Ah, La France, ce petit pays sympathique coincé entre la Belgique et la Bretagne et qui fait assaut d’imagination pour vanter ses lieux touristiques et rappeler, dès qu’il le peut, quelle terre de progrès phénoménaux il est encore !
Eh oui, ne l’oubliez pas : il ne se passait pas une année en France, dans les années 70, 80 et 90 sans que le pays fournisse au reste du monde une démonstration éclatante de ses progrès technologiques, d’ailleurs médiatisés avec plus ou moins de bonheur.
Ainsi, Concorde, un des deux seuls avions commerciaux supersoniques jamais en exploitation, fut directement issu d’une volonté d’apporter cette possibilité de vol rapide dans un monde qui rétrécissait déjà à vue d’œil. Ainsi, l’introduction dans les années 80 de lignes de train permettant d’atteindre les 300 km/h aura permis au pays de rappeler à tous la maîtrise industrielle qui le caractérisait. Ainsi, le développement continu dans ces années de la filière nucléaire civile aura laissé au pays un héritage qui lui permet d’affronter encore calmement les hivers même rigoureux et parsemés de moulins à vent coûteux et inefficaces.
Je pourrais multiplier les exemples de la sorte, mais voilà : les années 2000 puis 2010 sont passées par là. A force de choix politiques si subtils que la population semble ne pas les avoir trop bien compris (à tel point qu’elle les entérine encore et encore avec obstination), le progrès qui était pourtant palpable il y a vingt ans semble difficile à se concrétiser de nos jours.
Le concorde n’existe plus : instantané aérien figé sur un monde où le pétrole était très bon marché, le progrès ne l’aura pas touché. Inadapté aux nouvelles contraintes économiques, écologiques et sécuritaires, cette évolution drastique des transports aériens qu’il symbolisait pourtant a été relégué à la casse.
Rassurez-vous : le TGV, heureusement, l’a fièrement remplacé et permet de relier Paris-Montparnasse à Rennes en moins de 9h… En outre, toute l’infrastructure ferroviaire française est une véritable démonstration que le progrès n’a jamais été aussi retentissant en matière de ponctualité et de fiabilité. Les derniers chassés-croisés estivaux ont amplement démontré que même un pays qui a vingt ans d’avance sur tous les autres peut se retrouver projeté cent ans en arrière lorsqu’il laisse pourrir ses équipements, ses méthodologies, ses techniques et sa mentalité.
En fait de progrès, là où, dans les années 70, 80 et 90, on nous vendait (et on nous vantait) TGV, autoroutes neuves, Concorde et Minitel révolutionnaire, les années 2000 puis 2010 ont laissé place à la déferlante de moyens de transports rigolos voire « paisibles » dans le langage des bobos éco-conscients.
C’est ainsi que, pendant que le train Inoui laisse surtout perplexe ceux qui ont tenté de l’utiliser, les Ouibus ont pris la relève de transports plus rapides. Avec, régulièrement, ces petits tracas qui font la marque réjouissante d’un « progrès » qui s’installe doucement. Le progrès ne fait aucun doute.
C’est ainsi que les vélos sont réapparus dans des villes qu’on croyait pourtant inadaptées à ce moyen de transport rudimentaire. Le succès des Vélibs et formules équivalentes dans les grandes villes du pays, habilement corrélé au pilonnage massif contre la voiture, permet à toute une nouvelle population de découvrir les joies de la pédale sous la pluie et des risques afférents en milieu urbain (sans même faire dans l’ironie sur les émissions dangereuses des bornes Vélib). Le progrès est évident.
C’est ainsi que les solutions de partage (privées, à la Blablacar, ou publiques, à la Autolib) se multiplient – au point de compter maintenant les trottinettes, avec des résultats financiers plus ou moins solides. Le progrès, par rapport à cette époque où l’accession à un véhicule personnel n’était pas un rêve absurde, semble absolument limpide, et moyennant une propagande information correctement distillée par le gouvernement, tout le monde louera les avantages évidents de ces progrès sociétaux.
En fait, tout se passe comme si la population du pays avait sciemment choisi d’abandonner sa capacité à rêver, à imaginer un futur où elle aurait un rôle majeur à jouer, pour se placer dans celui où elle se conterait de consommer (et encore, avec parcimonie). De votes en votes et de décisions municipales en textes de lois nationaux, cette population a fait semblant de choisir des progrès sociaux plutôt que technologiques, se camouflant à elle-même le fait, pourtant évident, que ce choix était essentiellement dicté par un appauvrissement économique assez clair.
Et avec cet abandon progressif de toute velléité d’un progrès palpable autre que purement social, on assiste à une lente défection dans le domaine de l’innovation technique. Alors que les années passées, la France pouvait s’enorgueillir d’inventer et de fournir au monde de réelles avancées, elle s’est progressivement laissée distancer par les autres pays, notamment européens, au point de ne même plus être dans le top 10 des nations innovantes (elle serait 15ème selon un classement du Fraunhoffer Institute).
Ces observations ne doivent guère au hasard.
En réalité, plusieurs phénomènes ont tous concouru à obtenir ce résultat peu enthousiasmant.
D’une part, une bonne partie des progrès tonitruants évoqués ci-dessus furent le fruit d’orientations politiques bien avant que des choix économiques réfléchis. Autrement dit, l’agenda politique des époques passées autorisait la mobilisation d’importants fonds publics pour réaliser des prouesses qui n’étaient finalement pas directement rentables. Et quand elles l’étaient (cas du Minitel par exemple), l’adaptation aux évolutions ne s’est pas faite sans retard.
D’autre part, si la France pouvait largement se permettre, au milieu et à la fin des Trente Glorieuses, de dépenser à perte dans des projets qui lui permirent, par la suite, d’entretenir une avance technologique et une maîtrise technique certaine, il en est rapidement allé autrement lorsque les déficits budgétaires de l’Etat se sont accumulés au point de former une dette maintenant à peu près impossible à rembourser. Autrement dit, si la France pouvait, au départ, se permettre quelques excentricités technologiques, sa situation économique actuelle la met durablement à l’écart de ce genre de possibilités.
De façon très claire, le modèle de société choisi pendant les 40 dernières années, qui a fait la part belle à la redistribution socialiste, à l’égalitarisme forcené et à un combat collectiviste à peine voilé contre les entreprises, les riches, la finance et les patrons, a directement asséché le capital disponible pour ces domaines de progrès pour ne plus laisser place qu’aux autres, les progrès sociétaux, bon marchés, qui rapportent politiquement et dont les coûts sont totalement invisibles économiquement.
Enfin, le discours politique s’adaptant à la donne économique favorable, la propagande gouvernementale aidant, les populations ont elles-mêmes progressivement revu leurs objectifs pour se contenter de buts modestes. Là où, jadis, envisager la Lune (ou Mars !) était possible, là où se lancer dans le spatial, les télécommunications ou les super-ordinateurs était une évidence, la génération française actuelle se contentera de viser trois repas équilibrés (mais ni trop sucrés, trop gras ou trop salés, hein), une syntonisation douillette avec Gaïa et des horaires de travail aussi proches que possible de ceux des administrations et de leurs 32H hebdomadaires… En 40 ans, on est passé du Concorde et du TGV au Ouibus et au Vélib, mais au moins peut-on attaquer en justice tout tweet offensant et réclamer des RTT à son patron.
En somme, en grévant le pays de dettes et en distribuant des droits par trouzaines industrielles, le socialisme a fait des Français un peuple d’assistés et a dilué le progrès dans des colifichets sociétaux totalement accessoires…
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