Comment définir ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui et que je
préfère dénommer "banque/monnaie réglementée" pour rendre compte de
la réalité dans quoi on se trouve, ce qui n'est jamais fait?
Avant de le résumer en quelques paragraphes, une question préliminaire
s'impose:
pourquoi s'intéresser à la monnaie plutôt qu'à des épingles?
A
cette question qu'il se posait dans la décennie 1960, Milton Friedman avait
l'habitude de répondre:
"parce que les prix sont en monnaie".
Vous
vendez des biens en contrepartie de la quantité de monnaie que vous acceptez,
que vous acquérez.
Vous achetez des biens en contrepartie de la quantité de monnaie dont vous
pouviez disposer.
La quantité de monnaie sur quoi vous vous êtes mis d'accord avec quelqu'un
d'autre cache un prix en monnaie, celui du bien ou bien celui d'un sous
multiple de la quantité du bien.
Le prix en monnaie d'un bien est à distinguer du prix de la monnaie en des
biens "non monnaie".
C'est,
selon une théorie économique (Fisher,
1911), l'inverse mathématique du niveau des prix des biens échangés
contre monnaie.
Le
niveau des prix étant "mesuré" statistiquement par un indice, on en
déduit un indice du prix en monnaie des biens.
Soit
dit en passant, les indices de prix sont une considération statistique
récente (début du XXè siècle) sur quoi, en
particulier des Français, se sont fait connaître.
Au
lieu de s'exprimer en termes d'indices, des économistes parlent de
"pouvoir d'achat de la monnaie", titre de l'ouvrage signalé de Irving Fisher - synonyme d'achats potentiels -, ou
encore de "valeur" de la monnaie - comme y a incliné Ludwig von Mises qui voyait dans le pouvoir d'achat de la
monnaie sa valeur-.
Malgré
tout cela, jusqu'à récemment, la monnaie avait une unité qui n'était autre
que le prix en le bien "or", l'unité de monnaie était une unité de
poids, une quantité unitaire.
Aujourd'hui,
depuis l'instauration au XVIIIè siècle des banques
qui ont complété ce qu'on dénommait alors "monnaie" et
l'interdiction au XXè siècle de la convertibilité
des substituts de monnaie bancaires en monnaie or, l'unité de monnaie n'a
plus de référence observable et n'a plus de signification.
Des
références indirectes, mais surtout réglementaires, lui sont données
par l'intermédiaire de théories (pouvoir d'achat de la monnaie, valeur de
celle-ci) et de leur mesure statistique, par exemple, à partir d'indices de
prix des biens.
En
d'autres termes, par sa phrase, Friedman témoignait qu'il se moquait de ces
réglementations et s'accoquinait ainsi avec ceux qui voyaient d'un bon oeil les réglementations -injustifiables et
destructrices- qui avaient perclu la monnaie.
1.
La valeur de la "monnaie".
Le
fait est que le prix de la monnaie en biens n'est pas la valeur de celle-ci.
Il y a quelques siècles d'ailleurs, la valeur de ce qu'on dénommait alors
"monnaie" donnait lieu à des jugements dans ce sens.
De façon très générale, il était question, dans l'ordre, de bonne ou de
mauvaise monnaie (depuis au moins Aristophane jusqu'à Thomas Gresham), de
vraie ou de fausse monnaie (cf. Vilfredo Pareto),
puis au XXè siècle, de monnaie saine ou malsaine,
de monnaie forte ou faible.
Et J.M. Keynes (1936) de mettre son grain de sel à l'occasion en se référant
aux deux valeurs que J. Locke donnait, en 1692, à la monnaie (valeur d'usage
et taux d'intérêt, valeur d'échange et marchandise).
’La valeur de la monnaie était mélangée, voire confondue avec la quantité de
la monnaie.
Ainsi, le prix fixé, invariable de l'unité de monnaie, était qualifié de
"valeur intrinsèque" de la monnaie alors qu'il désignait simplement
le poids d'une (quantité de) marchandise invariable.
Et plus près de nous, R.W. Clower (1969) n'hésitait
pas à transformer le titre du chapitre - intitulé "The total value of
the currency needed by a
country"- du livre de A. Marshall intitulé Principles
of economics en "The total currency needed by a
country" sans rien dire sur le "truandage".
2.
Les fonctions de la "monnaie".
L'économie
politique n'a pas pour domaine les fonctions des choses.
Pour cette raison, mais il y en a bien d'autres, rien ne justifie de définir
la "banque/monnaie réglementée", entité de l'économie politique que
nous connaissons aujourd'hui, par ses fonctions (moyen d'échange, réserve de
valeur et unité de compte).
Quitte à le faire un instant, il convient de souligner la grande fonction
oubliée, à savoir la politique monétaire des autorités du même tabac supposée
accroître les revenus - la croissance - et diminuer le chômage.
3.
La comptabilité de la "monnaie".
A
défaut de pratiquer cette fausse définition de la "banque/monnaie
réglementée" en valeur ou en fonctions, il est classique de confondre
"banque/monnaie réglementée" et "quantité de monnaie" et
de définir la quantité de monnaie par la comptabilité bancaire/monétaire du
moment. » »
L'interdiction
de la convertibilité.
La
référence à cette comptabilité n'est pas justifiable pour la raison que, dans
le passé, elle n'a pas pris en considération les règles de droit dont elle procèdait et, en particulier, la règle par excellence, à
savoir l'interdiction des substituts de monnaie bancaires en monnaie or
décidée par les gouvernements au XXè siècle.
L'interdiction n'a pas en effet donné lieu à une modification des règles de
la comptabilité contrairement à ce qui aurait dû être le cas.
La monnaie est devenue, contre toute attente, "monnaie billet" ou
"monnaie dépôt" pour vous et moi alors qu'ils étaient substituts de
monnaie bancaires jusqu'alors et désormais réglementairement "substituts
de rien bancaires".
Pour les "agents officiels", i.e. les gouvernements et les
autorités dites officielles, ils sont devenus postérieurement, dans la
décennie 1970, "réserves
de change étranger officielles" alors que rien ne justifie de
parler, d'un point de vue économique, de "réserve".
Il
y a réserve et réserve.
La
comptabilité bancaire/monétaire d'aujourd'hui et celle d'hier ne sont pas
comparables pour cette raison et pour d'autres.
L'accent mis le cas échéant sur la couverture des "substituts de rien
bancaires" - les "réserves fractionnaires" selon le langage
américain, "réserve" qui n'a rien à voir avec la
"réserve" précédente - ne peut que dérouter un peu plus.
La
grande confusion.
La
comptabilité bancaire/monétaire a ouvert la voie à la confusion "balance
des paiements internationaux", "budget de l'Etat" et
"banque/monnaie réglementée" dont les réglementations juridiques
n'avaient rien à voir avec les règles de droit, ni les unes avec les autres.
La confusion a conduit à toutes les erreurs actuelles sur les politiques
budgétaires et monétaires.
4.
L'échange économique et la "monnaie".
Sans
échange économique, vous et moi n'avons pas besoin de "monnaie".
La "monnaie" procède de l'échange et non pas l'inverse comme
certains le laissent penser quand ils avancent que la "monnaie"
limite l'échange, qu'il faut augmenter la "monnaie" si on veut que
l'échange augmente.
Avec échange, en raison des inconvénients qu'on lui donne ou du coût
d'utilité à quoi on l'évalue, il faut faire des efforts pour trouver des
moyens de réduire les inconvénients, de diminuer le coût, bref de mettre le
doigt sur des échanges indirects.
Ce qu'on dénomme "banque/monnaie réglementée" aujourd'hui a
contribué à diminuer le coût de l'échange, mais pas à zéro...
5.
Les réglementations de la "monnaie".
Parallèlement,
comme son nom l'indique, la "banque/monnaie réglementée" a été
l'objet de réglementations.
Soit dit en passant, le principe de la réglementation ne doit pas cacher la
démarche de certains économistes qui laissent de côté les règles de droit.
Pourtant, les réglementations sont prises pour modifier les règles de droit.
De
deux choses l'une:
-
sans règle de droit, rien ne justifie les réglementations décidées.
- avec règle de droit, les réglementations acquièrent au moins une
justification même si elles sont vaines à terme.
On
peut penser que les réglementations ont autant amélioré que détérioré l'entité.
Une chose est certaine: les réglementations se sont répercutées indirectement
sur les échanges.
6.
Les innovations de la "monnaie".
Comme
son nom ne l'indique pas, la "banque/monnaie réglementée" a été
aussi l'objet d'innovations. Dernière innovation en date: ce qu'on dénomme la
"monnaie électronique".
Dernier type de "monnaie électronique" potentiel : le bitcoin...
A la différence des réglementations, les innovations ont amélioré l'entité.
7.
L'irréversibilité.
Reste
qu'il existe une concurrence entre les réglementations et les innovations et
que, tantôt, la dernière réglementation en date semble l'emporter aux yeux de
vous et moi, tantôt, c'est le cas de la dernière innovation.
Une chose est certaine : les réglementations ne sont pas irréversibles alors
que les innovations le sont.
Les innovations ne peuvent que mettre à bas les réglementations pour le bien
de tous.
8.
L'€uro.
Longtemps
dans le passé, l'unité de ce qu'on dénommait alors "monnaie" a été
une unité de poids.
Avec l'interdiction de la convertibilité, l'unité de la "banque/monnaie
réglementée" - peu importe sa marque - a été abandonnée et n'a pas été
remplacée.
Dans le cas des "banques/monnaies réglementées" des pays de l'Union
européenne, il s'avère qu'une partie des gouvernements de ces pays, ceux de
la zone €uro, sont allés au-delà: ils ont abandonné
leur "banque/monnaie réglementée" et ont adopté une fusion
partielle de celles-ci à quoi ils ont donné la marque "€uro".
L'unité de l'€uro est tout autant folklorique que peut l'être celle du dollar
des Etats-Unis ou celle de la livre de l'Angleterre ou celle de ce que vous
voudrez...
9.
Définition de la "banque/monnaie réglementée.
La
seule définition à donner de la "banque/monnaie réglementée" est qu'elle
contribue à la diminution du coût de l'échange, un coût subjectif.
La "banque/monnaie réglementée" continuera à exister tant que le
coût de l'échange qu'elle permet sera jugé par chacun "pas trop
élevé".
Sinon,
gare...