Il ne fait aucun doute que les
évènements qui se sont produits à Dallas aient été profonds et horrifiants.
Les snipers ont commis un acte
vicieux qui porte de lourdes connotations politiques, à une heure où font
rage les débats sur le port d’arme, l’ethnicité et l’Etat policier.
Mais la réponse apportée par la
police est aussi rentrée dans l’Histoire. Non seulement un assaillant a été
tué (ce qui semble assez commun aujourd’hui, bien que ce ne soit pas toujours
justifié), mais la police a aussi utilisé une bombe pour se débarrasser du
danger.
Le personnel militaire et
policier utilise depuis un certain temps déjà des robots pour étudier et
détonner de potentiels explosifs, chose qui n’est pas sans controverse mais n’est
pas souvent contestée.
Mais à Dallas, la police a, pour
la toute première fois, eu recours à un robot pour tuer son suspect.
Voici
la déclaration faite par le chef de la police de Dallas, David Brown :
Un précédent a été établi.
Comme l’a rapporté Kit Daniels, de chez Infowars :
Inquiets pour leur sécurité, les
policiers de Dallas ont eu recours à un robot muni d’une bombe pour tuer l’un
des snipers après l’échec des négociations.
[…]
La police a déjà utilisé par le
passé des robots téléguidés lors de prises d’otages, mais cet épisode marque
la première fois qu’un robot a été utilisé pour tuer un suspect sur le sol
domestique.
La justification en est que la
police pensait ne pas avoir d’autre option, chose qui demeure difficile à déterminer
avec certitude.
Selon David Brown :
« Nous avons pris contact
avec un suspect et avons négocié pendant plusieurs heures. Les négociations
ont pris fin, des coups de feu ont été échangés, et nous n’avons plus eu d’autre
option que d’utiliser un robot armé d’une bombe destinée à détonner une fois
à proximité du suspect. Les autres options possibles auraient exposé les
officiers à un grand danger. »
La possibilité de voir naître
des robots-tueurs est devenue réalité. Et n’oublions pas les drones armés.
Naturellement, la police a
trouvé justifié, frappée par un évènement mortel et chaotique, et en présence
d’un grand danger pour ses officiers, d’avoir recours à un robot armé. Mais
les choses ont tendance à escalader rapidement, et il y a de grandes chances
que les crimes commis à l’avenir reçoivent le même traitement.
U.S. News
& World Report s’est demandé si une telle technologie
devrait être autorisée, et s’est penché sur les problèmes qu’elle est
susceptible de poser :
Le recours à une telle
technologie a immédiatement élicité des comparaisons avec les drones utilisés
à l’étranger. Mais selon les experts, elle pourrait déjà être autorisée par
la législation domestique actuelle.
« L’une des questions qui
se posent inévitablement dans ce genre de situation est celle du caractère
inévitable de la menace, » explique David Jaros, professeur de droit à l’Université
de Baltimore. « Bien évidemment, plus le suspect est isolé, moins le
danger est immédiat, et plus il est difficile de justifier l’usage de la
force. »
[…]
« Le principal obstacle
légal est ici la nécessité de mener une enquête pour déterminer si le recours
à la force a été excessif, ainsi qu’une enquête sur le contexte et les
principes de nécessité et de proportionnalité. Par exemple, y avait-il ‘autres
moyens tout aussi efficaces de neutraliser la cible ? »
[…]
Des centaines de personnes
meurent chaque année lors de confrontations avec la police, et bon nombre de
ces cas sont lourdement débattus. Deux récents incidents auraient inspiré
Johnson de s’en prendre à la police.
Bien évidemment, dans ce genre
de situation, un robot pourrait aussi être déployé pour neutraliser un
suspect dont l’arme à feu serait inutile contre un appareil équipé d’un taser,
de gaz soporiphique ou de toute autre forme de force susceptible d’immobilier
un assaillant.
L’assassin de policiers
devait-il nécessairement être tué ?
Le magazine TIME s’est penché sur
la question :
Il nous faut encore déterminer
pourquoi le suspect a dû mourir.
« Nous pourrions nous
demander pourquoi, s’il leur est possible d’envoyer des robots munis de C4
pour assassiner un suspect, » a expliqué le professeur d’éthique et de
sciences nouvelles de l’Université Polytechnique de Californie, San Luis
Obispo, « le robot n’a pas plutôt été équipé d’un gaz soporifique ou d’un
autre agent non-létal. »
Pour la professeure en justice
criminelle, Gloria
Browne-Marshall, nous assistons au début d’une guerre
civile. La police perçoit les citoyens comme des ennemis potentiels, et une
majorité de la population perçoit la police comme une force agressive et l’arme
d’un gouvernement corrompu.
Gloria Browne-Marshall,
professeur au Collège de justice criminelle John Jay, pense que l’incident
est inquiétant en raison de ce qu’il représente pour les cas futurs :
quels sont les paramètres relatifs à l’usage d’une telle technologie sur le
sol domestique ? « Si nous commençons à utiliser, en tant que pays,
ce genre de technologie contre notre population civile, alors nous avançons
vers une guerre civile. Nous avançons vers une guerre civile, parce que les
citoyens ne croient plus que le gouvernement les protège, et parce que nous
avons un gouvernement qui perçoit les citoyens comme des gens armés à l’encontre
desquels sont nécessaires des tactiques militaires ».
Le recours à un robot-tueur n’a
rendu personne plus en sécurité. Mais il a largement accru le pouvoir de l’Etat-policier.
Cette technologie sera-t-elle un
jour utilisée pour exécuter des mandats, dans le cadre de raids, ou encore à
la place d’un juge et d’un jury ? Jusqu’où pourrons-nous aller ?
Si les snipers qui ont assassiné
les officiers de police à Dallas ont agi en réponse au grand nombre de morts
inacceptables dont est responsable la police, alors nous pouvons nous
attendre à plus d’Alton Sterlings et de Philando Castiles, et à plus d’assassinats
de policiers par divers groupes.
La situation ne semble pas
prometteuse pour un pays qui est déjà au bord du gouffre et plus divisé que
jamais.