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Cours Or & Argent

Les batons de bois Anglais

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Publié le 01 mars 2010
1130 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Histoire de l'or





Charles II fut roi d’Angleterre de 1660 à 1685. Tout au long de son règne, des baguettes de bois étaient, entre autres, utilisées comme monnaie. Cette histoire possède un certain parallèle avec le monde moderne.

Tandis que les Pères Pèlerins étaient occupés à fonder l’Amérique, leurs frères puritains anglais se libéraient de l’oppression religieuse. En 1650, Olivier Cromwell renversa le roi, décapita ce dernier et, sur un modèle familier, prit le contrôle du parlement en menaçant de le dissoudre s’il s’opposait à lui. Il mourut en transmettant directement le pouvoir à son fils, apparemment sans aucune opposition.

Cromwell disparut, et l’Angleterre décida que s’il elle devait avoir un roi, celui-ci se devrait d’être légitime. Ainsi, Charles II fut couronné en 1660, onze ans après l’exécution de son père.

Les pouvoirs du nouveau roi étaient moins larges que ceux que possédait son père. La plupart de ses réalisations dépendaient d’une coopération avec le parlement. En particulier, le privilège royal de lever des impôts était perdu, réduisant Charles II à quémander à tout jamais les taxes à son nouveau partenaire gouvernemental. Le parlement se réunissait rarement et la logistique de la collecte des impôts retardait les rentrées d’argent. La liquidité était donc toujours rare. Le roi avait du mal à payer les factures à temps.

A peu près à ce moment-là, Londres commença à se développer financièrement. Les joailliers -dont le rôle traditionnel était la fabrication de bijoux et de plats- formèrent une corporation qui devint plus tard le groupe des banquiers moderne.

Les joaillers se trouvèrent bientôt dans la position de pouvoir prêter de l’argent et ce faisant, devinrent les intermédiaires clé du marché naissant du financement de la dette gouvernementale.

Cela fonctionnait ainsi : armé de la permission parlementaire d’augmenter les impôts, Charles II encaissait tout de suite les liquidités de certaines recettes fiscales auprès des joaillers, moyennant un taux d’escompte par rapport à leur valeur faciale. Les joaillers, de moins en moins en mesure d’honorer leurs comptes privés et incapables de monnayer la dette royale, furent rapidement dans l’impossibilité de prêter davantage au roi. Alors il fut arrangé que le remboursement de la dette ne serait plus dû au joailler originellement détenteur du bon mais à n’importe quel détenteur, de sorte que le prêteur original puisse vendre la dette et retrouver sa liquidité initiale.

Le problème était alors de savoir comment s’assurer que le nouveau détenteur de la dette –n’étant plus le débiteur d’origine- puisse identifier de manière certaine l’authenticité du bon au porteur. C’est alors que mère Nature apporta sa solution au problème.

Un morceau de bois fendu par le milieu ne coïncidera parfaitement qu’avec son autre moitié. Et c’est ainsi que les baguettes de bois devinrent un composant de la monnaie anglaise. Le bureau de la dette du gouvernement prit de belles baguettes de noisetier et grava autour divers symboles qui dénotaient les montants monétaires empruntés et prêtés. La baguette était ensuite fendue en son milieu et chaque moitié présentait une partie des entailles. Un côté –qui  avait une poignée en bois était appelé la « souche »- était détenu par le Trésor du roi, tandis que l’autre partie était donnée au joaillier, qui recevait également un morceau de papier détaillant la date et les circonstances du remboursement.

Le système était simple et efficace. Les joaillers-banquiers étaient dignes de confiance et échangeaient entre eux la majeure partie de ce qui était alors connu sous le nom de « baguettes » pour se procurer des liquidités. Ils avaient de bonnes raisons de demeurer honnêtes car ils étaient des intermédiaires clef dans un marché profitable et rapidement croissant. Les baguettes de bois étaient impossibles à contrefaire et le roi garantissait le remboursement de l’ensemble des dettes.

C’est une tentative de perfectionnement de ce système qui mènera finalement à son effondrement, après l’avoir étendu bien trop largement pour qu’il demeure viable. Au départ, l’offre de liquidités provenait directement des joaillers. Avec précaution, ils commencèrent à sortir l’argent qu’ils possédaient dans leurs dépôts privés, sachant que leur crédit personnel leur procurerait suffisamment d’argent liquide s’ils devaient rembourser leurs déposants. Par la suite, ils réalisèrent qu’ils pouvaient faire encore mieux en offrant un intérêt sur les dépôts privés à terme, car cela éliminerait le risque que représenterait le rappel des fonds à vue. En payant un intérêt, ils accumulaient encore plus de liquidités publiques et ces fonds étaient prêtés au roi à un rythme grandissant.

Charles II n’eut bientôt plus besoin de se soucier de l’approbation du parlement quant à l’augmentation des taxes avant d’émettre des baguettes puisqu’il était en mesure de les vendre. A partir de 1668, il devint communément accepté que les emprunts d’Etat soient garantis par de futures taxes sur la nation, hypothèse qui est toujours valable de nos jours.

Le frein parlementaire à l’émission de ce nouvel instrument monétaire était alors contourné, et rapidement, la ville de Londres florissait grâce au crédit garanti par ces baguettes en bois fendues.  C’est alors que les choses devinrent plus difficiles.

A mesure que les dépositaires volontaires privés se raréfiaient, il fallait ajouter un petit quelque chose au taux d’intérêt pour pouvoir extraire un peu plus de liquidité du public. Les joailliers ne pouvaient offrir au roi des escomptes finançables qu’en fonction de dépôts qu’ils pouvaient eux-mêmes obtenir. En 1670, le roi devait accepter un escompte de 10% par an pour faire face à ses dettes « baguettes ». Les déposants recevaient maintenant 7% d’intérêts et les intermédiaires le reste.

En 1671, le système ne profitait plus du tout au roi, puisque les remboursements nécessitaient toute la liquidité que les émissions suivantes avaient pu lever. Il avait obtenu tout l’argent privé qu’il pouvait obtenir et ainsi, lorsqu’à la fin de l’année, il demanda encore plus de cette liquidité vitale, les banquiers ne purent la lui fournir, quel qu’en soit le prix.

Bien ennuyé, Charles II se souvint que la plus grande part de ces crédits contractés récemment l’avaient été à des taux supérieurs à 6%, limite imposée par ses propres lois contre l’usure. Il déclara ces dettes illégales et ses propres paiements stoppèrent. Cette action temporaire fut décrétée le 2 Janvier 1672 et fut prolongée après un an pour deux années supplémentaires (sujettes à quelques exceptions) après lesquelles elle fut valable indéfiniment.

L’effet en fut que ceux qui prêtaient à l’Etat avaient accidentellement fourni, grâce à leurs richesses accumulées avec précaution, des impôts volontaires. On blâma les joaillers. Ils furent caricaturés comme étant des opportunistes avares, et damnés par leurs déposants précédemment enthousiastes. Onze des quatorze plus gros joaillers firent faillite, laissant leurs chefs ruinés, en banqueroute, en fuite, en prison, ou encore morts.

L’humble baguette de bois ne retrouva plus jamais sa crédibilité. Elle fut vouée à perdre la bataille contre son proche cousin – le papier.




Paul Tustain

Président

Bullionvault.com






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