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Cours Or & Argent

Les effets des possibles taux d’intérêt négatifs sur les marchandises

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Publié le 17 janvier 2016
1419 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Dans mon article de la semaine dernière, j’ai expliqué que les taux d’intérêt négatifs devraient nous mener à un renversement général des préférences des consommateurs depuis la monnaie vers les produits de base.

Les banquiers centraux pourraient espérer que cette conséquence, sous leur contrôle, puisse leur permettre d’atteindre leurs objectifs d’inflation, et ce assez rapidement. Si les gens risquent une taxe sur leurs dépôts, qui n’est que synonyme de taux d’intérêt négatifs, ils réduiront le solde de leurs comptes pour stimuler artificiellement la demande.

Il ne fait aucun doute que les politiques de taux d’intérêt négatifs soient désormais une possibilité, après le recul de la Fed devant une hausse des taux fédéraux en septembre malgré qu’elle ait préparé les marchés à une telle éventualité. De nombreux analystes grand public s’attendent encore à ce que la Fed fasse grimper les taux ces prochains mois, mais des facteurs externes changent rapidement la donne. L’économie chinoise s’écroule sous le crédit, et les pays qui livrent des matières premières à la Chine font soudainement face à un déclin de la demande. Les dettes toxiques sur les marchandises (dont l’énergie) posent de plus en plus problème, comme le prouve l’effondrement du prix des actions Glencore. Le commerce international se contracte aujourd’hui pour la première fois depuis la crise de Lehman.

Les Etats-providence ont passé ces sept dernières années à errer dans l’équivalent économique d’une animation suspendue, dans un climat de réallocation du capital d’entreprises non-productives et surendettées, handicapées par les politiques de taux d’intérêt. Bien que les taux d’intérêt à zéro pourcent n’aient pas fonctionné, les banques centrales n’hésiteront certainement pas à se tourner vers des taux négatifs. Nous savons désormais que la Banque d’Angleterre se penche sur la possible instauration de taux d’intérêt négatifs aux niveaux les plus élevés, auquel cas c’est très certainement une possibilité considérée par toutes les banques centrales majeures. 

Ce serait une lourde décision pour les Etats-Unis. Il ne s’agit pas là de la Suisse ou du Danemark, dont les expériences dans cette direction n’ont aucune conséquence pour la situation d’ensemble. Quelles sont les chances que la Fed opte pour des taux d’intérêt négatifs sur le dollar ?

Deux évènements ont des chances de faire des taux négatifs une possibilité : premièrement, la conjoncture économique globale pourrait se détériorer au point de voir les prévisions de la Fed pencher vers une déflation ; et deuxièmement, les pertes des marchandises et des produits dérivés qui leurs sont associés pourraient menacer la stabilité financière. Parce que le premier cas va souvent main-dans-la-main avec le deuxième, nous devrions nous concentrer sur la possibilité de voir apparaître une déflation. Et nous faisons face à deux problèmes supplémentaires. En plus de la phobie de la Fed pour la déflation, ses statistiques reposent sur des chiffres de l’inflation largement faussés et sous-évalués, et sur un taux de participation à l’emploi exagéré.

Peu importe les craintes des décideurs de la Fed, ils sont mandatés pour agir en fonction des statistiques. Nous pouvons être raisonnablement certains que la Fed sait que la qualité des emplois gagnés ces deux dernières années est relativement faible, et que le pourcentage de la force de travail aujourd’hui en situation d’emploi est proche de records historiques à la baisse. Ceci étant dit, nous continuons de nous concentrer sur l’inflation des prix à la consommation, qui est sapée à la fois par le niveau de la demande et par la baisse des prix des marchandises et de l’énergie.

La baisse des prix des marchandises forcera la Fed à considérer la conjoncture globale. Les économies des marchés émergents représentent aujourd’hui une majorité de la production mondiale en termes de parité de pouvoir d’achat, et elles représentent 40% du commerce global. Si les Etats-Unis attrapaient froid aujourd’hui, le monde n’en serait plus affecté. En revanche, si la Chine éternuait, les Etats-Unis attraperaient son virus, comme le reste d’entre nous. Et il serait une erreur de croire que la Chine s’en soucie réellement.

Le dégonflement de la bulle sur le crédit de la Chine n’est pas son souci premier. Elle a un agenda tout autre. Elle embrassera son ralentissement économique afin d’établir son treizième plan quinquennal, qui sera lancé dans un an. Pour dire les choses autrement, la Chine est un Etat mercantile, et se considère comme une entreprise avec laquelle ses citoyens ont le devoir de coopérer. Voilà qui se heurte à l’attitude des autres nations dont la priorité est le maintien des aides sociales. Il est très commun de faire l’amalgame entre les politiques économiques et ce que nous prenons pour acquis dans les Etats-providence, et les objectifs de la Chine.

Le Président Xi Jinping a pour objectif de reconcentrer l’économie chinoise depuis une source de produits peu chers pour le reste du monde vers une économie de services concentrée sur la technologie et le développement d’infrastructures au travers de l’Asie. Elle a besoin de voir sa force de travail, dont le chômage n’est que de 5%, continuellement instruite et redéployée à ces fins. Cela va à l’encontre des objectifs des Etats-providence, qui ne peuvent pas se permettre d’enregistrer un déclin de leurs recettes fiscales.

En raison de cette différence, c’est l’économie des Etats-Unis qui fait face au plus gros du problème. Dans les esprits des planificateurs centraux, le danger imminent est la déflation. Ainsi, la probabilité de voir des taux négatifs introduits augmentera certainement au cours de ces prochains mois, à mesure que les récents déclins des prix des marchandises et la contraction des échanges internationaux affecteront les prix à la consommation. Les marchés des capitaux et les prix des marchandises devront accepter la possibilité de taux d’intérêt négatifs.

Effets sur les marchandises

Si les taux négatifs devenaient une réalité, les marchés des marchandises devraient s’ajuster à un état général de backwardation, reflétant ainsi le coût anticipé des dépôts par rapport à la propriété de marchandises physiques. Les spéculateurs qui ont ouvert des positions à découvert et sont vendeurs sur le dollar s’attendront à voir le coût des taux d’intérêt négatifs remplacer les intérêts positifs généralement reflétés par les prix à terme. En d’autres termes, tous les participants aux marchés devraient être vendeurs plutôt qu’à découvert. Les effets pourraient en être catastrophiques, comme nous l’a récemment montré le prix du pétrole, qui l’année dernière a été divisé par deux en seulement quelques mois, en raison notamment du renversement des positions spéculatives. Le renversement du prix des marchandises pourrait être tout aussi brutal et inattendu.

Si la hausse des prix des marchandises venait écraser les marges d’opération, l’industrie ne s’en réjouirait pas. Les entreprises sont condamnées à contrôler toujours plus rigoureusement leurs coûts de production en limitant les salaires et leurs niveaux d’inventaires. Parler de taux négatifs avant de les mettre en place pourrait faire grimper en même temps les prix et le chômage. Son introduction aurait des conséquences différentes, puisqu’à ce moment-là, le public se trouverait directement affecté au travers des dépôts bancaires. L’accumulation de produits de base, reflétant le déclin de la préférence du public pour la monnaie en comparaison aux biens, deviendrait ensuite le facteur dominant sur l’évolution des prix. La situation ne serait pas sans ressembler à la stagflation des années 1970, sauf qu’en plus, les prix ne pourraient plus être contrôlés.

Un problème très sérieux pourrait naître sur le marché de l’or. Les prix des contrats à terme sont déjà assez souvent en backwardation, et des taux négatifs ne feraient qu’aggraver la situation. Le véritable problème deviendrait apparent sur les bilans des banques commerciales, qui traditionnellement se positionnent pour bénéficier des taux d’intérêt élevés sur le marché interbancaire par rapport au taux de prêt de l’or. Les taux d’intérêt proches de zéro ont réduit cet écart jusqu’à le rendre insignifiant, mais ce sont les comptes d’or non-alloué qui ont offert ce bénéfice aux banques, et ils excèdent le capital des banques d’au moins dix fois. Personne ne s’est encore éveillé à cette crise naissante, mais si certains le faisaient, les taux négatifs, ou leur simple menace, pourrait plonger le système monétaire sans une profonde crise en exposant le manque d’or physique dans les coffres occidentaux.

Les effets qu’auraient des taux d’intérêt négatifs sur le prix de l’or, et la crise qu’ils génèreraient au cœur du marché financier, sont des réalités qui suffisent à expliquer pourquoi ils ne devraient pas être adoptés. Un autre danger est qu’ils pourraient également déclencher une série d’évènements susceptibles de nous mener vers la destruction du dollar. Il s’agirait de l’expérience finale de banquiers centraux au détriment d’un public qui ne se doute de rien.

 

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