L’existence d’une
manipulation du marché de l’or est bien connue des experts. Ce
que très peu savent, en revanche, c’est qu’il existe des
phases d’intervention distinctes, qui sont particulièrement
essentielles à l’étude de l’état actuel du
marché de l’or.
Voilà de nombreuses
années que sont orchestrées, sur le marché, des
interventions visant à supprimer le prix de l’or, la raison
principale à cela étant la volonté des banques centrales
d’étouffer les doutes quant à la stabilité
monétaire. Mais malgré cet objectif primaire, motifs et
interventions ne forment pas une unité cohérente. Il existe des
phases d’intervention distinctes.
Phase I
Dès 1993, les banquiers centraux
se sont inquiétés d’une possible
hausse du taux d’inflation et de la durabilité du système
monétaire. Le Fond Monétaire Européen venait de
s’effondrer et le prix de l’or avait énormément
augmenté au cours des six premiers mois de l’année. Si le
prix de l’or continuait de grimper, il indiquerait clairement un retour
de l’inflation. Certaines banques centrales, dont la Fed, se sont mises
d’accord dès le mois de juillet pour ne pas laisser le prix de
l’or franchir la barre des 400 dollars. Le prix de l’or fut
livré quelques temps à son libre cours, jusqu’au 5
août 1993 à 8h27 du matin, heure à laquelle leur pacte
entra en pratique. D’importantes ventes, notamment sur le Comex de New
York, firent tomber le prix de l’or en chute-libre. Cette chute de prix
soudaine était sensée déstabiliser les investisseurs et
les persuader de garder leurs distances avec le marché de l’or.
Aujourd’hui encore, les chutes soudaines de prix de l’or
caractérisent des interventions systématiques des banques centrales
sur le marché. Le graphique ci-dessous présente les
fluctuations intra-journalières du prix de l’or le 5 août
1993, date de la première intervention des banques centrales sur ce
marché.
Graphique 1 :
Fluctuations intra-journalières du prix de l’or le 5 août
1993
Phase II
Le métal physique requis pour
influencer le prix de l’or à la baisse a trouvé son
chemin vers le marché par le biais de ventes et
d’activités de prêt. Ce que l’on appelle le
‘carry trade sur l’or’
n’est autre que le prêt d’or à des participants au
marché qui vendent ensuite le métal pour investir les recettes
ainsi obtenues sur des actifs à plus haut rendement. Ceux à qui
est prêté de l’or devront plus tard le rembourser,
c’est pourquoi ils ont intérêt à ce que son prix
diminue. S’ils peuvent rembourser leurs dettes lorsque le prix de
l’or est plus bas que ce qu’il n’était
lorsqu’ils l’ont emprunté, alors ils peuvent tirer un
profit substantiel. C’est pourquoi ils se sont associés et ont
lancé des campagnes médiatiques : en vue
d’entraîner une augmentation des ventes et des prêts
d’or et d’en faire chuter le prix. L’un des plus importants
propriétaires d’or était autrefois la Banque Nationale
Suisse. Lorsque cette dernière annonça son intention de vendre
une partie de son or, ce qu’elle annonça en
réalité n’était autre qu’une diminution du
prix de l’or sur le plus ou moins long terme. Cette seconde phase
d’intervention débuta le 21 novembre 1996 à 10h01 du
matin.
Graphique 2 : les
phases de la suppression du prix de l’or
L’une des caractéristiques
principales de cette seconde phase est la présence de conflits
d’intérêts. Ceux qui participaient au carry trade en vue d’en tirer profit voulaient une baisse
du prix de l’or, alors que les banques centrales étaient
satisfaites du prix de l’or et ne désiraient pas
l’influencer plus à la baisse. Pour cette raison, les banques
centrales se sont battues pour que le prix du métal jaune cesse de
diminuer, et même Greenspan, qui était lui-même à
l’origine des interventions sur le marché de l’or. Face
à elles se tenaient les participants au carry trade
et une poignée d’hommes politiques. Le conflit s’est
achevé sur une vente d’or par le Royaume-Uni. Malgré une
tendance à la baisse, une limite fut fixée à 300 dollars
l’once, en plus d’un objectif de prix de 290 dollars sur les
contrats à termes du Comex pour la fin de l’année.
Phase III
A mesure que les étagères
des banques centrales se vidaient de leur or, il devint évident que le
prix de l’or ne pouvait continuer à être maintenu à
des niveaux très bas. C’est pourquoi en mai 2001, le plus
célèbre des carry traders fut
informé qu’une hausse du prix de l’or surviendrait avant
la fin de l’année. Ce qu’il s’est passé
ensuite pourrait tout aussi bien avoir été tiré
d’un roman policier : de nombreux participants au marché qui
désiraient tirer avantage de la situation forcèrent les carry traders hors de leurs positions à
découvert à mesure que le prix de l’or explosait. Tout
commença le 8 mai 2001 à 12h31, malgré leur
récent échec à déclencher une flambée du
prix de l’or. Cette fois-ci, il était clair que le prix de
l’or ne pouvait plus continuer d’être maintenu à la
baisse. En plus de cela, la structure des marchés à terme
était en pleine transformation. Selon le Bureau des Statistiques des
Etats-Unis, les traders commerciaux occupent depuis cette date des positions
à la vente sur ces marchés sur une base permanente. Le
graphique ci-dessous présente les positions des traders commerciaux
sur les marchés à terme.
Graphique 3 :
Positions des traders commerciaux
Cette
troisième phase se caractérise par une hausse du prix de
l’or. L’objectif n’est plus désormais de maintenir
le prix de l’or à un niveau très peu élevé
ou de l’influencer à la baisse, mais d’en prévenir
une hausse trop brutale. La stratégie qui consistait à
alimenter les marchés grâce à l’or des banques
centrales a changé. Jusqu’en 2001, les banques de réserve
ont supprimé le prix de l’or en vendant et prêtant des
quantités de plus en plus importantes de métal physique sur le
marché. Et cela a fini par les mettre en grand danger : leurs
prêts s’élevaient à plusieurs fois la consommation
annuelle et représentaient une quantité de métal que les
banques avaient peine à récupérer par le biais des
vecteurs ordinaires. Depuis 2001, les banques ne vendent plus que les
quantités d’or qu’elles sont capables d’emprunter. En
clair, elles se retournent l’or emprunté à
elles-mêmes. Depuis que cette troisième phase a commencé,
l’or a refait son chemin depuis le marché vers les coffres des
banques centrales.
Phase IV?
Depuis 2008, il a été
question de savoir si oui ou non les interventions sur le marché de
l'or sont sur le point de prendre fin. Au début de la crise
financière, la question de la stabilité de notre système
monétaire a de nouveau été soulevée. Une hausse
trop importante du prix de l’or peut encore être prévenue
grâce aux interventions de marché. Depuis 2008, les fluctuations
intra-journalières du prix de l’or ont été bien
plus importantes qu’au cours des années
précédentes. Mais qu’est-ce que l’or peut bien
avoir à faire avec la crise financière ?
Ce dernier graphique présente la
dette du monde et la compare à son potentiel économique. Les
dettes des pays sont prises en compte, mais également celles des
ménages et des sociétés, qui peuvent aussi être
supportées par le potentiel économique. En plus de cela, la
crise financière a prouvé que l’Etat doit accepter
directement ou indirectement la dette du secteur privé sur ses bilans
afin de prévenir un effondrement.
Graphique 4 : Dette
mondiale et produit mondial brut
Depuis les années 1960, la dette
mondiale a plus que doublé par rapport au produit mondial brut. Ce
type de bulle sur le crédit se termine généralement par
un effondrement et un défaut général. Aujourd’hui,
les nations font tout leur possible pour éviter la déflation et
la crise. Comment la Japon pourra-t-il s’en sortir, lui qui dès
les années 1990 était déjà plongé dans un
océan de dettes ? L’endettement du Japon a
débouché sur une stagnation longue de dix ans, et non sur une
catastrophe (du moins pas encore). Dans le meilleur des scénarios, il
serait possible d’éliminer le problème de la dette
à la manière du Royaume-Uni après la seconde guerre
mondiale. En revanche, cette époque était très
différente de la nôtre. Globalement parlant, cela fait plusieurs
décennies que la dette n’a plus été réduite.
Cela nous mène vers un autre chemin que peut suivre une
économie surendettée : la dette d’un homme est le
droit d’un autre. Si l’inflation augmente, alors ces droits
pourraient entrer en circulation, ce qui se traduirait par exemple par une
fuite d’actifs matériels. En raison des importantes
quantités disponibles de monnaie papier, la demande et les prix sont
en mesure d’augmenter. C’est une situation que nous ne pouvons
pas encore apercevoir, mais si elle venait à se présenter, les
avantages de l’or en tant qu’actif liquide entreraient à
nouveau en jeu – ces mêmes avantages qui ont poussé les
banques centrales à intervenir sur son marché depuis 1993.
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