Il existe un certain nombre de
similitudes frappantes entre la situation dans laquelle le gouvernement
espagnol se trouve en mai 2012 et celle dans laquelle son homologue irlandais
se trouvait en novembre 2010, juste avant qu’il accepte un plan de sauvetage
émanant de l’Union européenne (UE) et du Fond monétaire
international (FMI). Un plan de sauvetage de l’État espagnol semble inévitable.
Un tiercé de problèmes
Beaucoup d’analystes ont considéré
que la crise de la zone euro était de nature fiscale. Mais la vulnérabilité
financière de l’Irlande et de l’Espagne vient du fait que leurs
finances publiques sont devenues trop dépendantes d'une bulle
immobilière et bancaire.
Quand les bulles
immobilières irlandaise et espagnole ont éclaté, ce
château de cartes s’est écroulé : les banques
se sont vues confrontées à des pertes massives et certaines
d’entre elles sont devenues insolvables. Dans le même temps, le
chômage augmentait fortement suite à l’écroulement
du secteur de la construction.
Ce trauma économique a
grevé les rentrées fiscales des États au moment
où ceux-ci ont estimé
qu’ils devaient augmenter leurs dépenses pour aider les secteurs
concernés. Ils ont donc fait le choix de l’endettement pour
couvrir ces nouvelles dépenses.
Les investisseurs, devant la
hausse soudaine du niveau des déficits publics, ont demandé
plus de garanties, augmentant le stress sur les finances de l’État
et forçant le gouvernement à écorner les dépenses
publiques.
En Irlande et en Espagne, ce qui a commencé comme une bulle
immobilière soutenue s'est donc rapidement transformé en un
tiercé de problèmes étroitement liés : l’État
a accepté de recapitaliser les banques, le financement de l’État
à crédit a poussé
à une réduction superficielle des dépenses publiques et
finalement, cette réduction superficielle sans libéralisation
de l’économie a eu un impact négatif sur la croissance
à court terme.
Trou noir bancaire
Ce tiercé a mis l’État irlandais à genoux en novembre 2010,
le poussant à accepter un plan de sauvetage de l’UE et du FMI. Il
faut se souvenir que le prix de l’immobilier résidentiel avait
chuté de 36 % à ce moment-là (et a encore chuté de
20 % depuis), rendant insolvable une partie du secteur bancaire irlandais. Le
gouvernement irlandais a décidé de recapitaliser certaines
banques à hauteur de 46 milliards d’euros au début de
2011.
Avec chaque nouveau plan de sauvetage bancaire, le gouvernement irlandais
perdait un peu de sa crédibilité. Celle-ci est revenue lorsque
le plan de sauvetage UE/FMI a été mis en place et que Blackrock a
été amené à exécuter des tests de stress indépendants
sur les banques du pays. La
nationalisation de toutes les banques irlandaises sauf une s’en est
suivie.
La
situation est différente mais comparable en Espagne. Le marché
immobilier a baissé de 22 % depuis 2007 et il va probablement encore
baisser de 15 à 20 points de pourcentage.
La chute progressive dans les prix de l'immobilier espagnol par rapport
à l'effondrement irlandais signifie que le gouvernement espagnol n'a pas
eu à renflouer son système bancaire au même rythme.
Cela ne signifie malheureusement
pas que les banques espagnoles soient en meilleure santé aujourd'hui
que les banques irlandaises l’étaient à la fin de 2010. Comme les prix de l'immobilier
espagnol vont encore baisser et que le chômage continue de monter en
flèche (23,6 %, 50 % pour les jeunes), les défauts de paiement hypothécaires
vont augmenter et l’État espagnol va sans doute choisir de
recapitaliser à nouveau les banques du pays.
Comme ce fut le cas en Irlande, il est extrêmement difficile d'estimer
la taille du trou noir bancaire espagnol. Cette incertitude est
profondément corrosive pour les investisseurs, ce qui signifie que les
coûts d'emprunt pour l'Espagne resteront élevés.
Too big to fail two times
L'Irlande est suffisamment petite pour qu’on
puisse concevoir la possibilité d’un second sauvetage par
l’UE/FMI. L’Espagne ne l’est pas.
Il y a juste assez d'argent pour renflouer l’Espagne une fois. Pas
deux. Si l'Espagne ne parvient pas à trouver une croissance durable suite
au plan de sauvetage qui vient, il n’y aura pas de second tour. Nous
serions confrontés à une restructuration de la dette dans l'une
des plus grandes économies de la zone euro, avec des effets
néfastes sur la croissance mondiale.
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