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La France adolescente : et si on la laissait grandir ? Patrice
Huerre* et Mathieu Laine*, éditions
Lattès, Paris, février 2013, 18.00 €
Livre
après livre, Mathieu Laine approfondit son diagnostic d’une
France malade et préconise des remèdes novateurs et
réellement audacieux. Déjà en 2007, dans La France est foutue (Lattès),
M. Laine répondait à tous les prophètes de malheur. Il
citait Sénèque : « Ce n'est pas parce que les
choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas
qu'elles sont difficiles ». L’auteur montrait qu’une réforme de grande
ampleur est possible. Il faut simplement remettre les idées à
l'endroit, provoquer une révolution des esprits et donner à
chacun des outils clairs et vérifiables (faits, chiffres,
réflexions, exemples concrets) pour démontrer que notre chute
n'est pas irrémédiable, tels étaient les objectifs de ce
livre.
Aujourd’hui
encore, beaucoup pensent que la France n’est pas réformable et
que la chute est proche. Mathieu Laine refuse de tenir ce type de discours
catastrophiste ou décliniste. Inlassablement,
il invite à regarder l’avenir avec confiance, en fondant son
jugement sur des faits concrets et non sur des peurs imaginaires. De nombreux
pays se sont sortis de situations bien pires que la nôtre et nous
montrent la voie.
Mais pour ce
nouveau livre, La France adolescente, c’est avec un
psychiatre, que M. Laine s’associe pour aborder la crise que nous
traversons et tenter de redonner aux Français un peu d’espoir.
La thèse du livre est que la France est une
adolescente en crise. C’est une crise parfois violente et souvent
désagréable mais c’est une crise « normale ».
Et pour peu que l’on sache comment l’appréhender et la
surmonter, elle sera temporaire.
Les mutations en cours
Pour comprendre
son mal, un pays doit regarder sa situation en face, en vérité.
Or la France, expliquent les deux
auteurs, connaît de profondes mutations de sa structure sociale, de ses
représentations, de ses usages et de ses mentalités.
L’accroissement sans précédent du niveau de vie depuis la
seconde guerre mondiale s’est accompagné d’un
bouleversement des modes de vie, des modes de production et de consommation. Le
livre évoque la diminution de la population agricole (de 50% de la
population active il y a un siècle, elle est passée à 3%
aujourd’hui), l’augmentation corrélative de la population
urbaine (de 1960 à aujourd’hui, elle est passée de 29
à 48 millions, soit plus de 60% d’augmentation), la
tertiarisation croissante du salariat (la part du secteur tertiaire est
passée de 65% à 76% de la population active entre 1984 et
2009), le développement d’un chômage de masse et la multiplication
d’emplois à temps partiel ou de contrats de courte durée,
ont transformé le rapport de la France au travail autant qu’ils
ont modifié les rapports des Français avec leur
activité.
C’est la structure familiale elle-même, poursuivent-ils,
qui a été bouleversée : le modèle
nucléaire (les parents et les enfants), succède au
modèle de la famille patriarcale (les parents, les enfants et les
ascendants). À mesure que les logements se dépeuplaient et que
les villes attiraient des habitants de plus en plus nombreux, les familles
élargies ont fini de céder la place à des structures
resserrées, construites sur le mode d’une association
contractuelle.
La
victimisation
La mondialisation, qui s’accompagne d’une crise
violente de l’État-providence, achève de plonger les
Français dans la déprime et la victimisation. Or notre
époque, disent Mathieu Laine et Patrice Huerre,
avide de coupables et de raisonnements binaires, fait volontiers de ces
mutations la cause de ses errements ou de ses difficultés. Elles sont
généralement perçues négativement, comme un signe
de fragilisation et non comme un potentiel de progrès, de dynamisme et
d’invention. Pourtant, selon les auteurs, on peut y voir en grande
partie la source de ses richesses et de son dynamisme.
De même que l’adolescent hérite
d’une morphologie inédite pour lui, prenant 10 ou 15cm en une
année, suscitant inquiétude et angoisse, en quelques
décennies, la France a bel et bien « grandi ». En quelques
décennies, la composition, la répartition et la structure de la
société française - sa morphologie - ont changé
plus profondément et plus rapidement que jamais au cours de notre
histoire. Ces bouleversements, comme ceux qu’entraîne la
puberté dans le corps de l’adolescent, ont apporté avec
eux des désirs et des espoirs, certes, mais surtout des angoisses et
des peurs.
Que
faire ? Un remède : la liberté
Comme
pour ces adolescents qui s’apprêtent à basculer dans le
grand bain de la vie adulte, la France peut entrer dans une phase
d’invention et de construction essentielles. Car l’adolescence, rappellent Mathieu Laine
et Patrice Huerre, est aussi « un moment
riche de promesses pour qui sait s’ouvrir au monde ». Notre pays est une nation vivante,
impétueuse, inventive, capable d’initiatives remarquables et
d’efforts reconnus. Mais ce qui lui faut, c’est la liberté
concluent les auteurs. Car la liberté est le moteur de
l’innovation et des bonnes solutions. Loin d’être
antinomique avec l’ordre, la liberté en est bien plutôt la
condition. C’est au contraire la perturbation de l’ordre
spontané de la société par l’intervention de l’État
qui engendre effets pervers et déresponsabilisation. Or depuis plus de
quarante ans, la France s’est accoutumée à la drogue de
l’étatisme. Car l’étatisme est une addiction
sévère, parfaitement connue mais dont on peut guérir.
Moyennant
donc une cure de désintoxication, ce qui nous attend à terme
n’est pas le déclin mais l’opportunité de redonner
leur chance aux individus en inaugurant une ère nouvelle de
liberté, la seule capable d’offrir aux citoyens la pleine
maîtrise de leur destin.
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