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Les fêtes
de fin d'année 2011 étant maintenant derrière nous,
l'opportunité nous est donnée de faire le bilan de
l'Euro-système en toute sobriété. Quelle est la
politique qu'ont menée la BCE et les 17 banques centrales nationales
qui sont en charge de la production de l'euro? Une analyse du bilan
consolidé de l'Euro-système, et notamment des changements
intervenus dans ses actifs et ses passifs, nous en dira long sur ce qui a
été réalisé.
Le bilan d'une
banque centrale, et a fortiori d'un système de banques centrales,
n'est pas comparable au bilan d'une entreprise. Une entreprise se finance sur
capitaux propres, par la vente de ses produits ainsi que par le biais
d'emprunts afin d'acquérir des actifs durables et payer ses
dépenses liées à l'emploi de facteurs de production. Les
passifs d'une entreprise nous renseignent sur ce qu'il lui reste à
payer, alors que ces actifs sont indicateurs de sa richesse brute. La
différence entre actifs et passifs constitue la richesse nette et
varie au gré des profits et pertes. Il en va autrement pour une banque
centrale, qui ne vend aucun produit sur une base concurrentielle. La
production de l'euro ne nécessite pas l'emploi de facteurs de
production et n'est pas soumise au verdict des pertes et profits
concurrentiels. Le processus, purement administratif, de production de l'euro
consiste à créditer les comptes des récipiendaires des
nouvelles unités monétaires en échange d'une nouvelle
créance créée ex nihilo ou d'un titre de dette
déjà existant. Plus d'euros sont donc produits lorsque le
passif de l'Euro-système croît. La hausse correspondante des
actifs n'est pas un indicateur d'enrichissement brut, comme ce serait dans le
cas d'une entreprise concurrentielle, mais un compte-rendu de la
manière dont la nouvelle monnaie a été introduite en
circulation. En toute logique, il faut donc commencer l'analyse du bilan de
l'Euro-système par l'étude des variations de ses passifs.
Sur
l'année qui s'est écoulée ente Noël 2010 et
Noël 2011, les engagements de l'Euro-système ont augmenté
de 804 milliards d'euros, soit une hausse de 43.5%. Il faut soustraire de ce
montant le gonflement des comptes de réévaluation par quelques
87 milliards d'euro, dû principalement à la hausse en valeur de
l'or et titres sur or détenus par l'Euro-système. La
quantité de monnaie mise à la disposition de l'économie
s'est donc accrue de quelques 717 milliards d'euros en 2011, soit 40.5%. Les
principaux récipiendaires en ont été les banques
commerciales, dont les comptes tant courants que d'épargne
auprès de l'Euro-système ont gonflé de 554 milliards
d'euros. Cet accroissement des liquidités bancaires a eu lieu durant
la deuxième moitié de 2011 et s'est
accéléré tout particulièrement à la veille
de Noël (voir graphique 1). La hausse des billets en circulation de
quelques 49 milliards d'euros, ou seulement 5.8%, a été stable
et lente tout au long de l'année. Les engagements externes en euros,
autrement dit les dépôts en euros d'institutions financières
non-résidentes en zone euro, ont augmenté de 87 milliards
d'euro. L'essentiel de cette hausse est intervenue en décembre 2011 et
représente la contrepartie en euros des swaps euros-dollars
négociés avec la Réserve Fédérale
américaine. Les 28 milliards d'euros restants se distribuent
principalement entre une hausse du poste "autres passifs" de 38
milliards et une baisse des dépôts non-bancaires, c.à.d.
des gouvernements de la zone euro, de 10 milliards.
Graphique 1 : Composition du passif consolidé
de l'Euro-système, 24/12/2010-23/12/2011.
Source:
Banque Centrale Européenne.
L'examen des
postes à l'actif du bilan consolidé de l'Euro-système
renseigne sur la manière dont la nouvelle monnaie a été
créée. De loin, les opérations d'open-market, c.à.d. de prêts directs aux banques
commerciales, ont été le moyen préféré de
création de nouvelles liquidités. Ces prêts sur gages
(collatéral éligible ou encore titres financiers reconnus de
qualité par l'Euro-système) se sont accrus de 366 milliards
d'euros, ou 71.3%, avec presque les deux tiers de cette hausse étant
concentrés sur la semaine précédant Noël (voir
graphique 2). Cette augmentation ponctuelle correspond à l'introduction
d'une opération de refinancement dite de très long terme, en
l'occurrence de plus de 3 ans. Alors qu'historiquement les opérations
d'open-market consistaient essentiellement en
prêts à très court terme, notamment d'une semaine, la
tendance à l'allongement des échéances s'est
installée depuis le début de la crise financière.
Après l'introduction d'opérations de refinancement à 6
et 12 mois, la fin de l'année 2011 a été marquée
par l'introduction d'une échéance de 37 mois, souscrite
à hauteur de 489 milliards d'euros par les banques. Ceci confirme
définitivement un changement structurel dans le bilan de
l'Euro-système, où les prêts à long terme
deviennent maintenant la norme plutôt que l'exception.
Le
deuxième poste à la hausse la plus importante est celui des
titres financiers détenus en portefeuille, qui ont augmenté de
151 milliards d'euro, ou 32.9%. Cette croissance s'explique surtout par
l'accélération du programme spécial destiné
à soutenir le prix des titres de dette souveraine émis par les
gouvernements périphériques (Grèce, Irlande, Italie et
Portugal). Alors que le Traité européen exclut l'achat direct
de titres de dette souveraine par l'Euro-système, aucun obstacle
légal n'existe à l'achat indirect sur le marché
secondaire. D'un point de vue économique, néanmoins, l'achat
indirect diffère peu de l'achat direct, ce qui soulève la
question de savoir si l'Euro-système n'a pas trahi l'esprit des
dispositions monétaires du Traité européen.
Graphique 2 : Composition de l'actif
consolidé de l'Euro-système, 24/12/2010-23/12/2011.
Source:
Banque Centrale Européenne.
Les
créances domestiques en devises se sont accrues de quelques 69
milliards d'euros. L'essentiel de cette hausse a eu lieu en décembre
2011 et correspond aux opérations de refinancement effectuées
en dollars suite aux swaps euros-dollars déjà
mentionnés. Les banques commerciales européennes ont pu
emprunter ainsi quelques 85 milliards de dollars directement auprès de
l'Euro-système, qui s'est procuré ces devises auprès de
la Réserve Fédérale américaine contre euros.
Enfin, les
postes "autres créances domestiques" ainsi que "autres
actifs" augmentent respectivement de 53 milliards d'euros, ou 125.9%, et
de 60 milliards d'euros, ou 21.6%. Il s'agit sans doute de prêts de
dernier ressort à des banques commerciales à court de gages
suffisants, ainsi que d'autres actifs financiers acquis auprès de
banques ou d'autres intermédiaires financiers. Dans la mesure
où l'absence de gages suffisants pour une banque est un signe de
détérioration significative de la qualité de ses actifs,
les prêts de dernier ressort soulèvent la question de savoir si
tous les débiteurs de l'Euro-système sont vraiment solvables ou
non.
L'année
2011 a donc été marquée par une fulgurante
création monétaire qui s'est concentrée sur les cinq
mois précédant Noël. Il faut sans doute y voir deux causes
majeures. Primo, les pressions sur la BCE d'intervenir dans la crise de la
dette publique se sont soldées par des achats intensifiés de
titres de dette souveraine sur le marché secondaire. En
réalisant ces achats, les banques centrales nationales ont
alimenté en liquidités les banques commerciales vendeuses. Secundo,
la révision des prévisions de croissance à la baisse a
encore mis la pression sur l'Euro-système pour accélérer
sa politique monétaire expansionniste afin d'atténuer, voire
prévenir, le resserrement du crédit privé. Reste
à voir, tout de même, si les banques commerciales
réussiront à relancer le crédit privé dans
l'environnement actuel d'incertitude accrue, ou si elles utiliseront les
liquidités nouvelles pour financer les Etats.
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