Je l’avoue : je suis
partial. J’aime le vin – presqu’autant que j’aime les bières artisanales. Je
bois énormément de vin californien, qui est en général excellent et pousse,
pour ainsi dire, dans mon jardin. J’aime boire du vin. Je n’aime pas en
garder dans un coffre réfrigéré comme s’il s’agissait d’un actif. Je ne comprends
donc pas ce que ressentent ceux qui n’ont pas vendu à temps et ont traversé l’implosion
de la bulle sur le vin.
C'est la faute de la Chine et
des banques centrales. Le vin a gagné de l’importance en tant qu’actif au
cours de la bulle préolympique qui s’est développée en Chine alors que des
Chinois fortunés commençaient à y injecter leur argent. Depuis l’été 2005 jusqu’aux
Jeux olympiques de Pékin de 2008, le Liv-ex
Fine Wine 100 index – l’indice de référence des
vins fins – a flambé de 152%. Mais au cours des quatre mois qui ont suivi la
faillite de Lehman Brothers,
il a plongé de 22%.
Bouleversées par ce plongeon,
la Fed et d’autres banques centrales ont arrosé certains secteurs avec de l’argent
gratuit pour que les acheteurs de vin chinois se livrent de nouveau à leur
jeu. Et ça a marché. En juillet 2011, l’indice avait déjà augmenté de 76%
pour passer à 365. Le pic de la bulle sur le vin. A partir de là, c’est
devenu l’enfer.
Le Liv-ex Fine Wine 100 mensuel est basé sur les « 100 vins fins
les plus recherchés et pour lesquels il existe un important marché secondaire »,
notamment le Bordeaux, et « reflète le marché dans son ensemble. D’autres
vins sont par exemple le Bourgogne, le Côte du Rhône, le Champagne et le vin
d’Italie (liste).
Ces vins sont, ou devrais-je dire étaient, les plus recherchés par les investisseurs
chinois, qui pour beaucoup ne boivent même pas de vin.
En mai, l'indice a perdu 1,4%
supplémentaire pour passer à 243, soit 33,4% de moins qu’en juillet 2011. Il
est de retour à son niveau de juin 2007. Et même à ce niveau, il semble d’être
supporté que par une grosse bulle d’air.
Le Liv-ex
Fine Wine 50, qui détermine les « produits
les plus recherchés sur le marché des vins fins » - les 10 derniers
millésimes de Bordeaux premier grand cru, Haut Brion, Lafite
Rothschild, Latour, Margaux, et Mouton Rothschild –
a grimpé avant de s’effondrer de plus belle.
Les chiffres du Liv-Ex dont je
dispose ne remontent que jusqu’en février 2010, alors que la bulle sur le vin
était déjà en phase de développement. Depuis lors, il a gagné 63,4% pour
passer à 446 le 28 juillet 2011. A l’heure où j’écris ces lignes, le 2 juin,
il est de 274, soit 38,6% de moins.
Les investisseurs auraient
mieux fait de boire leur investissement. Mais en Chine, c’est exactement ce
dont on a le plus peur. Non seulement parce que cela constituerait pour les Chinois
une destruction de leur investissement, mais aussi parce qu'ils pourraient
très bien réaliser que l’investissement qu’ils ont si longtemps conservé dans
une coffre réfrigéré est en fait contrefait.
« C’est une entreprise
florissante en Chine », explique Ray Jordan, éditeur des vins chez The
West Australian. Les méthodes employées vont du
remplissage de bouteilles de Bordeaux vides au déguisement de bouteilles de
vin chinois bon marché. Et elles ne cessent de se sophistiquer. CTV a
rapporté que 50% du vin vendu en Chine pourrait être contrefait. Mais pour ce
qui est des grands noms comme Château Latour et Château
Lafite, l’industrie estime que ce pourcentage
atteint 90%.
Une réalité dévastatrice pour
les investisseurs qui conservent leur vin plutôt que de le boire. D’où le
plongeon de Bordeaux. Quand la confiance s’extirpe d’une bulle, la bulle se
dégonfle.
Mais tout n’est pas que
question de malheurs. Le Liv-ex
Fine Wine 1000, l’indice de mesure du marché
qui suit des vins du monde entier, a perdu 0,7% en mai pour atteindre 245,7,
un niveau enregistré pour la dernière fois en décembre 2010. Depuis lors, il
n’a perdu « que » 12,5% en raison de la baisse des sous-indices
Bordeaux. Mais certains autres sous-indices ont grimpé. Au cours de ces deux
dernières années, le sous-indice « Rest of the
World 50 » - dans lequel se trouvent les vins américains – a gagné
16,5%.
« Les Etats-Unis sont en
tête d’affiche », a-t-il été écrit sur le blog du
Liv-Ex en février. « Dominus 2005 et 2006
ont gagné plus de 40% depuis janvier 2011, bien qu’ils restent abordables en
comparaison aux premiers grands crus Bordeaux. Les récents millésimes ont
également augmenté, en raison certainement de l’attention portée l’année
dernière au ‘meilleur millésime’ du viticulteur Michael Silacci ».
Ce ne sont que des vins californiens.
Une nouvelle bulle est sur le
point de naître sur le marché du vin, cette fois-ci en Californie. La
production se développe depuis des années, et les prix ne cessent de grimper.
Une nouvelles bulle sur le vin pourrait venir complimenter les autres bulles
qui existent déjà dans notre Etat de croissances et de récessions, comme sur
l’immobilier, le fracking (OK,
oubliez ça), les terres agricoles, les actions des médias sociaux, les
sociétés biotechnologiques… Oh, oubliez ça aussi. Elles s’effondrent déjà.
Le S&P 500 passe d’un
record à l’autre à mesure que les sociétés contractent des dettes pour
soutenir leurs propres actions. Mais les données les plus importantes que
publie Wall Street grâce à son armée d’analystes sont peut-être le plus gros
canular qui soit. Lisez ceci : The
Big Hoax Of The Wall
Street Hype Machine