Comme
si cela n’était pas déjà assez confus comme cela,
Standard & Poor’s s’est en quelque
sorte invité à la table des négociations avec le gouvernement
grec. Frank Gill, le directeur des notations d’Etat de l’agence
de notation a fait remarquer que « sachant que seule une petite
composante de la dette subira la décote, rien ne prouve qu’elle
se situera à des niveaux que nous continuerons de juger viables
».
Il
fait non seulement référence à l’absence de
l’accord des créanciers publics, mais également au fait
que les banques grecques – grandes détentrices de la dette du
pays – vont devoir être renflouées par les prêts de
l’Union européenne et du FMI des importantes pertes
qu’elles vont subir. Ce qui revient à substituer une dette
à une autre, allégeant l’endettement de manière
moindre qu’affiché. Conclusion : vu les perspectives récessives
de l’économie, la viabilité de ce second plan de
sauvetage n’en sort pas accréditée.
Au
terme de très longues négociations, les trois partis de la
coalition gouvernementale seraient parvenus à se mettre d’accord
à un seul point près pour avaliser un document d’une
cinquantaine de pages décrivant les engagements que vont devoir
prendre dans l’urgence le gouvernement et le parlement afin de
décrocher le prêt de 130 milliards d’euros en suspens. La
réduction des retraites complémentaire faisant encore obstacle
à un accord d’ensemble, deux semaines ont été
accordées par la Troïka afin de trouver d’autres
coupes pour un même montant de 300 millions d’euros.Un
accord aurait été trouvé (source: premier ministre
grec).
Les
mesures phares de ce nouveau plan ont fuité dans la presse grecque :
le SMIG serait baissé de 22%, les salaires des entreprises publiques
diminués, 15.000 emplois supprimés dans le secteur dans
l’année et des coupes à hauteur de 15% effectuées
dans les retraites complémentaires. Aucune mesure
concernant les avantages fiscaux des armateurs grecs, de l’église
orthodoxe et des grandes familles n’a été
divulguée. Sous couvert de la construction d’une Grèce moderne,
c’est la plus traditionnelle dont les intérêts sont
sauvegardés.
Michalis Chrissohoïdis,
le ministre grec de l’économie, vient de déclarer au Frankfurter Allgemeine Zeitung que « si nous
continuons à couper encore et toujours dans les revenus des gens, et
que nous amenons la Grèce de la récession à la
dépression, la question la plus grave à laquelle ce pays sera
confronté sera prochainement le maintien de la paix sociale ».
Les
deux grandes centrales syndicales viennent d’appeler à la
grève générale pour 48 heures, vendredi et samedi
prochains.
Pendant
que les ministres se retrouvent à Bruxelles, les créanciers
privés vont en faire autant aujourd’hui à Paris. Restent
en suspens là aussi quelques ajustements, qui pourraient impliquer la
BCE. Il serait question d’un échange entre celle-ci et le FESF,
afin que la banque centrale puisse se laver les mains du sort ensuite
réservé aux titres grecs qu’elle détient. Une
précaution d’autant plus nécessaire que le ministre
irlandais des finances s’apprêtait à frapper à la
porte de la BCE pour obtenir également une remise de peine. L’adoption
de clauses d’action collectives par le parlement grec reste encore une
incertitude.
Si
l’on en croit Standard & Poor’s,
ces négociations au finish dont l’aboutissement reste à
confirmer relèvent donc de la farce. La décote et les nouveaux
prêts ne font que repousser à plus tard le constat que la
situation de la Grèce n’est toujours pas viable. Avec
l’idée derrière la tête de ne le reconnaître
que lorsque l’Italie et l’Espagne seront
considérées hors de danger. Mais il y a un prix à payer
pour que ce calcul fonctionne, qui a par ailleurs valeur d’exemple dans
toute l’Europe : le désendettement va très lourdement
prioritairement reposer sur les épaules des salariés, le pays
étant par ailleurs condamné à la poursuite et
l’approfondissement d’une récession entamée depuis
cinq ans.
C’est
sous ces auspices que peuvent être dès maintenant jugées
les promesses – ou les silences – de ceux qui se refusent
à prendre à bras le corps la crise et prétendent, par
une voie ou par une autre, retrouver le chemin de la croissance pour
amoindrir la peine. « Ce sera dur ! », a déclaré Michel
Sapin qui pourrait prétendre en France au ministère de
l’économie et des finances, il va falloir clairement
préciser pour qui.
L’évolution
rapide de la situation espagnole préfigure les nouvelles embuches qui
se présentent et qui vont faire à nouveau obstacle à la
stratégie du déni. Luis de Guindos,
le ministre de l’économie, a lui aussi reconnu que cela allait
être « dur, très très dur
», mais il parlait du premier trimestre en cours de cette année,
sans même attendre. Celui-ci va être marqué par la poursuite
d’une croissance négative et une accentuation du
chômage dont le taux officiel avoisine déjà les 23%.
Le
problème de ce scénario, c’est qu’il se confirme
être répétitif d’un pays à un autre, et
qu’il est contagieux dans le contexte d’une zone européenne
au sein de laquelle les relations commerciales sont très
développées.
Une
autre image de la situation est fournie par les banques centrales. Que va
décider la Banque d’Angleterre qui se réunit
aujourd’hui ? Selon les commentateurs, elle devrait relancer son
programme de rachats d’actifs (assouplissement quantitatif), qui a
été lancé en 2009 et dans le cadre duquel une
première tranche de 200 milliards de livres avait été
épuisée il y un an. Quel effet peut en être attendu,
étant donné le résultat des opérations
précédentes ? La BCE entre également en réunion,
mais il n’en est pas attendu de décision spectaculaire, dans
l’attente de la seconde opération de prêt aux banques
à trois ans (LTRO) de la fin du mois destinée à
permettre aux banques de se refinancer et à autant que possible
stabiliser le marché obligataire.
Sollicitée
de partout, la croissance reste la grande absente. Sa nature et ses gisements
vont-ils finir par émerger dans les réflexions ?
Billet rédigé par Francois Leclerc
|