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1ère
partie
Dès
le début de la crise économique occidentale, en soutien
d’une croissance qu’elle menaçait, le gouvernement chinois
a épaulé l’économie du pays. Non pas par la voie
du déficit budgétaire, mais en injectant massivement des
liquidités via la Banque centrale : 600 milliards de dollars en deux
ans. L’effet n’a pas tardé, sous forme de
l’apparition d’une substantielle bulle financière. De 20
à 25 % de ces liquidités ont en effet été dans l’euphorie investies en bourse, suscitant des
hausses record. Une bulle immobilière a de son côté
enflé, les prix des logements neufs ont grimpé en flèche
sur le marché, 60 millions d’entre eux étant
aujourd’hui inoccupés.
Devant
faire face à une augmentation des défauts de remboursement de
leurs crédits, notamment de la part des collectivités locales
qui ont créé des sociétés urbaines de
développement et d’investissement pour emprunter sans
compter, les grandes banques publiques ont sur instruction gouvernementale
organisé le roulement des dettes pour ne pas constater de trop lourdes
pertes en procédant à la restructuration d’une proportion
inconnue des dettes des collectivités, qui s’élevaient
à près de 1.300 milliards d’euros fin 2010, dont la
moitié venait prochainement à échéance.
Il
a ensuite été nécessaire de recapitaliser les banques.
Des structures d’investissement, sortes de bad
banks, ont été
créées par le gouvernement, avec pour mission d’emprunter
à taux réduit aux banques, pour en retour acheter leurs actifs
douteux. Dispositif complémentaire, les banques ont bénéficié
d’un important différentiel de taux entre celui qu’elles
accordent aux dépôts de leur clientèle – souvent
négatif, compte-tenu de l’inflation – et celui
qu’elles pratiquent dans le cadre de leur politique de crédit.
Elles ont ainsi rapidement dégagé des profits pour les affecter
au renforcement de leurs fonds propres. Les particuliers, qui
finançaient ainsi les largesses des banques, se sont retournés
vers les circuits florissants de la banque parallèle, où ils
trouvent de meilleurs rendements pour leur épargne.
Cette
machinerie a ses limites, car si le gouvernement favorise le maintien de taux
faibles, afin de rendre plus aisé le roulement des dettes et de
permettre aux banques de dégager d’importantes marges, il faudra
bien un jour constater les pertes des banques. En attendant, les transferts
financiers qui sont opérés au détriment des
déposants font obstacle au développement du marché
intérieur.
L’État
a soutenu l’économie afin de faire face à la crise
occidentale, mais il faudrait qu’un relais intervienne rapidement pour
soutenir la croissance. Si d’importants surplus à
l’exportation ne peuvent pas continuer à être
dégagés, un développement de la consommation
intérieure devrait intervenir pour soutenir une industrie de
transformation qui exporte actuellement environ 50 % de sa production. Mais,
dans la pratique, l’essor du marché intérieur est
beaucoup plus lent que le perceptible et durable déclin des
exportations et la baisse de la croissance qui en résultent déjà.
Par
ailleurs, ce n’est pas la politique de grands travaux
d’infrastructures (autoroutes, chemins de fer à grande vitesse
et aéroports) – dont beaucoup sont d’une utilité
économique discutable – qui va le permettre. Pas plus que vont y
contribuer les pertes que les banques vont éponger, qui vont
restreindre l’enveloppe des crédits destinés au secteur
productif de l’économie.
Le
fossé entre les deux Chines – celle qui connait un
développement économique intensif et la Chine rurale et
paysanne, réservoir de main d’œuvre en exode vers la
première – risque fort de s’agrandir. Comme tous les pays
du BRICS, la Chine s’est engagée dans un modèle de
développement très déséquilibré, sur
lequel il est difficile de revenir une fois le pli pris. Celui-ci n’est
pas seulement source d’une grande injustice sociale, mais il
s’est également révélé à
l’origine d’un très grand déséquilibre
– cette fois-ci mondial – héritage des bienfaits
d’une mondialisation réalisée sous des auspices
financiers de mauvais conseil. Les occidentaux voudraient revenir dessus par
des mesures monétaires, en obtenant une réévaluation du
yuan, en attendant qu’un nouveau modèle de développement
soit adopté. Ils cherchent à accélérer un
processus que les dirigeants chinois tentent de contrôler en
l’inscrivant dans la durée.
Mais
si ni les exportations, ni le développement du marché
intérieur ne prennent le relais, la question se pose de savoir combien
de temps la croissance, qui commence à fléchir, va pouvoir
être maintenue au rythme actuel et grâce aux moyens qui sont
déployés, même en prenant en compte les colossaux surplus
commerciaux engrangés. Dans le cas contraire, de gigantesques
problèmes sociaux pourraient menacer le régime. Une perspective
que Wen Jiabao, le
premier ministre sur le départ, a voulu rappeler en invoquant le
spectre d’une nouvelle Révolution culturelle.
Les
mirifiques surplus commerciaux chinois ne règlent pas tout.
D’autant qu’une partie importante des réserves,
estimées à 3,2 milliers de milliards de dollars, a
été utilisée pour acheter de la dette américaine,
et secondairement européenne, finançant ainsi les
marchés à l’export de la Chine qui en avaient bien besoin
(et aujourd’hui encore davantage). Ne pouvant et ne voulant plus
acheter des dollars au rythme d’environ 400 milliards par an, pesant
ainsi à la baisse sur le taux américain, le gouvernement
chinois doit se préparer à enregistrer une hausse des taux
obligataires, et par voie de conséquence une baisse de la valeur des
titres qu’elle détient, ce qui diminuera ses réserves et
restreindra ses marges de manœuvre.
Par
ailleurs, l’endettement public du pays a beaucoup augmenté,
même si les créanciers sont nationaux. Au total –
État, collectivités locales, grandes entreprises publiques,
etc. – on avoisinerait 60 % du PIB, selon des estimations ne prenant
pas en compte les activités financières parallèles.
Même dans un pays comme la Chine, une telle situation pourrait devenir
problématique si elle s’accentuait exagérément.
(à
suivre…)
Billet rédigé par
François Leclerc
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