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Les banques centrales, sortes de
mammouths datant de l’ère collectiviste, radicalement
inadaptées à une économie authentiquement
libérale, non seulement portent l’entière
responsabilité de la Grande Crise monétaire du XXIe
siècle qui a commencé, mais encore en sont les principaux
vecteurs. Dans la double mesure où: 1/ elles n’ont aucune
capacité scientifique de déterminer la quantité de
monnaie dont une économie a réellement besoin, alors même
que c’est ce qu’elles ont la prétention de décider
en permanence, ce qui revient à stupidement « tenter de
mettre en ordre l’inconnu » selon les mots du prix Nobel
d’économie Friedrich von Hayek; 2/ elles se sont
elles-mêmes condamnées à pratiquer en toutes
circonstances des politiques monétaires ultra laxistes du fait de la
« dictature » qu’exercent les acteurs des marchés
financiers mondialisés évoluant hors de tout contrôle,
dont elles sont devenues les auxiliaires zélés. Comme les injections
massives de liquidités et les baisses de taux
d’intérêt artificielles décidées en
août et en septembre 2007 par Ben Bernanke, Jean-Claude Trichet, Mervyn
King and Co en sont la triste illustration. (p. 14-15)
Voilà en quelques phrases les
prémisses de cet essai de Pierre Leconte sur la crise
financière que nous vivons depuis l’été, qui est
sorti des presses il y a seulement deux mois. M. Leconte sait manifestement
de quoi il parle lorsqu’il traite de ces questions financières
et monétaires complexe. Il est économiste, fondateur d'une
société financière en Suisse, et a été
membre des bourses des marchés à terme de Londres et de New
York, puis conseiller d'une banque de développement et d'une banque
centrale sud-américaines.
Son analyse est
essentiellement la même que celle des économistes autrichiens.
On y retrouve des références à Mises, et même
à notre collaborateur André Dorais sur
les fluctuations du prix de l’or. Il décortique avec beaucoup de
détails les étapes de l’accumulation pyramidale de
crédit dont les banques centrales et les marchés financiers se
sont faits les spécialistes au cours des dernières
décennies. Et il tente d’éclairer ce qui arrivera au
cours des prochaines années, lorsque l’effondrement
inévitables des monnaies de papier étatiques fera place
à un autre système.
Les livres ou articles
en français sur l’actualité économique, d’un
point de vue autrichien, étant on ne peut plus rares, il faut saluer
cette contribution. Ceux qui s’intéressent de près
à cette question auront intérêt à se procurer ce
petit volume de 140 pages, qui se lit en une soirée. J’y ai
certainement approfondi ma compréhension du phénomène et
sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec grand-chose. Je
relèverai cependant quelques aspects agaçants du livre.
Pour appuyer sa
thèse très pessimiste, l’auteur sombre parfois dans les
prédictions apocalyptiques qui n’apportent rien de pertinent
à son analyse. Le livre se termine par exemple sur un scénario
où il évoque des émeutes, une prise de contrôle de
l’or par les gouvernements et la fin de la liberté politique. On
ne peut évidemment rien exclure de tout cela: Roosevelt a
confisqué tout l’or détenu par les Américains dans
les années 1930, et l’hyperinflation qui a sévi en
Allemagne a contribué à la chute de la République de
Weimar. Mais bon, la politique fiction ne fait pas très bon
ménage avec l’analyse financière, surtout
lorsqu’elle ne s’appuie sur rien de bien développé.
M. Leconte défend à
plusieurs reprises le « véritable libéralisme »,
mais vers la fin du livre, pendant quelques pages, il nous sert une
série de commentaires pro-interventionnisme étatique qui
tombent comme un cheveu dans la soupe.
D’abord, une
défense du protectionnisme dans certaines circonstances, typique de la
prétention technocratique à savoir quand il est justifié
d’utiliser le pouvoir de coercition de l’État pour
empêcher les gens de faire des échanges volontaires,
présumément pour le bien de la collectivité. Ensuite,
une prise de distance par rapport à « l’insistance
butée de certains libéraux sur certains principes massifs,
comme avant tout la règle du laissez-faire ». Mais
qu’est-ce qu’un véritable libéral, sinon un
partisan du laissez-faire? Puis l’auteur nous suggère
l’idée qu’être libéral, c’est
« non seulement veiller à la séparation des pouvoirs
et contrôler les dépenses de l’État, mais donner
à ce dernier les moyens de casser les monopoles, nationaux et
transnationaux ». Euh, non, c’est pas ça du tout! Les
seuls véritables monopoles sont des monopoles étatiques, les
États sont eux-mêmes de gigantesques monopoles à qui on
doit enlever des pouvoirs, pas en donner. Les lois antitrust ne sont
qu’une autre forme inutile et néfaste d’interventionnisme
étatique. Un véritable libéral, qui cite de surcroît
des auteurs autrichiens, devrait savoir cela.
M. Leconte
dénonce ensuite les inégalités de revenu croissantes
dans nos sociétés (qui sont pourtant une conséquence du
phénomène de manipulation monétaire qu’il
dénonce, comme je l’écrivais récemment sur Le Blogue du
QL) et propose une recette pour y remédier: « il faut
que les États avancées, d’abord, permettent
l’"égalité des chances", assurent la formation des
jeunes, prennent en charge les vieux, etc., etc., etc. » Merci
Monsieur Leconte pour ces excellentes suggestions, pas besoin d’ajouter
d’autres « etc. », les socialistes ont
déjà pensé à tout ça bien avant vous!
Enfin, sur la forme,
je dois dire que le livre manque de structure (on relit vers la fin des
explications similaires à ce qu’on a lu au début, sans
trop savoir où est le fil conducteur), et qu’un bon
éditeur aurait dû réécrire les nombreuses phrases
trop longues et compliquées, qui en rendent la lecture laborieuse.
Mais bon,
malgré ces quelques critiques, je le répète, le livre
propose une analyse de la crise très pertinente et vient combler une
petite partie du vide immense dans la compréhension de ce
phénomène au sein du public. Et pour cela, il mérite
certainement d’être lu.
Martin Masse
Le Quebecois Libre
Martin
Masse est né à Joliette en 1965. Il est diplômé de
l'Université McGill en science politique et en études
est-asiatiques. Il a lancé le cybermagazine libertarien Le Québécois Libre en
février 1998. Il a été directeur des publications
à l’Institut économique de Montréal de 2000
à 2007. Il a traduit en 2003 le best-seller international de Johan
Norberg, Plaidoyer pour la
mondialisation capitaliste, publié au Québec par
l'Institut économique de Montréal avec les Éditions
St-Martin et chez Plon en France.
Les vues présentées par l’auteur
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