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Réunis
ce week-end à Mexico, les ministres des finances du G20 ont, à
défaut de décider d’un soutien financier au FMI,
envoyé un signal clair à leurs collègues
européens : « Finissez-en avec cette crise qui nous menace et
traîne en longueur, en employant les grands moyens ! ». Renvoyant
toute décision relative au renforcement des fonds du FMI afin de
soutenir l’Europe à la prochaine réunion
ministérielle d’avril prochain – l’assemblée
semestrielle du FMI et de la Banque mondiale s’ouvrira le 20 avril
– et à la constitution préalable d’un pare-feu
européen très renforcé qui fait débat.
Isolés,
les Allemands ont exprimé par la voix de Wolfgang Schäuble
leur conviction que « cela n’a aucun sens économique de
suivre les appels (…) à injecter de l’argent
indéfiniment dans les fonds de sauvetage ni de mettre en route la
planche à billets de la BCE ». Parallèlement, on a appris
le report de la décision de mettre en commun les moyens du FESF (fonds
européen de stabilité financière) et du MES
(mécanisme européen de stabilité), initialement
présentée comme pouvant être prise à
l’occasion du prochain sommet européen des 1er 2 mars
prochains. Les autres participants à la réunion se sont pour la
plupart reconnus dans la position opposée exprimée par Angel Gurría, le secrétaire général
de l’OCDE : « Pour être forts, nous devons avoir un
pare-feu épais, un pare-feu élevé, un pare-feu large, un
très grand pare-feu qui soit crédible ».
Tim
Geithner, le secrétaire d’État
au Trésor américain, a mis les points sur les « i »
en déclarant que « la meilleure manière de
procéder, si vous voulez résoudre une crise qui met en péril
votre économie et votre position budgétaire, c’est de
prendre l’engagement d’en faire plus que nécessaire
», tandis que Guido Mantega, le ministre
brésilien qui s’exprimait au nom du BRICS, n’y a pas mis
les mêmes formes : « les pays émergents ne vont aider
l’Europe qu’à condition qu’elle renforce son
pare-feu et fassent plus que ce qu’elle fait actuellement avec son
fonds de stabilité ». Ce même raisonnement a
été adopté par le FMI, qui a réduit au minimum sa
participation au plan de sauvetage de la Grèce, en attendant
d’en savoir plus à ce propos. Enfin, sur le même registre
mais en plus direct, George Osborne, le ministre britannique, a posé
comme préalable de « voir la couleur de l’argent de
l’Eurozone ».
Pour
finir, les débats auraient d’après les agences de presse
été occupés par la mise au point du communiqué
final et par le délicat choix entre « essentiel » ou
« important » pour qualifier l’accroissement des ressources
du FMI.
Cette
critique quasi unanime des Européens reflète la crainte que la
crise qu’ils ne maitrisent pas se poursuive sans fin et dérape,
affectant l’un des grands marchés mondiaux et par ricochet les
exportations de tous, Américains compris. Elle a aussi valeur de mise
en garde à propos de ce qui va suivre aux États-Unis.
Charles
Dallara, le directeur général de
l’Institute of International Finance, a en effet dit tout haut ce que
tous pensent tout bas : le retour de la crise de la dette américaine
est programmé, une fois le cap des élections
présidentielles passées, et c’est la grosse affaire
à venir. Il importe donc que la crise européenne soit
auparavant stabilisée, afin qu’elles ne soient pas
simultanées, car l’impact potentiel de la crise de la dette
américaine est énorme.
Les
pronostics économiques de la Fed ne sont pas brillants, celle-ci reste
d’ailleurs sur le qui-vive, prête à intervenir à
nouveau en cas de menace de récession et de déflation. Ce qui
réduit les marges de manœuvre du futur exécutif
américain qui ne va pas pouvoir toujours repousser
l’échéance de choix qui opposent les républicains
et les démocrates au Congrès à propos de la
manière de réduire la dette, et le paralysent. Ce n’est
pas seulement la classe politique qui va être placée
devant ses responsabilités, c’est la société
américaine qui va devoir se résoudre à voir mettre en
cause ses fondements pour changer, d’une manière ou d’une
autre.
L’Europe
est placée devant la mise en cause de l’État
providence, les États-Unis devant la fin inéluctable du
rêve américain. Voilà ce que la crise peut offrir pour
l’avenir.
Si
l’on se tourne vers l’Asie, le continent de tous les miracles
annoncés, l’existence d’une gigantesque bulle
financière et immobilière chinoise, qui peine à
être contrôlée, ainsi que le ralentissement de la
croissance, relativisent la contribution à la croissance mondiale qui
peut être escomptée de la Chine. Quant au Japon, désormais
troisième puissance économique mondiale après la Chine
et les États-Unis, il ne parvient toujours pas à sortir de sa trappe
à liquidité en dépit des crédits
affectés aux grands travaux de la reconstruction post-tsunami ; alors
qu’il va contradictoirement devoir prendre des dispositions afin de
réduire son déficit public prochainement, dans
l’obligation de financer sa dette sur le marché mondial et
d’en affronter les conséquences. Tout le camp occidental est à
un titre ou à un autre atteint par la crise de la dette.
Le
Bundestag devrait adopter demain lundi le deuxième plan de
sauvetage de la Grèce, avec comme argument essentiel que
c’est la moins mauvaise des solutions. Les responsables
politiques des partis de gouvernement, qui s’affirment comme tels et
affectionnent en temps normal de jouer les visionnaires, ne le sont
guère quand il s’agit de la crise de la dette et des moyens
d’en sortir.
Billet rédigé par
François Leclerc
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