Quand
la ronde devant les micros et les caméras n’a pas encore repris
et que celle des rencontres et sommets reste à venir, vers où
et quoi se tourner pour saisir le temps qu’il fait ?
Dans
l’attente de l’éventuelle dégradation de la note
française – dont la menace continue de planer – et du taux
consenti à l’occasion des nouvelles émissions
obligataires publiques, ce sont les banques qui continuent de donner bien du
souci. Un nouveau record a été enregistré pour leurs
dépôts nocturnes dans les coffres de la BCE, démentant
ceux qui pensaient que leur montant allait progressivement diminuer et
qu’elles allaient investir. Le système bancaire est comme
figé : après avoir vu engrangé par précaution près
de 500 milliards d’euros de liquidités, il se place sans
investir dans une situation d’attente afin de refinancer
ultérieurement ses propres opérations.
Parallèlement,
une discrète disposition de la BCE a ces derniers temps
été parallèlement mise à contribution, pour un
niveau avoisinant les 15 milliards d’euros : les marginal lending facilities (les
facilités de prêts marginales, dits aussi d’urgence). Ces
prêts sont consentis aux banques quand elles font face à des
difficultés imprévues, ou leur servent plus prosaïquement
à habiller leur bilan en fin de trimestre ou d’année.
Plus onéreux, car consentis à un taux de 1,75%, ils ne sont
généralement utilisés qu’à très
court terme ; mais s’ils devaient se prolonger, ce serait le signal
d’un gros problème, enfoui quelque part au sein de l’Eurozone…
Autre
facette de la disette de capitaux, la BCE vient d’accorder 31 milliards
de prêts en dollars afin de permettre à des banques non
identifiées de refinancer leurs opérations en dollars, leurs
emprunts dans cette monnaie arrivant à échéance et les
fonds monétaires américains n’étant pas revenus
sur le marché à leur hauteur habituelle.
Plusieurs
mégabanques – dont UBS, Lloyds et ING
– se sont parallèlement engagées dans des
émissions d’obligations structurées (garanties par des
actifs), ou ont annoncé y procéder. Les analystes attendent
leur résultat, étant déjà acquis que les
émissions de dette senior non sécurisée – en temps
normal affectionnées – ne trouveraient pas preneur par les temps
qui courent.
Signe
que les temps sont difficiles, certains préconisent de redonner sa
chance à la titrisation, arguant qu’elle pourrait trouver
une seconde jeunesse en dépit du mauvais souvenir qu’elle a
laissé (et des pertes massives qu’elle a procurées).
Opposant les dérives américaines sur le marché
hypothécaire qu’elles ont occasionné à la bonne
conduite supposée des banques européennes, lorsqu’elles
utilisaient ces instruments financiers. Ces mêmes bonnes âmes
font valoir que la réglementation a changé et que ces produits
doivent être mieux documentés, que les investisseurs sont
avertis, et enfin que les banques doivent maintenant conserver une partie des
titres qu’elle émettent, sans pouvoir
totalement évacuer le risque comme elles prétendaient
auparavant le faire. Les marchés entendront-ils cette chanson ?
La frilosité extrême dont les banques font preuve entre elles
incite à la circonspection…
Désormais
suspectées, enjointes d’augmenter leurs fonds propres par les
autorités régulatrices, coupables d’avoir trop
répété qu’elles étaient en excellente
santé, les banques sont entrées dans la sarabande pour y
rejoindre les États.
Additionnés,
les besoins de refinancement des États et du système bancaire
européen représentent cette année un très gros
morceau à avaler, incitant les investisseurs à augmenter leurs
taux d’intérêt, déséquilibrant les budgets
des uns et les bilans des autres. Ce danger avait été
anticipé, expliquant les délais très courts dans lesquels
les États étaient enjoints de réduire leur endettement
(et leurs besoins de refinancement), mais cela n’a pas
fonctionné comme espéré… Le désendettement
ne peut pas se conduire à un tel rythme, il va falloir en convenir,
mais ce n’est pas sans conséquences pour les banques.
La
BCE a du intervenir, et va à nouveau le
faire fin février, afin de donner un relais financier aux banques.
Mais le soutien dont les États ont besoin pour simplement rouler dans
des conditions supportables leur dette continue de faire défaut.
Induisant une interrogation qui va prendre de l’ampleur à propos
de sa soutenabilité et de l’éventualité de
la restructurer.
Les
prêts de la BCE aux banques sont désormais à trois ans,
une échéance donnant un délai supplémentaire pour
qu’entretemps intervienne la remise en ordre des finances publiques, et
que le terrain soit dégagé pour elles.
Encore un nouveau pari mal placé ! Faudra-t-il se résigner,
dans trois ans, à renouveler cette opération et
accréditer ainsi l’idée que le système bancaire
privé est pour une période indéfinie sous assistance
publique ? Ce sera un fâcheux paradoxe pour les tenants de la poursuite
de la libéralisation.
Un
tel calendrier n’est pas tenable, car la spirale descendante dans
laquelle l’économie européenne se trouve va
réclamer avant cette échéance que des mesures soient
prises en faveur du roulement la dette publique et de la poursuite de sa
restructuration entamée pour la Grèce, au risque sinon
d’événements imprévisibles.
Trois
événements auront marqué la journée qui ensemble
illustrent parfaitement la situation:
1/
Pour se recapitaliser, la première banque italienne Unicrédit aura du
consentir une décote de 43% sur la valeur de ses actions.
2/
Afin de rembourser la Deutsche Bank d’un prêt de 125 millions
d’euros arrivant à échéance, la région
espagnole de Valence a du faire appel à la
garantie du Trésor espagnol afin de trouver un prêt relais.
3/
L’Allemagne a placé avec succès une émission
obligataire à 10 ans, mais l’opération a attiré
5,14 milliards d’euros d’offres, soit à peine plus que son
objectif de 5 milliards d’euros.
Billet rédigé par
François Leclerc
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