J’aimerais
développer un peu plus ici les arguments que j’ai
présentés brièvement lors du débat
télévisé de Télé-Québec
diffusé cette fin de semaine, où je n’ai pu le faire faute
de temps et parce que j’ai surtout consacré mes interventions
à réagir aux affirmations de nos opposants de gauche.
Mon premier argument à
l’effet que la gauche (et je parle ici de la gauche marxiste et
étatiste comme celle représentée par Québec solidaire)
est effectivement «démodée», ou plus
précisément périmée, était qu’il
n’y a plus de «masse prolétarienne à
libérer» et que cette préoccupation n’est plus
valide.
Les solutions de gauche aux
problèmes de la pauvreté ont toujours été
inefficaces. La planification bureaucratique de la production, la
nationalisation des ressources, l’interventionnisme étatique, la
redistribution de la richesse, les impôts élevés, le
protectionnisme: toutes ces mesures qui font encore partie de l’arsenal
idéologique de la gauche ont complètement été
discréditées par la théorie et par
l’expérience.
On pouvait toutefois encore
concéder une certaine pertinence sociale au discours de gauche dans la
mesure où il articulait une préoccupation importante, celle
envers les plus démunis. Mais le libéralisme économique
(relatif) que l’on connaît dans les sociétés
occidentales a réglé ce problème.
Nous vivons dans des
sociétés fabuleusement riches à l’échelle
de l’histoire humaine. La misère noire, qui existait encore ici
du temps de nos grands-parents, est complètement disparue. Il y a
évidemment encore des personnes relativement pauvres et
démunies, mais elles jouissent du minimum nécessaire pour
survivre et ce sont davantage des problèmes psychologiques ou sociaux
(souvent entretenus par des programmes étatiques, comme dans le cas
des assistés sociaux ou des Indiens sur les réserves), et non
économiques, qui sont à la source de leur détresse.
Comme l’a mentionné
mon collègue Michel Kelly-Gagnon durant l’émission,
Statistique Canada note que le nombre de personnes à faible revenu au
Canada est passé de 16% en 1996 à 11% en 2005 (ou plus
précisément, de 15,7% à 10,8%). Nos adversaires ont tout
de suite cherché à discréditer ces données en
prétendant qu’il s’agissait du calcul de l’Institut
Fraser, ce qui est totalement faux. Les lecteurs les retrouveront dans ce document
de Statistique Canada. De toute façon, les calculs de l’Institut
Fraser (qui
évalue le taux de pauvreté réel à 4,5% en 2005)
sont encore plus éloquents, puisqu’ils tiennent compte du niveau
de dénuement réel, alors que le concept de «faible
revenu» de Statistique Canada observe une situation relative.
Mais même en s’en
tenant à la définition moins stricte de Statistique Canada, on
voit que la pauvreté continue de diminuer. Elle est encore plus
insignifiante lorsqu’on constate qu’elle n’est
pas une condition permanente et qu’encore moins de gens restent
pauvres pendant une période prolongée, ce qui exclut les
pauvres temporaires comme les étudiants ou les personnes qui viennent
de subir une perte d’emploi ou une tragédie personnelle. Une
autre étude de Statistique Canada sur la mobilité sociale au
pays indique en effet que seulement 3,3% des Canadiens sont demeurés
sous le seuil de faible revenu à chaque année pendant six
années consécutives (entre 1993 et 1998). Faut-il
vraiment nationaliser l’économie canadienne, augmenter les
impôts et redistribuer massivement la richesse pour régler un
problème qui ne touche plus qu’un Canadien sur 33?
La caducité du discours
de gauche est patente dans le sens où les gauchistes n’ont rien
à répliquer (sauf des mensonges) à ces observations et
ne reconnaissent même pas la réalité telle qu’elle
est. Ils se contentent de répéter leurs mantras marxistes,
comme l’a fait Amir Khadir lors de l’émission en affirmant
que les riches continuent de s’enrichir, les pauvres de
s’appauvrir, et que la concentration de la richesse est plus grande que
jamais. C’est ce que les marxistes nous répètent depuis
la révolution industrielle. Imaginez, si cette tendance était
effectivement en cours depuis deux siècles, la planète
entière serait au bord de crever de faim, et il ne resterait que deux
ou trois milliardaires contrôlant toutes les richesses!
La réalité est au
contraire que la prospérité ne cesse de se répandre,
à mesure que le capitalisme et le libre marché
s’étendent dans le monde. Il y a à peine quelques
décennies, seuls une vingtaine de pays occidentaux faisaient partie
des sociétés dites «riches» et possédant une
classe moyenne développée. Aujourd’hui, il y en a des
dizaines, dans toutes les régions du monde sauf l’Afrique. Non
seulement la richesse n’est pas de plus en plus concentrée dans
quelques mains, mais elle est de plus en plus répartie à
travers la planète. Et cela, comme je l’ai mentionné
durant l’émission, non pas à cause des politiques de
gauche mais du capitalisme et de la mondialisation.
Dans La Presse de ce matin, une série
d’articles sur l’Inde permet de prendre la mesure de ces
changements. «L'Inde produit chaque année plus de nouveaux
millionnaires que n'importe quel autre pays du monde. Elle en comptait
officiellement 70 000 en 2005 et 83 000 l'an dernier. Chaque année, ce nombre s'accroît de plus de 20%.» Épouvantable, diront nos
illettrés économiques gauchistes: la richesse se concentre! Eh
oui, c’était certainement préférable quand presque
tous les Indiens étaient pauvres, il y avait alors plus
d’égalité dans la pauvreté!
On apprend également que
le Parti communiste contrôle toujours les rênes du pouvoir
à Calcutta. Mais comme en Chine, ces «communistes» ont
complètement abandonné leurs idées
désuètes et se sont convertis à l’économie
de marché (sans doute fortement tempérée par une
ingérence constante de l’État, comme ici, mais tout de
même):
Dans les années 80,
repoussées par le syndicalisme ultramilitant, les multinationales
Bata, Philips et Dunlop ont toutes quitté cette ville qui a longtemps
incarné la misère indienne et qui attire toujours les plus
miséreux.
Mais aujourd'hui, plus question pour
Calcutta de passer à côté de la croissance
économique rapide qui a métamorphosé Bombay, Bangalore
et Delhi. «Notre priorité est de développer Calcutta et
tout l'État du Bengale-Occidental, d'aider les pauvres, non pas
d'établir le socialisme», lance Mridul De [un dirigeant
communiste].
Pour arriver à ses fins,
le Parti communiste ouvre les bras aux grandes entreprises capitalistes qu'il
boudait hier encore, promettant des conditions avantageuses, des baisses
d'impôts, des subventions à l'électricité, des
terrains quasi gratuits et de la main-d'oeuvre bon marché.
On pourrait faire le même
constat en Chine, au Viêt-Nam, au Brésil, en Pologne et dans des
tas d’autres endroits. Encore une fois, devant ce
phénomène mondial, les gauchistes n’ont rien à
dire, à part se fermer les yeux et nier que ces pays soient en train
de s’enrichir, comme l’ont fait mes opposants lors du débat
de l’année dernière sur la mondialisation à la
même émission. Ou encore adopter le discours
réactionnaire malthusien (comme l'a fait Amir Khadir dans
l'émission de cette semaine) qui admet qu'il y a enrichissement, mais
que la planète n'a pas assez de ressources pour satisfaire les besoins
de tous ces pauvres d'Asie et d'ailleurs s'ils se mettent à consommer
autant que nous. Cette affirmation est non seulement fausse, elle contredit
l'objectif marxiste de permettre aux pauvres de s'enrichir, en plus
d'être méprisante venant d'un citoyen d'un pays occidental qui
profite lui-même de toutes ces richesses mais voudrait qu'elles soient
inaccessibles aux autres. Mais on n'en est pas à une contradiction
intellectuelle près dans le discours gauchiste.
Nous sommes entrés dans
une ère où la pauvreté absolue et les famines sont
rapidement en train de disparaître de la surface du globe, pour la
première fois dans l’histoire de l’humanité. Dans
quelques années, à moins d’une catastrophe, cette
réalité sera un mauvais souvenir. Le discours de la gauche
marxiste paraîtra aussi archaïque, déconnecté de la
réalité et risible que celui des astrologues ou des chasseurs
de sorcières. On pourra alors les reléguer aux
curiosités de l'histoire et les ignorer totalement.
La véritable menace
à la liberté et à la prospérité dans
l'avenir, elle vient plutôt de la droite autoritaire et militariste
(aux États-Unis) et des interventionnistes de tout acabit, ces
partisans du gouvernemaman qui souhaitent régler tous les
problèmes du monde avec une nouvelle réglementation ou un
nouveau programme étatique. Ce sont eux qui dominent la vie
intellectuelle et politique au Québec.
Martin
Masse
Le Quebecois
Libre
Martin Masse est né à Joliette en 1965. Il
est diplômé de l'Université McGill en science politique
et en études est-asiatiques. Il a lancé le cybermagazine
libertarien Le Québécois Libre en février 1998. Il a
été directeur des publications à l’Institut
économique de Montréal de 2000 à 2007. Il a traduit en
2003 le best-seller international de Johan Norberg, Plaidoyer pour la
mondialisation capitaliste, publié au Québec par l'Institut
économique de Montréal avec les Éditions St-Martin et
chez Plon en France.
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