Il ne fait
aucun doute que la rapide expansion de la dette libellée en dollars et de la
masse monétaire survenue depuis la crise financière nous mèneront droit vers
une crise des devises.
Nous
ne savons simplement pas quand. Et le dollar n’est pas le seul dans son cas.
Toutes les devises papier majeures ont vu leur masse monétaire gonfler ces
dernières années. Puisque le dollar est la devise de réserve du monde, les
autres devises suivent son exemple. Jusqu’à ce que se développe un évènement
cataclysmique, les devises se comporteront de manière inattendue, parfois
même irrationnelle. Les bases fondamentales ne s’annoncent pas bonnes au
Japon, et pourtant, le yen demeure la plus forte des quatre devises majeures.
La zone euro risque de traverser un effondrement systémique, bouleversée par
les vents politiques et financiers. Et pourtant, le taux de change de l’euro
semble ne pas réagir à ces incertitudes. L’économie britannique est plus
puissante, bien que la livre sterling soit la plus faible des quatre devises
majeures.
Les
taux de change actuels sont la preuve que la subjectivité l’emporte sur la
pensée macroéconomique. Extraordinary
Popular Delusions and the Madness of Crowds, de Mackay, l’emporte
toujours sur les modèles informatiques. Toute tentative officielle d’établir
un taux de change en dollars doit répondre à deux questions : quelle est
la valeur du dollar par rapport aux autres devises, et quel est son pouvoir
d’achat en termes de biens et services ?
Le
graphique ci-dessous indique comment le dollar s’est comporté contre les
autres devises au cours e ces cinq dernières années, sur une base pondérée
par les échanges et sur une base prédéfinie par les devises (DXY) :
Nous
devrions noter ici que le dollar a gagné de la valeur sur ces deux bases,
avec environ 18% depuis 2014. Sur la même période, le yuan chinois a chuté de
12% contre le dollar, et a légèrement augmenté contre le panier du DXY, et
notamment contre son composant euro, avec une hausse de 12% depuis 2014. Cela
importe beaucoup, parce que le yuan n’a pas été dévalué, comme nous le
répètent souvent les analystes. Il est resté relativement stable au fil du
temps contre un panier de devises. Il a été faible contre le dollar et le
yen, mais assez fort contre l’euro et la livre sterling.
Nous
devrions adopter le point de vue du FOMC sur la question. Les Etats-Unis
enregistrent un déficit commercial record avec la Chine, et les seules
économies majeures auprès desquelles les termes commerciaux de la Chine se
sont améliorés sont les Etats-Unis et le Japon. Ainsi, la Fed se doit d’être
très attentive au taux de change du dollar contre le yuan chinois. En plus de
cela, à deux reprises, la Fed a signalé qu’elle allait faire grimper les taux
des fonds fédéraux avant de reculer après l’annonce d’une baisse par la Chine
du taux auquel le yuan avait été rattaché au dollar. Les dévaluations de la
devise chinoise contre le dollar sont évidemment une préoccupation majeure
pour la Fed.
La
situation peut être mieux comprise une fois la position de la Banque
populaire de Chine prise en considération. La banque a vendu des bons du
Trésor américain en de grosses quantités pour accumuler du pétrole et des
matières premières, bien qu’elle se soit aussi tournée vers les obligations
japonaises. Les dollars de la Chine ont été accueillis à bras ouverts par les
marchés, qui manquent de collatéral de qualité et de devises. En revanche,
les réserves de dollars vendues par la Chine n’ont pas empêché la hausse du
dollar contre le yuan. Et la Chine n’est pas le seul pays asiatique à vendre
du papier américain. La demande des joueurs internationaux est immense,
suffisamment immense pour déterminer la direction du taux de change du
dollar.
C’est
une situation qui est aujourd’hui exploitée par la Banque populaire de Chine,
qui est en position de dicter des politiques à la Fed en ajustant le taux
auquel elle est prête à fournir des dollars sur le marché. Tant que le dollar
demeure fondamentalement fort, elle n’a qu’à ralentir le rythme de ses ventes
pour que le dollar grimpe et que les projets de hausse des taux d’intérêt de
la Fed repoussés à plus tard. C’est quelque chose que les analystes
occidentaux ont peine à comprendre. Ils pensent, à tort, que la Chine est
forcée de défendre un yuan en déclin. Rien ne pourrait être plus dénué de
réalité. Il sera intéressant de voir ce qui se passera suite à la réunion du
FOMC du mois de décembre.
Ce
qui influence grandement les décisions politiques de la Chine en termes de
taux de change est l’avenir de l’euro. La zone euro représente un marché
aussi vaste que les Etats-Unis, et est rendue plus importante encore par sa
frontière commune avec l’Asie. Il ne fait aucun doute que la Chine pense se
rapprocher de l’Europe plutôt que des Etats-Unis sur le long terme, malgré
les problèmes actuels de la région. C’est une situation qui est d’une
importance stratégique. L’économie européenne devra un jour être sauvée, et
représente une grande opportunité pour l’intervention chinoise.
C’est
un projet de long terme, qui devient de plus en plus valide à mesure que la
zone euro creuse son trou. Une désintégration de l’Union européenne pourrait
aussi bénéficier aux ambitions chinoises. Sur le court terme, l’euro a brisé
une tendance cruciale contre le dollar, et a complété une formation en tête
et épaules pour arriver aux alentours d’1,0600 – le record à la baisse de
mars et novembre 2015. Voici mon second graphique :
Ni
la Banque populaire de Chine ni la Fed n’ont besoin d’experts pour comprendre
ce qui se passe. Brexit a été une mauvaise nouvelle pour l’euro, parce qu’il
est désormais certain que des difficultés surgiront en Europe sur le plan
politique comme sur le plan financier. L’économie italienne implose, et son
programme de prêts non-performants représente désormais 40% du PIB du secteur
privé.
La
Chine peut donc positionner son yuan entre un euro en dévaluation et un
dollar en hausse. La Fed perçoit la faiblesse de l’euro comme le signe d’une
déflation monétaire aux Etats-Unis, et une perte de compétitivité pour les
producteurs de son pays. Les exportateurs chinois sont les bénéficiaires de
la situation, c’est pourquoi la Chine sera blâmée pour ses manipulations des
taux de change.
La
Chine se moque peut-être plus que jamais des conséquences de long terme de
ses actions pour l’économie américaine. La Chine a vendu ses bons du Trésor
et réduit son exposition au dollar pour accumuler des matières premières et
du pétrole. Elle cherche à garder sur pieds ses entreprises surendettées en
maintenant un taux de change favorable avec le dollar, notamment face à ce
que devient aujourd’hui la zone euro. Et la Fed ne peut rien y faire.
L’or et les
matières premières
Le
principal déterminant du prix de l’or est le potentiel de voir l’inflation
monétaire se transformer en une inflation des prix, et de voir les banques
centrales faire grimper les taux d’intérêt face à cette menace afin de
pouvoir contrôler l’équilibre des préférences des consommateurs entre la
monnaie et les biens.
Nous
mesurons bien entendu le prix de l’or en dollars. Ce dernier est la devise de
réserve qui règne sur toutes les autres. Mais comme nous l’avons vu plus
haut, il y a deux choses à prendre en considération. La
première est la valeur du dollar contre celles des autres devises, et
la deuxième est la valeur du dollar contre un panier de devises. Nous
devrions noter que sur le long terme, les prix des matières premières mesurés
en termes d’or sont considérablement plus stables que lorsqu’ils sont mesurés
en devises fiduciaires.
La
Chine s’est comportée comme si elle était consciente des attributs de l’or et
semble avoir établi une politique délibérée pour prendre le dessus sur le
marché du métal physique. C’est très différent de la domination des
Etats-Unis sur les marchés de l’or papier. Non seulement la Chine a investi
sur des mines d’or non-profitables pour devenir le plus gros producteur d’or
mondial avec 450 tonnes annuellement, l’Etat chinois monopolise les capacités
de raffinerie du pays. La Chine importe aussi du doré depuis l’étranger afin
de le raffiner sur son territoire, et a sans doute accumulé depuis 1983 des
quantités substantielles de métal physique qui ne sont pas comptabilisées
dans ses réserves officielles. Elle est aussi le seul pays à avoir encouragé
l’achat d’or auprès de sa population, au travers de la télévision et des
médias. Au cours de ces trente dernières années, le gouvernement chinois a
fait une tentative crédible de prendre le dessus sur le marché de l’or
physique et de protéger ses citoyens.
La
Chine ne manipule pas le prix de l’or. Comme je l’ai dit plus haut, elle
manipule le dollar en régulant le taux de change et en décourageant la Fed de
rehausser ses taux d’intérêt. C’est un jeu d’équilibre temporaire qui se
poursuivra tant que les banques et leurs emprunteurs surendettés continueront
de chercher à se procurer des dollars, et la Chine le sait. Pour l’heure, la
Fed semble impuissante quant aux conséquences économiques de la gestion
monétaire de la Chine. Pire encore, l’euro aujourd’hui très faible, qui
représente 57% du DXY, menace de forcer l’indice plus haut encore. La
conséquence inévitable en sera que les politiques monétaires ne pourront plus
répondre aux inflations de prix futures, ce qui nous garantit une hausse du
prix de l’or dès 2017.
C’est
pourquoi, malgré ce qu’espèrent les Américains, l’or demeure au cœur du
système financier. Il est central à l’économie parce que c’est ce que
souhaite la Chine, mais aussi parce qu’il sert la Chine de monnaie ultime à
des fins commerciales.
La
Chine a certainement assez d’or pour compenser les pertes encourues par ses
réserves au travers de la destruction du dollar et des autres devises
fiduciaires. Elle vend délibérément des dollars, tant qu’elle le peut encore.
Les économistes communistes chinois ont grandi en apprenant que le capitalisme
est autodestructeur. Pour eux, il n’en existe pas de preuve plus évidente que
les performances de l’économie américaine et du dollar, et ils ne souhaitent
pas se laisser prendre dans cet effondrement. Comprenez cela, et vous
comprendrez tout le reste.
Bien
que le rôle futur de l’or n’ait pas encore été déterminé par la Chine ou par
les marchés, il peut déjà être perçu comme l’assurance ultime contre
l’effondrement des devises fiduciaires du monde.