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Il
est loin le temps où la Chine était présentée
sous ses plus beaux atours, vouée à une croissance annuelle de
8 à 9 % minimum, garantie par construction par la grâce des
statistiques officielles. Désormais deuxième au monde,
l’économie chinoise subit actuellement deux contre-coups
préoccupants :
-
la croissance atone du monde occidental, principal débouché de
ses exportations, qui a pour conséquence la baisse du taux de
croissance ;
-
les effets combinés de son modèle de développement
déséquilibré et d’un plan de relance massif en
2008, qui sont à l’origine d’une importante inflation,
après avoir contribué à la création d’une gigantesque bulle financière que les
autorités chinoises ne parviennent pas à contrôler.
Le
gouvernement a adopté en mars dernier son 12éme plan
quinquennal, qui le mènera jusqu’en 2015, avec pour objectif le
développement de son marché intérieur, mais de nombreux
obstacles structurels se dressent sur cette route et les résultats risquent
d’être longs à venir. L’inertie est forte dans un
pays de cette taille. Dans l’immédiat, les autorités sont
surtout préoccupées par la montée de l’inflation,
qui génère déjà des troubles sociaux, touchant
les plus vulnérables.
Le
plus inquiétant est que la forte croissance chinoise de ces
dernières années a contribué à l’apparition
d’un important système financier informel, opaque et non
régulé, qui continue de se développer. Il s’appuie
sur le marché du crédit aux entreprises, car seules les plus importantes
d’entre elles ont accès au crédit bancaire officiel, et
il bénéficie d’un important volume de dépôts
au détriment des grandes banques commerciales, en raison du taux
d’inflation supérieur à la rémunération que
ces dernières offrent. En valeur annuelle, la hausse des prix à
la consommation était de 6,2 % en août dernier, alors que leur
rémunération des dépôts est de 3,5 % annuels. La
montée en puissance de ce secteur est un facteur de déstabilisation
financière de première ordre, sur
lequel le gouvernement n’a que peu de prise.
Le
secteur bancaire officiel est quant à lui aux prises avec ses propres
difficultés, après avoir prêté à tout-va
aux entreprises et aux collectivités, sans s’être
assuré de leur capacité de remboursement. Le fonds souverain
chinois Central Huijin Investment
vient à nouveau d’acheter des actions des quatre principales
banques et se prépare à continuer, afin de soutenir leur cours
boursier qui a chuté de 30 % durant ces derniers mois, car on appris qu’elles avaient subit
une hémorragie de leurs dépôts à hauteur de 48,6
milliards d’euros durant la première quinzaine de septembre.
Sans parler de leur exposition à des actifs douteux, qui n’est
pas chiffrée. Ce qui a conduit les autorités à relever
à plusieurs reprises ces derniers mois le ratio exprimant le rapport
entre leurs fonds propres et leurs engagements, afin de tenter de freiner les
banques dans leur frénésie d’attribution de
crédits, qui progressent en volume au rythme annuel de 40 %, selon les
estimations disponibles.
Mais
le pire est à venir dans le secteur immobilier, la baisse des prix qui
a commencé donnant le signal d’alarme, faisant suite à
une forte hausse ininterrompue de 60 % depuis cinq ans. Les promoteurs
immobiliers pourraient vite se retrouver dans une situation précaire,
coincés entre la baisse de l’immobilier et la hausse des taux.
Les données précises manquent ou sont sujettes à
caution, mais tous les analystes s’accordent à penser que la
bulle immobilière a commencé à éclater et va
faire des ravages dans les bilans des banques, les promoteurs
s’étant endettés un maximum auprès d’elles.
Les
dirigeants chinois ont déjà eu affaire à une telle
situation il y a une dizaine d’années, lorsque le taux de
défaut des crédits accordés par les banques atteignaient des sommets. Ils ont à
l’époque réglé la chose
promptement, en achetant sur fonds publics les actifs douteux à leur
valeur faciale, ou en les garantissant, puis en renforçant les fonds
propres des banques avec le soutien de la Banque populaire de Chine. Pourront-ils
faire cette fois-ci si facilement, après avoir
généré un boom du crédit sans
précédent ?
«
Un pays, deux systèmes » : la fameuse formule de Deng Xiaoping a
fait fortune mais rencontre ses limites, pouvant désormais être
traduite par « un pays, deux sociétés ». Le
régime chinois souffre des inconvénients de ses avantages.
Dirigiste, il manque de la souplesse qui serait nécessaire pour vite
réorienter son appareil productif, afin de répondre aux besoins
de l’ensemble de son marché intérieur, et pas seulement
de ses classes moyennes. Numériquement importantes mais
néanmoins minoritaires, celles-ci ont bénéficié
d’une croissance aux bénéfices fort
mal partagés, réservés aux zones urbaines du pays.
Zhou
Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale,
déclarait dernièrement à Washington que la Chine, comme
tous les pays émergents, souffrait d’un « excès de
liquidités à l’échelle mondiale, de la
volatilité des flux internationaux de capitaux, d’une demande
externe qui s’affaiblit et d’une fluctuation du prix des
matières premières ». Il oubliait simplement de
mentionner dans cette énumération les propres turpitudes
causées par l’introduction massive du crédit bancaire en
Chine, qui n’a pas tardé à produire ses effets allant en
s’amplifiant.
Billet
rédigé par François Leclerc
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