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A
quoi les choses peuvent-elles tenir, au cours d’une terrible
catastrophe nucléaire que l’on cherche à maitriser ?
Parfois à de simples batteries de voiture ! Partiellement rendus
publics, les enregistrements des visioconférences entre la direction
de la centrale de Fukushima et celle de son opérateur Tepco, à Tokyo, viennent de révéler
un épisode peu à la gloire de l’industrie
électronucléaire et de son haut degré de
sécurisation. Mais à mettre au crédit de ceux qui
faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour éviter le pire.
C’était
le 13 mars 2011, à 2h44 matin, deux jours après le début
des événements, le lendemain de l’explosion
d’hydrogène qui avait dévasté le bâtiment du
réacteur n°1. Le système d’injection d’eau de
refroidissement à haute pression du réacteur n°3
s’est brusquement arrêté, la batterie de secours qui
l’alimentait entièrement déchargée. Dans ces
conditions, il devenait impossible de poursuivre son refroidissement, la
pression interne au réacteur augmentant très rapidement et y
faisant obstacle. En effet, les valves permettant la dépressurisation
nécessitaient également une batterie pour être
actionnées, mais celle-ci avait à son tour cessé de
fournir de l’électricité à 6h39.
Aucune
batterie de secours n’ayant été prévue, il a fallu
de toute urgence récupérer des batteries sur les
véhicules présents sur le site. Une tension de 120 volts
étant nécessaire, 10 batteries délivrant 12 volts
devaient être trouvées pour être branchées en
série. A 7h05, un appel général était
lancé aux ouvriers et techniciens présents sur le site, afin de
leur emprunter leur batterie de voiture. Suivi d’un autre à 7h21
pour leur emprunter cette fois-ci… de l’argent, afin
d’aller en acheter au plus vite à la ville la plus proche, car
il n’y en avait pas assez ! 20 batteries finalement branchées,
la dépressurisation (éventage)
pouvait enfin intervenir dans les réacteurs n°2 et 3, dont la
salle de contrôle est commune, permettant également à
9h20 la reprise de l’injection de l’eau de refroidissement.
Mais
une nouvelle alerte était lancée à 17 heures, de la
vapeur d’eau visible au-dessus du réacteur n°3, comme cela
avait été précédemment le cas la veille, trente
minutes avant l’explosion d’hydrogène intervenue au
réacteur n°1. Comment évacuer l’hydrogène du
sommet du bâtiment du réacteur au plus vite, où à
son tour une vanne ne pouvait être actionnée ? La pression
interne au réacteur recommençait à monter, les valves de
dépressurisation se refermant automatiquement à peine ouvertes.
A 11h01, le 14 mars, L’explosion d’hydrogène
redoutée intervenait finalement.
Le
même scénario menaçait de se répéter dans
le réacteur n°2, dès le 13 mars au soir. A plat, les
batteries des voitures utilisées pour faire fonctionner le
système d’injection ne délivraient plus
d’énergie. Mais cette fois-ci la dépressurisation fut
couronnée de succès, une valve d’éventage
ayant pu être actionnée après de multiples essais,
permettant la reprise du refroidissement par eau du réacteur, qui
s’était interrompu dès 21 heures.
Finalement,
320 batteries d’un lot de 1.000 commandées à Tokyo
arrivaient le 14 mars à 21 heures, permettant désormais
d’assurer l’alimentation de secours des dispositifs d’éventage et d’injection d’eau. Une
explosion dévastatrice d’hydrogène n’avait pu
être évitée, mais le refroidissement des réacteurs
avait repris. Sans parvenir à empêcher la fusion du combustible
nucléaire et la formation de coriums
hautement radioactifs, à la localisation imprécise et au
comportement imprévisible…
Le
prétendu arrêt à froid des réacteurs est
une très mauvaise plaisanterie.
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