Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Évidemment, et cela nous change de la journée mondiale
des toilettes, et nous force à revenir à des sujets
économiques plus sérieux, comme par exemple la nouvelle
dégradation de la France par l’agence Moody’s.
Car c’est bien cette information qui est la plus importante de
ces dernières heures. Alors que jusqu’à présent
seule Standard & Poor’s nous avait fait
perdre le fameux célèbre triple A, c’est au tour de
Moody’s, en attendant celle qui sera la dernière à savoir
l’agence Fitch qui reste une agence de
notation nettement plus bienveillante à l’égard de notre
pays, la nationalité française de son président ni
étant sans doute pas totalement étrangère.
Moody's
prive à son tour la France de son « triple A »
Pour Moody’s, la dette publique de long terme de la France est
désormais notée Aa1, soit un cran en dessous de la meilleure
distinction dont elle jouissait jusque-là. Mais l'agence a aussi
assorti cette note d'une perspective négative, ce qui signifie qu'elle
menace de l'abaisser à nouveau à moyen terme.
La France « est encore bien notée », a
réagi auprès de l'AFP le ministre des Finances Pierre
Moscovici, en marge d'un déplacement à Grenoble. Voilà
un commentaire brillant (mais Christine Lagarde nous servait le même
type d’imbécilités lorsqu’elle occupait ce poste).
Perdre notre notation est un camouflet. Ce camouflet est la
conséquence d’une politique économique
inconséquente menée pendant ces trente dernières
années, aussi bien par la gauche, que par la droite.
Selon le ministre, « cette décision concerne la
situation laissée par nos prédécesseurs : perte de
compétitivité, faible croissance, déficit
croissant ». « C'est une sanction de la gestion du
passé », a-t-il dit.
Certes. C’est une sanction de la gestion passée, mais
hélas, aussi de la gestion actuelle et du manque cruel de courage
qu’elle laisse entrevoir pour le futur, et sur ce dernier point il ne
faut pas se bercer d’illusions. Les Français et leurs dirigeants
détestent ce qui fait « mal ». Je ne suis pas en
train de dire que faire souffrir tout le monde est
une bonne idée, mais que plus on retarde le moment de la souffrance
plus cette dernière est forte. Regardez les Grecs.
Les
États du nord de l'Europe mieux notés
Depuis la décision de SP en début d'année, seuls
quatre pays de la zone euro bénéficient encore d'un AAA
auprès des trois grandes agences : l'Allemagne, la Finlande, le
Luxembourg et les Pays-Bas. Il s'agit d'États du nord de l'Europe, ce
qui a accentué les divisions politiques, face à la crise, avec
des pays du Sud, comme l'Italie ou l'Espagne, mais aussi avec la France.
C’est cette idée qui sous-tendait ma réflexion
concernant un nouveau « rideau de fer » qui coupait
l’Europe en deux entre le Nord et le Sud, la France étant
désormais sans conteste possible classée dans les pays du Sud
par l’essentiel des analystes financiers à travers la
planète.
Pour le moment, notre pays continue à
emprunter à des taux qui sont historiquement bas, voire même
pour certaines maturités (c’est-à-dire sur certaines
durées) nous empruntons à des taux réels négatifs
lorsque l’on prend en compte le taux d’inflation.
Néanmoins, cela pourrait ne pas durer. Ce qu’il
s’est passé jusqu’à présent n’est plus
à l’image du fossé qui se creuse de plus en plus entre
notre économie et celle de pays qui, à défaut
d’être bien portants, sont moins mauvais que nous.
Car nous en sommes là. Au royaume des aveugles, les borgnes
sont rois. C’est cette triste réalité qui explique nos
taux d’emprunt actuels aussi faibles. Mais il ne faut pas s’y
tromper. Si les marchés pensent que nous devenons aveugles alors
évidemment ce sera l’hallali et haro sur notre dette. Nous en
prenons sans conteste le chemin.
Pour
Moody's, des réformes insuffisantes
L'agence de notation salue les réformes récemment
annoncées par le gouvernement, et son « fort
engagement » à les mettre en œuvre. Mais elle rappelle
que la France a rarement réussi à faire aboutir de telles
réformes ces vingt dernières années, et juge que les
mesures promises aux entreprises « ne devraient pas, seules, avoir
l'ampleur suffisante pour rétablir la
compétitivité ».
Encore une fois, nous sommes sur le mode du « trop peu et
beaucoup trop tard » pour inverser une tendance de fond
profondément négative.
Moody's cite aussi des « perspectives budgétaires
incertaines en raison de la dégradation »
économique. Pour elle, la capacité de la France à
résister à d'éventuels nouveaux chocs futurs de la zone
euro « diminue », et ce d'autant que son exposition aux
pays fragiles de l'Union monétaire, via les liens commerciaux ou
bancaires, « est beaucoup trop importante ».
Ces fragilités sont connues de tous ceux qui veulent bien
regarder froidement les faits.
Nous nous lançons dans une politique de rigueur qui fera
baisser les recettes fiscales et nous obligera à plus
d’austérité, nous faisant ainsi rentrer dans une spirale
déflationniste à la grecque.
Nous n’avons pas le premier euro des sommes que nous devons
verser dans des machins européens et qui se comptent en dizaine de
milliards d’euros supplémentaires.
Tout cela, nous le savons parfaitement. Moody’s ne fait donc
qu’une analyse globalement juste de la situation financière de
notre pays.
Vers la
saisie de l’épargne
Face à cette situation qui n’est pas non plus
ignorée de nos gouvernants, un certain nombre d’élus ou
de personnalités de premier plan ont lancé un appel dans le
dernier numéro du magazine L’Expansion
sur la renationalisation de la dette française.
L’idée est simple. Les Japonais sont endettés
à 250 % de dette sur PIB et les marchés ne les embêtent
pas vraiment. Pourquoi ? Pour une raison simple.
Plus de 95 % de la dette japonaise est détenue par les
épargnants japonais eux-mêmes.
Il faudrait donc que les Français (qui sont de gros
épargnants et qui détiennent plus de 1 350 milliards
d’euros d’épargne financière) rachètent
massivement nos obligations.
Or, il est certain que beaucoup d’épargnants ne
souhaiteront pas devenir détenteurs de plus d’obligations,
c’est-à-dire de dettes d’un État qui n’a
quasiment plus de perspectives pour rembourser ses créanciers.
On en arrivera alors logiquement à la
« réquisition » forcée de
l’épargne financière des ménages.
Ce sera la prochaine étape et l’on en voit
déjà les prémices.
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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