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Cours Or & Argent

Le spectacle est baclé

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Paul Jorion.
Publié le 28 avril 2010
1162 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
( 2 votes, 5/5 ) , 1 commentaire
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Rubrique : Editoriaux





Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Dans ce moment de la crise, sans que cela diffère tellement des précédents, les calculs réels et présumés des acteurs qui occupent le devant de la scène apparaissent bien dérisoires et à courte vue. La crise grecque, voulue et provoquée pour l’exemple, a dérapé sans que son issue ne soit désormais aisément maîtrisable. Elle n’est cependant que le symbole d’une situation qui dépasse les frontières de l’Europe et atteint l’ensemble du monde occidental.

Certes, certains pays sont moins atteints que d’autres, mais est-il réellement pensable qu’ils puissent tirer seuls leur épingle du jeu dans un monde financièrement et économiquement aussi interconnecté ? Du Japon aux Etats-Unis, en passant par l’Europe, la dette va continuer d’enfler, sans que les bonnes résolutions adoptées le temps d’une rencontre puissent inverser la tendance. Sauf à accepter de prendre le risque de s’engager collectivement dans une longue déflation à la Japonaise accompagnée d’une crise sociale profonde et dure.

Jour après jour, la crise de la dette publique s’annonce donc redoutable. Car, par son ampleur, il ne peut plus y être trouvé de solution aussi facilement qu’on le croyait avec les recettes éprouvées. Les restrictions budgétaires pour réduire le déficit et la dette devraient être d’une telle ampleur qu’elles sont impraticables à une telle échelle, si elles ne sont pas relayées par une croissance économique, par ailleurs introuvable. Ben Bernanke, le président de la Fed, vient de reconnaître que la croissance ne suffirait pas à faire baisser le déficit budgétaire à un niveau acceptable. Le premier ministre grec, Georges Papandréou, vient de déclarer dans une belle envolée devant les députés : »La condition principale pour réussir (…) c’est de tout changer dans ce pays, économie, Etat, habitudes, mentalités, comportements, pour fonder une économie viable ». Un programme qui donne la mesure de ce qui ne sera pas fait et qui fait sonner par avance le glas d’ambitions qui ne seront pas tenues.

A l’inverse, les milieux financiers ne peuvent envisager de devoir subir les effets d’une inflation qui réduirait la dette en les touchant de plein fouet en tant que créanciers. De même qu’ils ne peuvent accepter qu’interviennent des défauts sur la dette souveraine, qui impliqueraient des restructurations de dette les atteignant également. Ils flottent désormais sur leurs matelas de liquidités et n’envisagent plus de redescendre de ces nuées, quand bien même elles déclenchent l’orage.

Un certain temps, il fut concevable de se poser une seule question – qui va payer la facture au final ?- et d’y répondre en se disant que cela allait se régler en fonction du rapport de force. Mais il va falloir se résoudre à affronter une question bien plus sérieuse : et si les Etats n’étaient pas en mesure de digérer leurs dettes et les gouvernements de les faire assumer par leurs administrés ? Certes, les molochs de la finance pèsent de tout leurs poids afin de les y contraindre, mais est-ce bien réaliste ?

Comme à l’habitude, ces derniers cherchent à gagner sur tous les tableaux. A court terme, en profitant en tant que créanciers de la hausse des taux obligataires. A moyen terme, les taux s’étant détendus, en se présentant à leur tour sur les marchés, afin de satisfaire aux nouvelles obligations prudentielles qu’ils négocient actuellement à minima en freinant des quatre fers. Suite logique des édulcorations et des blocages successifs de la régulation américaine, sabotant les unes après les autres les mesures qui les brident, les mégabanques cherchent à faire de même avec les obligations de renforcement de leurs fonds propres et de calcul de risque que le Comité de Bâle s’efforce d’instituer.

D’un côté, les équipes au pouvoir, d’une manière qui pourrait être qualifiée de pathétique si elles n’étaient pas complices, cherchent à contenir les errements futurs d’une finance dont on sait maintenant jusqu’où elle peut aller. Elles essayent de mettre au point dans le plus parfait désordre les illusoires pare-feux d’une nouvelle crise dont on sait ne plus avoir les moyens. Tout en pressentant déjà, lorsqu’elles sont lucides, que ces mesures seront déjouées.

Car, de l’autre, les industriels de la haute finance balayent ces réglementations de pacotille, plus que jamais décidés à poursuivre leur activité délétère. Deutsche Bank vient d’annoncer 1,8 milliards d’euros de bénéfices nets au 1er trimestre, en progression de 50%, générant un rendement des capitaux propres de 30%. C’est la division de banque d’investissement qui est à l’origine de ce résultat, grâce aux émissions massives de dette des Etats et des entreprises.

Ces bénéfices, ainsi que le calcul visant à faire payer par les autres l’addition de la crise, reposent sur des têtes d’épingle. Lucas Papademos, vice président de la BCE, a jugé aujourd’hui mardi que « les leçons majeures de la crise budgétaire grecque étaient en train d’être tirées » par les pays ayant des « problèmes similaires ». « Je pense que c’est une expérience (…) qui les pousse vraiment à un ajustement de leurs politiques pour restaurer leur compétitivité et améliorer leur situation budgétaire ». Poursuivant  : « C’est, si l’on peut dire, l’effet de contagion positif de la crise grecque sur d’autres économies avec des problèmes similaires ».

Est-ce bien si sûr ? En Espagne, le taux de chômage a dépassé les 20% en mars, niveau le plus élevé depuis 1997, selon l’Institut national de la statistique (Ine). Cela représente 4,612 millions de chômeurs officiels, 286.200 de plus en trois mois. Après avoir sous-estimé la crise financière et la crise économique, les édiles font de même avec la crise sociale qui monte.

Qui maîtrise aujourd’hui la dynamique de la crise ? Certainement pas les politiques, qui viennent de nous offrir le spectacle bâclé d’un G20 des ministres des finances qui n’a su qu’acter les divergences, et où ne s’est exprimé, en fait de volonté collective, qu’une unanime impuissance. Pas davantage les mégabanques, qui continuent de donner le « la » mais qui ne seront pas plus porteuse demain d’une issue à la crise qu’elles n’ont été capables, hier, de réguler leur activité comme elles le prétendaient.

A quel monde rêvent-elles et sommes-nous dans le même ? A moins que ce ne soit un cauchemar qu’elles nous préparent, dont la seule solution, pour s’en échapper, sera enfin de se réveiller.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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Etienne C. - 28/04/2010 à 12:24 GMT
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