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Le plan Brown-Darling pour empêcher
le système bancaire britannique de sombrer semble bien mieux
perçu par les économistes que le plan Paulson. Il faut dire que
ce plan,
conforme à celui que la Suède avait mis en oeuvre en 1992 pour sauver
son système financier de la faillite, protège sans
doute un peu mieux l'intérêt du contribuable, puisqu'il fait
payer aux banques très cher le soutien du contribuable, selon le
mécanisme décrit par M. C.Tille dans l'article de Telos que je
pointais hier, "crise
de liquidités ou de solvabilité ?":
Il serait plus efficace [que
le plan Paulson] d’injecter directement des fonds propres. Une
première option est que l’état prenne une participation
directe comme actionnaire. Cela devrait se faire par le biais d’actions
dites « seniors ». Cela signifie que d’éventuelles
pertes ultérieures réduiraient d’abord l’avoir des
anciens actionnaires, puis celui de l’état, au lieu de
réduire la valeur de toutes les actions de manière uniforme.
Une telle structure fait en sorte que le secours du contribuable se paie au
prix fort pour la banque. En d’autres termes il s’agit
d’une nationalisation partielle de la banque. Pas très standard
dans un système capitaliste ? Rappelons tout d’abord que cette
nationalisation serait temporaire, l’état vendant graduellement
ses avoirs lorsque la crise sera passée, et que la politique
économique se doit d’être (et est en
réalité) plus pragmatique qu’idéologique.
En outre, les garanties bancaires
apportées par l'état se paieront d'un prix fort par les
banques, qui se verront exiger une surcotisation ("premium") pour
en bénéficier, et les banques bénéficiaires du
plan devront réviser sensiblement à la baisse les
rémunérations de leurs cadres dirigeants, ce qui est la moindre
des choses. Selon Philippe
Legrain, compte tenu de la tension actuelle sur les
marchés, le plan de sauvetage britannique est raisonnable. La
qualité de son implémentation effective sera primordiale, mais
il devrait dans l'immédiat sauver le système financier. A plus
long terme, Philippe a les mêmes interrogations sur les
difficultés qui attendent l'économie britannique:
We
are by no means out of the woods yet. Global financial markets are in
turmoil; other governments need to follow Britain’s bold lead soon. The
UK economy has many other weaknesses: consumers are overladen with debt,
often secured against housing that remains overpriced; unemployment is
rising; food and energy prices remain painfully high; and the global gloom is
hardly auspicious for exporters, despite the fillip of a weaker currency.
What’s more, the banking package will swell the government’s
already-large deficit – although borrowing to invest in banks need not
increase the national debt in the long term.
Mais le long terme est une autre
histoire. Aujourd'hui, priorité à l'incendie.
Enfin, pour comprendre comment une perte
potentielle de quelques pourcent dans les actifs douteux de certaines banques
aboutit à cette crise sans précédent, cet article
très critique du Plan Paulson, de John Hussman, gestionnaire d'un
fonds d'investissement du même nom, explique très bien la
fragilité du modèle "sans fonds propres" des banques
actuelles, et reproche au plan Paulson de ne rien faire pour améliorer
la structure de bilan des banques secourues. La voie choisie par les
britanniques évite cet écueil. Hussman propose
une variante au plan Paulson qui comporte pas mal d'analogies
avec le plan Brown:
A
better approach would be for the government to provide capital directly, in
the form of a “super-bond,” in an amount no greater than the debt
to bondholders. The “super-bond” would be subordinate to customer
liabilities, so it could be counted as capital for the purpose of capital
requirements, and would be seen by customers as a legitimate cushion of
protection. However, in the event of bankruptcy, it would have a senior claim
in front of both stockholders and even senior bondholders. Do that,
and you've actually got a mechanism to protect the financial system while at
the same time protecting customers and taxpayers. Ideally, the super-bond
accrues a relatively high rate of interest so that financials have an
incentive to shift to private financing as soon as possible, but you would
also defer the interest until the bank meets a minimal level of profitability
to make sure that the financing doesn't strain the institution's liquidity.
On le voit,plusieurs alternatives au plan
Paulson, plus respectueuses du contribuable américain, et plus
responsabilisantes pour les banques concernées, existaient. Il est
dommage que sous la pression de politiciens incultes, d'autres politiciens
aient voté dans des conditions plus que douteuses un
"package" à 700 milliards aux effets relativement
incertains, et aux contreparties fiscales ("pork barrel spending")
exorbitantes.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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