| La Cour constitutionnelle allemande mène des auditions à propos du programme OMT (1) de la BCE, afin de déterminer s’il est conforme à la Constitution. Celle-ci n’étant pas sous la juridiction de la Cour de Karlsruhe, l’enjeu est ailleurs comme vient de le déclarer Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, qui craint que la décision de la Cour ait des « conséquences graves », qu’il ne précise pas. Peut-être germent-elles déjà, à la lecture d’un article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) faisant état d’une déclaration de la BCE devant la Cour. Selon celle-ci, l’OMT serait un programme non pas « illimité », ainsi que cela a été officiellement affirmé, mais dans la pratique plafonné à 524 milliards d’euros, ce qui en diminue considérablement la portée potentielle. Cela serait dû au fait qu’il ne concerne que l’achat d’obligations assorties d’une maturité au maximum de trois ans et que le montant évoqué est celui des obligations de cette catégorie émises par le Portugal, l’Espagne, l’Italie et l’Irlande. Cette estimation ne prend cependant pas en compte, peut-on remarquer, que ces États pourraient émettre d’avantage de titres à faible maturité pour couvrir le roulement de leur dette, avec comme inconvénient d’en diminuer la maturité moyenne. La BCE a immédiatement réaffirmé le caractère illimité de son programme, créant par la même une suspicion de double langage, le FAZ étant un journal réputé pour son sérieux. Car si l’OMT n’est pas ce qui a été annoncé, son caractère dissuasif auprès des marchés risque de ne plus fonctionner et s’en serait fini de l’accalmie obligataire actuelle. N’ayant pas pu faire prévaloir au sein de la BCE son opposition à l’OMT, la Bundesbank arriverait ainsi à ses fins par d’autres moyens, après avoir publiquement fait état de son désaccord. Selon Jens Weidmann, son président, il reviendrait en effet, une fois activé, à faire financer par la banque centrale les États en bénéficiant . Les rumeurs abondamment colportées sur un assouplissement de la politique allemande, qui s’appuyaient sur la décision de la Commission européenne d’accorder des délais pour la réduction des déficits, ne sortent pas spécialement confirmées de ce nouvel épisode. Au contraire, celui-ci revient à réaffirmer cette politique, car l’OMT pourrait permettre, en se réfugiant sous sa protection, de tergiverser et il est question de l’en empêcher. L’autocritique du FMI est déjà oubliée, qui au prétexte d’un retour critique sur les sauvetages successifs de la Grèce appelait à son réexamen. Si l’on prend un peu de recul, on ne peut expliquer la lutte que le gouvernement allemand mène sur tous les fronts pour minorer ses engagements financiers, y compris au sein de la BCE dont la Bundesbank est le premier actionnaire, que parce qu’il a la conviction qu’il devra au final payer (et avec lui les autres pays du nord). On voit mal, en effet, comment les prêts qui ont été déjà consentis à maintenant quatre pays de la zone euro pourront être remboursés dans leur totalité. Le cas de la Grèce est le plus flagrant, avec comme circonstance aggravante que la dette grecque est au bilan de la BCE. Pour éviter une nouvelle décote de celle-ci, comme pour faciliter le remboursement des emprunts, des délais de remboursement et des baisses des taux d’intérêt devront être consentis. Cela permettra de gagner du temps, mais cela constituera-t-il pour autant une issue ? Un pari de plus, tout au plus. Quant à l’OMT, la Bundesbank joue avec le feu, car si le marché obligataire devait se retendre, l’Espagne et l’Italie devraient être à leur tour financièrement soutenues. —-
(1) Outright Monetary Transactions : programme de la BCE d’achats sous conditions et sur le marché secondaire d’obligations souveraines. | |