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Pas
un jour ne se passe sans qu’une nouvelle échéance
attendue ne ponctue l’actualité, en règle
générale de manière plus inquiétante que
prometteuse. Hier, Ben Bernanke prononçait
son discours annuel de Jackson Hole (Wyoming),
à l’occasion de l’université d’été
des banques centrales, pour finalement ne rien annoncer sinon qu’il
passait la main. Renvoyant au discours de rentrée de Barack Obama,
à l’occasion du Labor Day qui tombe cette année le 5
septembre. Le sujet du moment n’étant plus les déficits
mais la récession et la question du jour comment combattre les uns
sans précipiter l’autre.
Vers
la fin septembre, il est attendu la décision du Bundestag, qui devrait
ratifier les décisions du sommet des chefs d’État et de
gouvernement européens du… 21 juillet dernier, alors que se
poursuit à propos de la Grèce une course de vitesse en marche
arrière.
Cette
fuite est sans fin et n’apporte pas de solution.
Nous
nous dirigeons vers le centre d’une dépression, où comme
chacun sait règne un lourd et étrange calme plat, alors
qu’autour c’est le gros temps. La Grande Perdition est
désormais arrivée à maturité, elle se manifeste
simultanément dans tous les domaines et l’ensemble du monde développé
: tour à tour financier et économique, politique et social.
Avec une attention particulière réservée au monde
politique, traversé par des contradictions exacerbées et
faisant face à des blocages de plus en plus difficiles à
contourner. Craignant l’arrivée de crises sociales
accentuées, telles qu’elles se répandent dans le monde,
au Chili, en Israël aujourd’hui, avec comme dénominateur
commun la lutte contre les inégalités sociales et dans le cas
de l’Inde contre la corruption.
Aux
États-Unis, le blocage politique provient de l’opposition
irréductible entre les démocrates et les républicains,
à propos de la meilleure manière de réduire le
déficit public. La montée en puissance dans le camp
républicain du candidat ultra-conservateur, le gouverneur du Texas
Richard Perry, ne rend pas optimiste pour la suite. Après avoir
prévu d’envoyer à Barack Obama une « lettre de
licenciement », il a vivement condamné comme étant
« déloyale et traîtresse » toute éventuelle
mesure de relance de l’économie par la Fed et vient
d’ailleurs d’être exaucé, pour des raisons qui ne
sont pas celles qu’il avance.
À
Jackson Hole, la banque centrale étasunienne
vient de rendre tout simplement son tablier, reconnaissant qu’elle est
désarmée, renvoyant la balle au gouvernement et laissant sur
leur faim les analystes qui espéraient, comme celui du cabinet IHS
Global Insight cité par l’AFP, qu’elle affirmerait au
moins « Nous savons ce qu’il faut faire, nous le ferons si
nécessaire. » Le niveau des espérances diminue alors que
la crise s’approfondit.
En
Europe, ce sont les Allemands qui engagent la retraite. À l’offensive,
les idéologues d’un libéralisme toujours renaissant de
ses cendres font alliance sans façon avec les doctrinaires hors du
temps de la Bundesbank, adeptes des vertus de la rétention. Aveugles
au point d’être convaincus de pouvoir continuer à obtenir
le beurre et l’argent du beurre sur leurs marchés
européens, dont la croissance continue diminue au fur et à
mesure que la rigueur s’affirme.
Angela
Merkel enfonce le clou en réclamant une plus
grande implication de la Cour de Justice de l’Union européenne,
qui devrait selon elle être en mesure d’exiger des États
qu’ils revoient leurs prévisions budgétaires si elles ne
sont pas conformes avec le plan de stabilité. Après les foudres
de la BCE, les procédure constitutionnelles
et les mesures de coercition automatiques, voici venu le temps des Cours
suprêmes, aux jugements tout aussi sans appel et à la
légitimité démocratique fort éloignée.
On
piétine : le plan de sauvetage de la Grèce est mis en
péril par des petits pays exigeant des garanties et les hauts
fonctionnaires recherchent d’urgence un montage financier
tarabiscoté de plus pouvant les offrir sans exclusive. Le Fonds de
stabilité financière devrait voir ses missions élargies,
mais sans les moyens correspondants. L’émission
d’euro-obligations – présentée comme une
panacée – est repoussée au jour lointain où les
problèmes qu’elle devraient permettre
de régler auront été préalablement
résolus…
Annonciateur
d’un nouvel irrésistible épisode européen, la
croissance espagnole vient à nouveau de ralentir, atteignant 0,2 % au
deuxième trimestre selon l’Institut national de la statistique.
Elle est tirée par la demande extérieure, qui ne compense que
partiellement le ralentissement de la demande intérieure.
L’emploi continue de décroître et le chômage
officiel atteint 20,89 %. C’est le moment que choisit, avant son
départ, José Luis Rodriguez Zapatero pour à la fois
lancer en urgence une réforme constitutionnelle chargée
d’établir une règle d’or du déficit
public et de lancer un plan de relance de l’emploi dont les objectifs
ne peuvent être que modestes, pour ne pas parler des résultats.
La spirale continue d’être descendante.
Au
Japon, l’expérience de centre-gauche s’effondre, tandis
que le pays s’enfonce. À tort, on ignore la situation du pays,
qui continue de s’essoufler et doit faire
face à la constante réévaluation du yen en raison de la
crise du système monétaire international (SMI) qui
s’accélère et dont il est la première victime
(après la Suisse). Après les interventions coordonnées
des pays du G7, ainsi que les interventions japonaises renouvelées sur
le marché des changes, sans succès, le gouvernement vient de
décider la création d’un fonds spécial de 100
milliards de dollars, pris sur les réserves de change, destiné
à aider les entreprises à investir à l’étranger,
afin d’acquérir des entreprises ou des ressources naturelles. La
délocalisation de l’industrie japonaise passe à la
vitesse accélérée, augurant d’autres
problèmes, notamment au niveau de l’emploi, de la consommation
intérieure et des ressources de l’État. Parachevant le
déséquilibre de l’édifice financier japonais.
Nicolas
Sarkozy tente de donner corps à sa présidence du G20 et
de relancer la réforme du SMI en tentant de convaincre les Chinois
d’accélérer le processus qui pourrait mener à la
convertibilité du yuan, puis ensuite à l’adoption
d’un panier de devises l’intégrant, pour devenir la
monnaie de référence internationale qui graduellement
détrônerait le dollar suivant de savantes procédures
négociées à mettre en place. L’occasion
inespérée d’un swap protégeant les avoirs
en dollars chinois. Mais une transition à froid est-elle vraiment
réaliste ?
Faute
de savoir – si ce n’est dans les mots – comment
résoudre l’équation impossible permettant de conjuguer la
relance à court terme et la réduction structurelle des
déficits à long terme, car les priorités sont en train
de changer, les grands stratèges cherchent une sortie
monétaire. Et l’on reparle d’une banque centrale mondiale,
en filigrane si l’on peut dire, chargée d’émettre
cette nouvelle monnaie qui rééquilibrerait le destin du monde.
Avec toujours l’espoir insensé de dénicher une solution
qui ne soit que monétaire à l’implosion du système
financier qui se poursuit, pour continuer d’évacuer
l’inconcevable perspective qui dégonflerait
l’énorme bulle toujours aussi menaçante : la
restructuration globale de la dette.
Il
sera ensuite temps de s’attaquer aux racines du mal. De stopper la
machine à produire de la dette en redistribuant la richesse, notamment
fiscalement, et d’interdire sans autre forme de procès les
produits et transactions financières spéculatifs.
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