| Cela ne se passera pas comme ça ! Il ne sera pas donné à la BCE toute liberté pour calibrer à sa guise son programme d’achat d’Asset-Backed Securities (ABS), ces produits financiers de titrisation. D’après le Suddeutsche Zeitung, les ministres des finances allemand et français ont rédigé un « non paper » (selon la terminologie officielle française, une « note libre » qui ne peut être attribuée). Destinée à être discutée lors du prochain Ecofin informel de samedi – la réunion des ministres des finances de l’Union européenne – elle porte sur la revitalisation régulée… du marché des ABS. Une vraie pierre dans le jardin de la BCE ! L’objectif revendiqué respire l’innocence, puisqu’il s’agit de dynamiser ce marché anémique en incitant les banques à titriser leurs actifs, tout en les dissuadant de le faire avec des actifs de mauvaise qualité (des prêts douteux), afin de produire des ABS de bonne qualité. Il est explicitement fait référence à l’émergence de « phénomènes de pré-crise aux États-Unis », allusion à la bulle financière qui s’est développée. Aux États-Unis, les transactions portant sur les collateralized loan obligations (CLO) ont en effet atteint le niveau d’il y a sept ans, en 2006-2007, à cette différence près que ceux-ci ne s’appuient plus essentiellement sur des prêts immobiliers – dont le marché est devenu étriqué – mais sur des prêts aux entreprises, souvent mal notés par les agences de notation. C’est le résultat de l’abondance des liquidités et des faibles taux en vigueur. Facteurs inquiétants, la Loan Syndication and Trading Association (LSTA) reconnait que les CLO apportés sur le marché sont destinés au refinancement de prêts existants; et les nouvelles lignes directrices de la Fed et de l’Office of the Comptroller of the Currency destinées à encadrer ce marché n’ont pas eu l’effet recherché. Mais derrière cette noble préoccupation se dissimule d’autres intentions. Jürgen Stark, l’ex-économiste en chef de la BCE, a pesé hier dans Handelsblatt dans le débat engagé en Allemagne à propos de ces nouvelles mesures. La BCE, remarque-t-il, déverse à nouveau des liquidités dans un marché qui en est saturé, aboutissant à des distorsionsdu marché et elle concentre les risques en se transformant en bad bank. Des évidences que le leader de la CSU, Horst Seehofer, n’avait pas manqué de dénoncer hier. Un autre sujet de désaccord bien identifié se profile derrière ces passes d’armes. En impliquant la Banque européenne d’investissement (BEI) ainsi que les institutions d’investissement public nationales dans les achats des tranches juniors les plus risquées des futurs ABS, la BCE n’est-elle pas en train de créer des quasi-euro-obligations sans le dire ? C’est la question à laquelle répond par l’affirmative Wolfgang Münchau – également chroniqueur du Financial Times – dans Der Spiegel. Décidément, la BCE est sur un terrain glissant ! La Banque d’Italie vient d’ailleurs d’apporter de l’eau au moulin de Jürgen Stark en décidant d’assouplir la réglementation concernant le collatéral que les banques du pays vont pouvoir apporter pour obtenir des prêts de la BCE dans le cadre de autre nouveau programme massif de prêts, le T-LTRO. Vous avez-dit bad bank ? La réunion de l’Ecofin de fin de semaine promet, si l’on en croit Sandro Gozi, un membre du cabinet du sous-secrétaire d’Etat italien aux affaires européennes. Celui-ci a revendiqué pour l’ensemble de la zone euro, et pas seulement pour son pays, un assouplissement des objectifs de réduction du déficit et de la dette publique, en raison de la faiblesse de l’inflation et de la croissance, rejoignant l’argumentation de Michel Sapin, le ministre français, auquel Christine Lagarde avait entretemps répliqué… De son côté, Pier Carlo Padoan, le ministre de l’économie et des finances italien, a proposé hier de dégager un « solide paquet pour la croissance » en contrepartie du pacte fiscal. La question est désormais de savoir si l’on va sortir des généralités ! | |