L'année 2010 a emporté les dernières illusions d'une reprise forte et
durable (reprise en V). Le tassement de la croissance aux États-Unis, au
deuxième trimestre, a montré que celle-ci était due à l'augmentation de la
dépense publique et aux transferts sociaux.
Chaque état cherche donc à tirer parti, du seul relais de croissance qui
semble encore fonctionner : les exportations, en utilisant l'arme monétaire.
La stratégie chinoise : une attaque en règle contre le Japon
Celle-ci repose, en premier lieu, sur la substitution de ses produits aux
importations de produits technologiquement avancés en provenance des pays
riches.
La Chine entend tirer profit de la croissance de son marché intérieur
ainsi que de son gigantesque plan de relance et de la relance de crédit qui
devrait toutefois marquer le pas (risque de bulle financière et immobilière).
Mais elle entend surtout accaparer une partie significative du
« pactole du commerce international », qui devrait croître de 13,5
% en 2010, selon les prévisions de l’OMC.
En achetant de la dette japonaise, elle peut faire monter le yen par
rapport au dollar, ce qui aura pour effet de faire baisser le renminbi (la
monnaie du peuple), puisque celui-ci est défini par un rapport fixe vis à vis
du dollar. Il s’agit d’une sorte de dévaluation compétitive masquée.
La hausse du yen pose un sérieux problème au Japon. Cela risque de bloquer
le seul moteur de croissance encore valide : les exportations et de
l’enfermer dans une déflation sans fin. Le Japon est donc parti en guerre
contre « l’endeka », ce qui a amené sa Banque Centrale à intervenir
sur le marché des changes, le 15 septembre, afin d’enrayer la hausse de sa
devise.
La stratégie américaine : une attaque en règle contre la zone
euro
La stratégie américaine part d’un constat douloureux : l’échec de son plan
de relance mais aussi de la réduction de la dette américaine, à long terme,
détenue par les pays asiatiques (essentiellement la Chine) puisque celle-ci
est passée de 52 % à 48 %.
Malgré une injection de 4000 milliards de dollars dans l’économie
américaine, celle-ci n’a pu engendrer qu’une croissance d’environ 200
milliards de dollars. En outre, la réduction de la dépense publique au
premier trimestre a eu pour effet un tassement de la croissance au second
trimestre.
La seule stratégie, qui permette de tenir compte de l’ensemble de ces
contraintes, consiste à laisser filer le dollar. La Fed a donc provoqué - par
des canaux
détournés - la baisse du dollar : elle a annoncé, mardi dernier, qu’elle
était prête à prendre toutes mesures d’assouplissement nécessaires afin de
stimuler la croissance. En clair, il s’agit de faire tourner la planche à
billet afin de racheter des obligations d’états à maturité longue (quantitative
easing), ce qui lui permettra de financer des mesures de relance éventuelle
afin de lutter contre une possible déflation et de remplacer les
investisseurs étrangers défaillants.
Les investisseurs anticipent donc une chute du dollar et préfèrent miser
sur l’euro.
L’administration obama compte, par ce biais, doper ses exportations, mais
aussi faire augmenter l’inflation grâce à l’augmentation du prix de ses
importations.
Elle a, en outre, décidé de prendre des mesures contre la Chine. Une nouvelle
étape a été franchie : la chambre des représentants a voté une loi qui permet
de prendre des sanctions commerciales contre la Chine, en assimilant la
sous-évaluation de la monnaie à une subvention déguisée. Les Américains
estiment, en effet, que le renembi est sous-évaluée de 20 à 40 %.
L'utilisation de l'arme monétaire par les États-Unis et la Chine semble
déboucher sur un scénario de guerre économique.
Un scénario de guerre économique ? : Qui va s'emparer du
pactole du commerce international ?
Dans ce cadre, on peut se poser la question du sérieux de la demande
américaine : demander aux chinois de réévaluer leur monnaie de 20 à 40 %,
a-t-il un sens? .
Le Premier ministre chinois, Wen Jibao, a répondu à cette question, en
expliquant : « Si le renmimbi s’apprécie de 20 à 40 %, comme le demande
le gouvernement américain, nous ne savons pas combien d’entreprises chinoises
feront faillite, (....), il y aura des troubles importants dans la société
chinoise ».
En premier lieu, les Américains ont un modèle de croissance basé sur la
consommation (70 % du PIB), ils ne peuvent relancer la croissance qu’en
prenant de nouvelles mesures de relance. Les exportations ne peuvent être
qu’un moteur accessoire.
En outre, les États-Unis est un pays largement désindustrialisé, qui n’a
pas la structure industrielle pour tirer pleinement profit de la croissance
du commerce internationale (pays émergents) : ils sont plus un exportateur de
bons du trésor et de produits financiers titrisés qu’un exportateur de
produits industriels à forte valeur ajoutée.
La conséquence de la politique américaine et chinoise, c’est de faire
jouer à l’euro et au yen le rôle de soupape de sécurité en les tirant vers le
haut. Autrement dit les États-Unis et la Chine ont déclaré la guerre économique
à la zone euro et au Japon.
Les États-Unis et la Chine entendent mettre la main sur le pactole du
commerce internationale : la Chine en prenant des parts de marché au Japon et
à l’Allemagne sur les produits à forte valeur ajoutée, une partie du surplus
ainsi généré sera utilisé afin de financer la dette publique américaine.
N’oublions pas que la politique de quantitative easing envisagé, par la
FED, a surtout pour objet de remplacer les investisseurs étrangers
défaillants (à long terme).
Si la Chine refusait à l’avenir de financer la dette américaine (notamment
à long terme), les États-Unis pourraient lui imposer une double sanction : en
faisant baisser la valeur des réserves de change chinoises investies en bons
du trésor et en leur appliquant des sanctions commerciales (l'Europe et le
Japon pourraient les imiter).
En conclusion, à court terme, l'euro et le yen devrait
s'apprécier vis à vis du dollar.
Quant à la paire Euro / Jpy (yen), on peut parier sur la hausse de l'euro.
Le scénario de guerre économique que j'évoque, plus haut, n'est cohérent
qu'a moyen terme, car à long terme les intérêts de la Chine et des États-Unis
sont divergents.
A long terme les États-Unis ont intérêt à se ré-industrialiser, en
s'appuyant sur le réchauffement climatique et l'économie verte, ce qui leur
permettra d’offrir des emplois qualifiés à la classe moyenne et de développer
des services à forte valeur ajoutée.
La guerre économique actuelle (à moyen terme) qui oppose les États-Unis et
la Chine à la zone euro et au japon, n’est que le préalable, de la guerre
économique (à long terme) qui va opposer les États-Unis et la Chine : un saut
dans l’inconnu.
Nous rentrons dans une période d’affrontement économique qui se traduiront
par des désordres monétaires : les dévaluations compétitives entraînant des
mesures protectionnistes (schéma bien connu lors de la crise de 1929), ce
qui, à terme, aura pour conséquence de contracter le commerce international.
La seule manière d’étendre son empire économique passe, alors, par la guerre.