La théorie du cygne noir est utilisée par Nassim
Nicholas Taleb pour expliquer l’existence et l’occurrence d’éventements
brutaux, rares et difficiles à prédire, qui vont au-delà de toute attente.
L’un des exemples mis en avant par Taleb est celui de la vie d’une dinde de Thanksgiving.
Une dinde de Thanksgiving passe la majorité de sa vie à être
nourrei par un fermier attentionné. Les semaines passent, et les journées se
répètent les unes après les autres. Nourriture gratuite. Pâtures où gambader.
La vie est belle.
Une dinde intelligente pourrait même se demander si le fermier
ne tire pas quelque chose de la maintenir en vie. Pour la dinde, il s’agit
d’une relation symbiotique. « Le fermier me nourrit et me rend heureuse,
et je rends le fermier heureux », se dit-elle. « Le fermier a
besoin de moi, si ce n’était pas le cas, pourquoi prendrait-il soin de
moi ? »
Ainsi passent mille jours.
Et puis, deux jours avant Thanksgiving, le mille-et-unième jour,
le fermier se présente à nouveau.
Mais cette fois-ci, il n’a pas apporté de nourriture, mais une
hache.
Pour la dinde, c’est un évènement de cygne noir.
Par définition, il s’agit pour la dinde d’un évènement brutal,
rare et difficile à prédire. Elle ne l’a jamais vu venir. Elle n’aurait même
jamais pu imaginer une telle chose possible.
Mais pour le fermier, ce n’est pas un évènement de cygne noir.
Il a toujours su pourquoi il nourrissait sa dinde, et quelle en serait
l’issue.
La nature des évènements de cygne noir les rend quasiment
impossibles à prédire. La raison pour laquelle j’en parle aujourd’hui, c’est
que parfois, nous sommes nous-mêmes les dindes de Thanksgiving, et le
comprendre pourrait rendre plus simple la contemplation de la possibilité
d’évènements très éloignés du niveau d’équilibre.
Cette année, quand vous savourerez votre dinde de Thanksgiving,
accordez une pensée aux dernières victimes du cygne noir qui n’ont rien vu
venir. Sans elles, vous auriez peut-être eu à manger du poulet.