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Cours Or & Argent

L’aventure très raisonnable d’une autre mondialisation

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Publié le 01 octobre 2012
1364 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
( 8 votes, 3/5 ) , 1 commentaire
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Rappelons-nous ! Données comme modèles éclatants, toutes les réussites économiques d’hier se sont révélées être des fiascos, à commencer par celles de l’Espagne et l’Irlande. Aujourd’hui, on discerne même les dessous de celle de l’Allemagne, pourtant si magnifiée. Les images de la pauvreté au Royaume-Uni font écho au passé, mais celles provenant des États-Unis sont pour beaucoup une découverte tardive. Même l’insolante croissance de la Chine, en baisse, ne masque plus l’étendue des déséquilibres qui minent la société chinoise, tandis que la croissance du Brésil a brutalement chuté. Le BRIC n’est plus ce qu’il était.


Des deux côtés, le modèle de développement impulsé par la mondialisation est en panne, là où l’on ne voit qu’une succession d’accidents de parcours sans liens entre eux. Ayant atteint sa maturité et fait basculer l’axe économique de la planète, cette globalisation de l’activité économique reposait sur une division des tâches aux principes affirmés : aux pays à bas niveau de salaire la production des marchandises (et de certain services), aux autres leur consommation grâce au levier du crédit. Et au système financier de tirer les marrons du feu. Or ce partage imposé a perdu son équilibre quand la montagne de dettes accumulées n’a plus été étayée par des montages financiers atteignant leurs limites et ne pouvant plus les supporter.


Deux remèdes sont recherchés afin d’y faire face et de remédier aux effets négligés de la mondialisation, pour redonner aux économies occidentales leur compétitivité. Un rééquilibrage des parités monétaires est préconisé par les États-Unis, et un abaissement du coût du travail par les Européens. Comme si les pays développés pouvaient ainsi récupérer des activités productrices perdues et les émergents leur offrir de nouveaux débouchés en développant leur marché intérieur !


C’est vite aller en besogne, surtout s’il s’agit de combler l’écart des salaires ou des obstacles dressés au changement de modèle. Et ne pas tenir compte des savoir-faire acquis, qui ne laissent aucun secteur de la production réservé, ou des compétences technologiques, désormais partagées, à de plus en plus rares exceptions près. Ne sont pas davantage intégrés, les effets durables du désendettement et de l’inévitable baisse de rendement de la machine à produire du crédit, obstacles à la reprise de la consommation, le principal moteur de la croissance dans les pays développés.


À y regarder de plus près, et en dépit de contextes très différents, la mondialisation produit des effets de même nature côté émergent et côté développé. Elle a simplement deux faces. Ainsi, l’informalité, que l’on croyait propre aux seconds, se développe chez les premiers à la faveur de la crise actuelle : quand l’État ne remplit pas ou plus son rôle, il faut vaille que vaille survivre.


Mais comment concevoir un modèle alternatif commun de développement ? Observer ce qui se passe dans les pays émergents peut aider à l’appréhender afin de favoriser un sursaut émancipateur, au lieu de préconiser un retour conservateur aux barrières douanières. Chez ces derniers, on constate les ravages environnementaux et le développement déséquilibré produits par un modèle prioritairement orienté vers l’exportation. L’élévation moyenne du niveau de vie dissimule l’accentuation des disparités sociales, en dépit de l’essor de classes moyennes elles-mêmes très hétérogènes. Mais c’est aussi dans ces pays que l’on trouve le plus de réalisations sociales novatrices dans les domaines de l’accès à l’eau, l’énergie, l’éducation, la santé, etc. qu’il serait utile de mieux connaître et dont il serait profitable de s’inspirer en ces temps de tiers-mondisation. Car elles ont une portée qui dépasse les circonstances de leur naissance et sont pour nous exemplaires.


Une autre mondialisation est-elle possible et sur quels autres piliers reposerait-elle ? Prioritairement sur la définition et la satisfaction des besoins selon une toute autre logique. Notamment grâce au financement par la collectivité des biens publics, afin de les rendre accessibles sans discrimination de revenu. Ce qui impliquerait, en raison des progrès constants de l’automation du travail et de sa raréfaction relative, une élaboration sur la garantie d’un revenu minima à vie pour tous. Ainsi que l’extension de la sphère des services et des rapports non marchands, pour laquelle la gratuité d’innombrables services disponibles via Internet constitue à l’échelle de la planète un exemple précurseur et une démonstration éclatante. La diversification et le foisonnement des modèles économiques et tarifaires actuels incite à s’inscrire dans ce mouvement, mais dans une autre perspective, afin de mettre en œuvre d’autres principes.


La production des biens est également en question. Une aventure singulière peut alimenter la réflexion : celle de la voiture low cost (à bas prix), conçue pour les marchés émergents et qui a trouvé une clientèle en Occident, mouvement freiné par les constructeurs soucieux de ne pas cannibaliser leur bas de gamme. L’avenir de l’industrie automobile va en dépendre, sauf pour le haut de gamme ; cette mutation ne sera que retardée par l’offre de renouvellement des voitures hybrides, puis électriques, si toutefois leur coût baisse suffisamment. Ce qui induit de simplifier leur conception : on a vendu du rêve, le retour au fonctionnel s’impose.


Dans tous les domaines de la production industrielle, dont beaucoup ne peuvent plus prétendre qu’à des marchés de renouvellement, et dont seule l’obsolescence programmée permet de soutenir le marché, la même réflexion peut être menée. L’innovation technologique est souvent au service de causes discutables et pas à celui de la conception de produits fonctionnels, économes en énergie et à bas coût, dont le marché serait considérable (et commun). C’est aussi le cas pour l’industrie agro-alimentaire, qui prétend mettre l’innovation agronomique au profit de l’alimentation du monde sans y parvenir.


Pour trouver d’autres pistes, il suffit d’inventorier les avancées ou grands projets de la financiarisation de l’économie et de les prendre à rebrousse-poil : par exemple les assurances médicales et les retraites par capitalisation, ou tout ce qui pousse à modestement mettre la main dans le pot à confiture pour en être tributaire et solidaire à la fois : les assurances-vie, l’accession à la propriété immobilière, etc… Dans les pays émergents, la tendance est à octroyer des titres de propriété aux habitants des bidonvilles afin qu’ils puissent les apporter en garantie aux banques pour emprunter, ou bien à accorder des étalement de paiement sans intérêt sur les biens de consommation, non sans avoir préalablement majoré leur prix.


A tous les niveaux de l’appareil économique – conception, production et distribution – des changements considérables sont intervenus en l’espace des dernières décennies. Signe, s’il en est besoin, que rien dans ces domaines n’est immuable. C’est simplement leur finalité qui est à chaque fois en cause et doit être modifiée.


Reste à traiter la question de la propriété, cheville ouvrière du système avec la rente ! Pour l’aborder par le petit bout de la lorgnette, évoquons l’absurdité qui consiste à ce que chaque foyer urbain dispose d’une machine à laver le linge, qui pourrait être communautaire, tout en mettant en garde contre les formules de location – par exemple celle des batteries des voitures électriques, comme elle est prévue – qui visent à créer des clientèles captives et à générer de fortes marge en diminuant la mise de fonds initiale, à la manière éprouvée des cartouches d’encre pour les imprimantes… Réfléchir sous cet angle est vite productif, à rebours des marketing audacieux aux effets dispendieux.


L’affirmation d’un nouvel modèle de développement permet d’éviter le double piège du repli et de l’enfermement – le protectionnisme – et d’une mondialisation parvenue à son apogée. C’est également le point de rencontre avec l’écologie, ce profond inspirateur avec lequel il ne peut être à terme biaisé. Il n’est de toute façon plus possible de concevoir le futur à une autre échelle que celle de la planète ! Pour y parvenir, rien de mieux que de sortir du cadre en faisant acte de raison…



Billet rédigé par François Leclerc


Son livre, Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître


Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Merci M'sieur Leclerc pour cet axe de réflexion.

Il me semble que nous commencions enfin à comprendre qu'il va falloir changer radicalement - ce qui passe avant tout par se changer soi même - mais la réflexion va t-elle assez loin; sort-elle de la pensée capitaliste-occidentale ? Qu'en est-il du mode de production avec des matières premières épuisables ou bien même bientôt épuisées pour beaucoup d'entre-elles, donc pour nos enfants, petits-enfants, etc. ? Est-ce un mode de production, de vie viable et éternel que de continuer par exemple à produire des voitures qu'elles soient électriques ou autre si tout le monde en veut une qu'elle soit "low cost" ou pas ? Parce qu'au final, pour les produire, les faire rouler, les entretenir, etc. il y a toujours besoin de matières premières épuisables, non ?
Donc juste une question : y a t-il assez de matières premières; ou plutôt la planète peut-elle encore fournir suffisamment de ces dernières aujourd'hui pour arriver à produire de quoi remplacer; au niveau mondial mais surtout occidental rien que nos parcs de voitures, nos modes de production d'énergie et l'isolation de nos habitations tout en laissant la place propre et saine (enfin ce qu'il en reste) pour nos descendants ?
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Merci M'sieur Leclerc pour cet axe de réflexion. Il me semble que nous commencions enfin à comprendre qu'il va falloir changer radicalement - ce qui passe avant tout par se changer soi même - mais la réflexion va t-elle assez loin; sort-elle de la pensé  Lire la suite
Zolive13013 - 01/10/2012 à 20:22 GMT
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