sujet est rhétorique – virions des établissements les filles en jupe longue noire mais laissions les gamines habillées comme des péripatéticiennes de bas étage se pavaner dans les couloirs – avec bien évidemment l’option : tout ceci est une conséquence du grand méchant libéralisme, qui est décidément partout.
Certains chefs d’établissement, effectivement, se réservent le droit de demander à certains élèves d’aller se changer. Sur six bahuts, chacun des règlements intérieurs mentionnait la « tenue correcte exigée à l’entrée » (correct, en langage du MEN, cela signifie laïque donc neutre). Et donc, à l’inverse de ce qui est conté, une gonzesse qui débarquerait en string-débardeur aurait de très fortes probabilité qu’on lui tape sur l’épaule en lui demandant poliment d’aller se changer. Il est vrai que j’ai plus souvent constaté ce point dans les collèges que dans les lycées, mais c’est une réalité, ce n’est pas parce que vous ne la voyez pas qu’elle n’existe pas.
D’ailleurs, la version pour les garçons, parce qu’il faut bien appliquer la parité partout, consiste à passer vos journées à dire « Jeune homme, la casquette, s’il-vous-plaît, vous l’enlevez ». Bon là, suivant l’établissement, si l’élève sait que vous ne le connaissez pas, vous essuierez probablement un refus d’autorité bien gras et risquez d’être contraint de hurler comme un putois pour espérer l’impressionner. Alors j’avoue, parfois, les casquettes, je prétends ne pas les avoir vues. Certes, ce n’est pas agir en « fonctionnaire de l’État de manière éthique et responsable », mais me faire agresser pour une histoire de casquette me tente modérément – (et oui, c’est arrivé à un collègue).
À ma connaissance, un seul article a mentionné que peut-être, éventuellement, la donzelle en « jupe noire » serait prosélyte. Mais n’étant pas tous idiots, nous sommes en mesure de distinguer entre une « jupe longue noire » et un habit traditionnel moyen-oriental. D’autre part, j’ai une nette tendance à croire la version de l’institution. Et pas uniquement parce qu’en tant que membre, je vendrai mon âme pour la défendre quitte à mentir et m’en prendre à une pauvre adolescente dont le crime aurait été de se vêtir d’une jupe longue noire, probablement à cause de mon expérience.
Dans certains établissements, il y a un vrai problème avec la laïcité que tout le monde s’obstine à ne pas voir alors que cela devrait exploser en pleine figure de n’importe quel quidam. Il y a une certaine hypocrisie à faire retirer un voile à l’entrée quand l’intégralité de la tenue vestimentaire envoie des signaux par paquets de douze sur la confession de l’apprenant. Sur ces questions, comme sur celles des mères de famille voilées lors des sorties scolaires, l’institution reste étrangement muette et les établissements font donc preuve d’autonomie.
Si j’en reviens au jupeleaks, rappelons qu’une année passée, dans un établissement-enclave dont la République une et indivisible a le secret, on avait demandé à des élèves de rentrer se changer. Scandale, pétition, intervention des élèves dans les classes prenant à parti les professeurs pour qu’ils se positionnent contre leur administration, nous expliquant que dans leur religion, elles doivent choisir de porter l’habit pour ne plus le quitter parce que ça masque les formes. Bien sûr, on peut s’habiller large avec un pantalon et un pull-over. Mais surtout, l’habit n’est obligatoire dans l’Islam qu’après avoir effectué le pèlerinage à la Mecque.
L’une de nos élèves particulièrement pénible, Cunégonde (le prénom a été modifié), fille placée en foyer et fraîchement convertie pour emmerder copieusement sa mère, laquelle était d’ailleurs parent d’élève délégué dans l’unique but d’avoir des nouvelles de sa fille au conseil de classe, a raconté à qui voulait l’entendre qu’elle avait été « exclue » parce « qu’elle s’habillait trop large ». En réalité, il lui avait simplement été demandé de retourner se changer.
Un chance pour nous, elle n’a as contacté la presse et elle n’est jamais revenue au lycée. Tant mieux parce qu’elle perdait son temps, celui des professeurs et des élèves qui auraient préféré travailler plutôt que de passer des heures entières à entendre Cunégonde se faire remettre à sa place. La mère ne s’est plus rendue aux conseils de classe.
Suite à cet épiphénomène, j’ai pu constater que certaines élèves gentilles, sérieuses et discrètes, qui portaient ce genre de vêtement, n’avaient même pas été ennuyées. Peut-être est-ce mal, ou discriminant. Peut-être aurait-il fallu assurer une égalité de traitement. Quand bien même : cela tend à prouver s’il le fallait qu’avant la façon dont ils sont habillés ou rasés, c’est leur comportement qui est jugé.
Le problème de fond ne me semble pas être la religion.
En réalité, ces élèves en bute contre la société française ne sont pas religieux. Le seul moyen qu’ils semblent avoir trouvé de manifester leur colère est de vous jeter à la gueule qu’ils sont musulmans et – biffez l’ancienne colonie française de votre choix – mais très certainement pas français, d’ailleurs la France « ils la nikent ».
La preuve, leur religion, ils la connaissent moins bien que moi : ils blasphèment en permanence en jurant sur la Mecque, le Coran, voire souvent Dieu, oublient assez régulièrement que le Coran prône le respect envers les professeurs et le respect des autres religions et que, par conséquent, quand on les emmène visiter une basilique, c’est hallal de rentrer dedans et ce n’est pas utile de créer un esclandre pour atteinte à tes convictions profondes.
En revanche, ils aiment bien être créationnistes parce que c’est écrit, ils refusent d’étudier certains textes au motif que c’est haram, ils aiment bien tout faire pour arriver à prier à l’intérieur des établissements, ils aiment bien expliquer que la femme est inférieure à l’homme et j’aime bien leur répondre qu’on le voit rien qu’en comparant leur niveau en orthographe et en philosophie au mien.
Ils aiment bien aussi distinguer entre les vrais et les faux musulmans. Il faut voir leur tête horrifiée quand on leur apprend que suite aux attentats du 11 septembre 2001, on avait assisté à une montée en puissance des radicalismes puisque, puisque par exemple, les musulmans d’Asie avaient arrêtés de manger du porc alors qu’ils le faisaient traditionnellement. « Ah mais alors, madame, c’est pas des vrais ! ». Avec l’entraînement, vous aurez assez rapidement l’habitude de sortir de votre deck la carte « Tu écoutes de la musique ? Alors t’es pas un vrai. »
Comme ambiance de travail, on a vu mieux. Je ne cacherai pas que travailler « la religion », qui est au programme de philosophie, n’est pas toujours évident, mais en un sens il suffit d’avoir le marteau à portée de main. Dès lors, cela relève de l’entraînement et surtout de l’endurance – et dans certains lycées, c’est chaque jour. Le plus inquiétant reste que nous savons tous, officieusement, que ces élèves sont approchés par des types bien plus dangereux et nous savons tous, officiellement, qu’ils sont suffisamment débiles pour se laisser entraîner vers une réalité bien plus sordide qu’une banale crise d’adolescence. Et que fait l’État pour endiguer de phénomène ?
Ben, il publie une infographie colorée.
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