La "théorie de la valeur" a été au départ de l'économie
politique.
Et la notion de "valeur" a séparé l'économie politique des
autres sciences.
Les autres sciences sont "welt freiheit", c'est-à-dire ignorent
la notion de "valeur" en supposant que le monde est libre ...
Mais, depuis le XVIIIème siècle au moins, le langage courant a transformé
la définition du mot "valeur" et lui a juxtaposé des définitions
qui sont jugées synonymes et ne le sont pas ...
Une définition n'a d'ailleurs pas succédé à une autre, mais les
définitions se sont entremêlées au fur et à mesure qu'elles étaient
introduites, sans raison.
Bref, le mot "valeur" a été perverti, dévoyé, déformé,
dénaturé en recevant une multitude de définitions censées l'illustrer.
Cela explique rétrospectivement la situation dans quoi la
"valeur" se trouve prise aujourd'hui en économie politique, jusque
dans les confins où la plonge la notion de "valeur ajoutée"
introduite récemment, en France, dans la décennie 1950 par des
statisticiens de la comptabilité nationale et qui n'a aucune sens en économie
politique.
Il s'ensuit qu'aujourd'hui, l'économie politique cache, en principe, des
définitions du mot "valeur" très différentes les unes des autres
qui contribuent à des débats de sourds qui la chapeautent.
Voici une typologie en quinze points, pour fixer les idées, sur la notion
de "valeur", de la plus ancienne à la plus récente qui se font la
courte échelle...
Cette typologie est bien évidemment en aval de l'alternative
fondamentale, seule valable en économie politique, du "bien"
et du "mal", curieusement oubliée par les auteurs, quand ceux-ci
prennent le mot "bien", sans le dire, pour synonymes de chose,
de richesse, d'objet, de service, de marchandise, etc. ...
1. Valeur et chose.
« Valeur » est d’abord le nom donné à toute chose, élément de la
réalité, qui a été cernée par l’intelligence de la personne dès lors que
celle-là en recevait une, de sa part.
La "valeur" est nécessairement subjective.
L'objectivité, chère à des gens tel Jacques
Monod, ne saurait l'affecter.
. Valeur et mesure.
Soit dit en passant, il convient de distinguer, d'un
côté, la question de la "valeur" donnée à la chose ou à
l'acte humain, éléments de la réalité, par la personne et, de
l'autre, celle de sa "mesure".
Evaluer une chose ou un acte humain n'est pas la mesurer.
On donne une valeur à la chose ou à l'acte humain, on ne la mesure pas
nécessairement, physiquement ou autrement.
Simultanément, on peut lui donner une dénomination.
On peut aussi la mesurer au moyen d'un instrument de physique ou de chimie
ou de toute autre science, et ne pas lui donner de valeur.
. Sans valeur ou de valeur nulle.
Il convient de ne pas confondre, non plus, d'un côté, quelque chose à quoi
on n'a pas donné de valeur - elle est alors dite "sans valeur"
- et, de l'autre, quelque chose à quoi on a donné une "valeur
nulle", de valeur égale à "zéro"...
Algébriquement, dans les deux cas, la chose n'apparaît pas dans les
résultats du raisonnement sur quoi est mis l'accent.
Tout se passe comme si elle avait disparu.
2. Valeur et objet.
« Valeur » est ensuite le nom donné à tout objet, élément matériel ou
corporel de la chose, qui a été cerné par l’intelligence de la personne dès
lors que celle-là en recevait une, de sa part.
Le nom donné ne doit pas être confondu avec la dénomination qu'on peut
aussi lui donner.
Au nombre des objets dénommés, il y a, par exemple, le capital ou la monnaie
… et les "valeurs" respectives, "valeur capital" et
"valeur monnaie"... chers à certains économistes (cf. en
particulier, sur la monnaie, Carl Menger,"La
monnaie, mesure de valeur", Revue d’économie politique,
Vol. VI (1892) - écrit en français -)
3. Valeur et service.
« Valeur » est encore le nom donné à tout service, autre élément de la
chose, mais diamétralement opposé au précédent (incorporel et non pas
corporel, immatérielle et non pas matérielle), qui a été cerné par
l’intelligence de la personne dès lors que celle-là en recevait une, de sa
part.
Au nombre des services dénommés, il y a le travail … et la fameuse
"valeur travail" chers à certains économistes...
4. Valeur et utilité ou ophélimité.
« Valeur » est le nom donné à toute utilité ou ophélimité, notion de
théorie économique, d'une chose, objet ou service, qui a été cernée par
l’intelligence de la personne dès lors que ... (cf. Say, 1815 et ce texte de novembre
2015) :
"Comment donne-t-on de la
valeur à un objet ?
En lui donnant une utilité qu’il n’avait pas." (Say, op.cit.,
p. 10)
5. Valeur et quantité.
« Valeur » est le nom donné à toute quantité (ou nombre) de chose qui a
été mesurée par l’intelligence de la personne dès lors que...
C'est ainsi que, pour l'économiste, quoique différents,
"utilité" et "quantité" devraient renvoyer l'un à
l'autre.
S'agissant de la mesure des services en quantité ou nombre, là encore
dénommés, il y a la quantité de travail … - et la fameuse "valeur
travail"...- ou le nombre d'emploi...
Mais comment est mesurée une quantité de travail ? un nombre d'emploi
?
La notion de "quantité de travail" a été réduite, sans raison,
par des économistes ou des sociologues depuis le XVIIIème siècle, au
"temps", à la "durée", au "durable"… mesuré par
le physicien ou le statisticien et les instruments de celui-ci.
Elle n'est jamais une évaluation de sa réalité par la personne qui
lui soit propre.
A défaut, la notion de "nombre d'emplois" est venue suppléer, au
XXème siècle, aux absurdités de la notion de "quantité de
travail" face au mur où celle-ci se trouvait.
6. Valeur et marchandise.
« Valeur » est le nom donné à toute marchandise – chose échangée ou
échangeable par les gens - qui a été cernée par l’intelligence de la personne
dès lors que...
Fondamentalement, et malgré ce qu'en disent certains économistes (service
en tant que produit ou consommé), tout service est une marchandise et
l'évaluation de la quantité de service soulève un double problème le plus
souvent mis de côté:
- en tant que service,
- en tant que marchandise.
Dans la même perspective, « valeur » est aussi le nom donné à toute
utilité (ou ophélimité) d'une (quantité ou nombre de) chose, objet ou
service, ou marchandise … qui a été cernée par l’intelligence de
la personne dès lors que ...
7. Valeur et rapport/taux.
« Valeur » est le nom donné à tout rapport ou taux de deux (quantités ou
nombres de) choses, objet ou services, ou marchandises mené par au moins
deux personnes dès lors que ...
On peut aussi parler de la "quantité unitaire" d'une chose ou
marchandise dans une autre.
8. Valeur et prix.
a. Prix relatif.
« Valeur » est le nom donné à tout rapport ou taux d'une (quantité ou
nombre de) marchandise dans une autre par au moins deux personnes dès lors
que le taux d’échange convenu est cerné ...
Au lieu de "valeur", il est surtout question de sa
dénomination "prix relatif".
b. Prix en monnaie.
« Valeur » est le nom donné à tout rapport ou taux d'une (quantité ou
nombre de) marchandise en monnaie par au moins deux personnes dès lors que le
taux d’échange convenu est cerné ...
Au lieu de "valeur", il est question, dans le domaine courant,
de sa dénomination "prix en monnaie".
Le "prix en monnaie" d'une marchandise n'est jamais qu'une façon
de parler aussi de sa "quantité de monnaie unitaire", de la monnaie
dont elle est l'équivalent.
En relation avec le "travail", le "prix en monnaie"
est dénommé "salaire".
9. Valeur et utilité/ophélimité, marginale ou élémentaire.
« Valeur » est tout nom donné à une utilité (ou ophélimité), élémentaire
ou marginale de (quantité ou nombre de) chose ou marchandise par une
personne dès lors que ...
« Valeur » est aussi le nom donné à tout rapport ou taux de deux utilités
(ou ophélimités), élémentaires ou marginales, de (quantités ou nombres de)
choses par au moins deux personnes dès lors que ...
Si ce taux ou rapport d'utilités/ophélimités porte sur des marchandises, le
taux ou rapport convenu peut être encore dénommé … "prix relatif".
S'il fait intervenir des marchandises et de la monnaie, le taux ou rapport
convenu peut être encore dénommé … "prix en monnaie".
10. Valeur et acte.
« Valeur » est le nom donné à tout acte, élément de la réalité, mené par
la personne dès lors que celui-là en recevait une de sa part....
11. Valeur et profit.
« Valeur » est le nom donné à tout profit en monnaie d’un acte mené par la
personne dès lors que...
Il peut être mesuré par les règles de la comptabilité en droits constatés
et en double compte.
Le plus souvent, il est identifié à un bénéfice et situe donc ex post.
Le "compromis marshallien", selon l'expression de François Guillaumat (2001,
cf. en particulier p.54), lui a donné le coup de grâce.
12. Valeur et coût.
« Valeur » est le nom donné à tout coût en monnaie d’un acte mené par la
personne dès lors que ...
Comme le profit, il peut être mesuré à partir des règles de la comptabilité
en droits constatés et en double compte.
Aidé par le profit, le coût de l’acte d’échange ne doit pas faire oublier
l'analyse "coût-bénéfice" ou "avantages-inconvénients"
cher à certains économistes.
Le coût de l'acte d'échange recouvre, en particulier, le coût de la
monnaie.
Le coût de la monnaie est une autre façon de parler des éléments de la
production de monnaie.
13. Valeur et perte.
« Valeur » est le nom donné à toute perte d’un acte supporté par une
personne dès lors que ...
Récemment, le "compte de pertes et profits" a été supprimé des
règles de la comptabilité générale des échanges par le législateur, sans
raison justifiable sinon celles ... qu'il n'a pas su donner.
Malgré tout, des économistes ont continué à opposer le profit au salaire,
confondant ainsi deux définitions différentes de la "valeur"
(exemplaire est ce rapport
de l'I.N.S.E.E. de 2009).
14. Valeur et amoindrissement du coût.
"Valeur" est rarement le nom donné à l'amoindrissement du coût
de l'acte qu'observe la personne.
L’amoindrissement du coût de l’acte d'échange est pourtant un service, et,
à ce titre, une "valeur".
Dans ce cas, il s'avère que le service est un des éléments non seulement
du produit de la monnaie mais encore d’une institution/organisation où ce
qu'on dénomme "monnaie" s'est moulé.
L’institution ou la monnaie cachent, chacun pour sa part, un coût
d'existence ou de fonctionnement …
15. Valeur ajoutée.
En dépit de son qualificatif qui donne l'impression de la préciser, la
"valeur
ajoutée" n'a rien à voir avec la notion de "valeur".
Elle témoigne de l'ignorance en économie politique de ceux qui ont
créée l'expression, à défaut d'évoquer des pensées plus noires.
16. Un dernier mot.
Cette typologie des définitions du mot "valeur" explique
pourquoi les économistes ne sont pas d'accord entre eux sur ce qu'ils
avancent à propos de leur sujet et pourquoi le développement de l'économie
politique n'est pas ce qu'il devrait être ...
Ces deux faits résultent du télescopage de ce que cachent les définitions
du mot "valeur" et de l'accent mis sur telle ou telle.
En profitent les ignorants de tout poil qui affirment que l'économie
politique n'est pas une science et qui n'hésitent pas à augmenter l'absurdité
de ce qu'ils pérorent au télescopage précédent ...