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L’Espagne
vient soudainement de prendre l’avantage sur l’Italie, la lutte
entre les deux s’annonce serrée… Reconnaissant un fort
dérapage, Luis de Guindos, le ministre
espagnol de l’économie, craint désormais que le
déficit public ne dépasse le taux de 8 % du PIB –
l’objectif initial de 6 % enfoncé – une partie importante
de ce dépassement provenant selon lui des 17 régions autonomes.
“Nous
sommes face à une situation très difficile, très
complexe, sans doute la plus difficile de ces dernières
décennies en Espagne”, a-t-il commenté, en ajoutant
à la radio : “si nous serrons uniquement la vis en termes de
rigueur économique, de coupes dans les dépenses, nous sommes
peut-être en train de nous attirer des ennuis”.
Faisant
référence au sommet européen du 30 janvier prochain,
présenté comme devant traiter le dossier social, le
ministre en a tiré comme conclusion que “nous devons tous
réduire le déficit public, mais je crois aussi que nous devons
donner une impulsion aux réformes économiques, parce que
l’Europe ne peut pas se contenter d’une simple politique
économique de rigueur budgétaire”.
Mario
Monti, le président du Conseil italien, n’a pas tenu un langage
très différent, en considérant que “les turbulences
financières ne peuvent pas être considérées comme
terminées” et qu’il faut leur apporter au niveau
européen “une réponse commune, solidaire”.
N’avançant lui aussi qu’à pas comptés pour
expliciter son propos, il a appelé les autorités allemandes
à “ne pas tomber dans une perspective de court terme”, en
se concentrant uniquement sur la discipline budgétaire. Assurant
qu’il ferait “tout pour éviter les tensions
sociales”, Mario Monti a dans l’immédiat préféré
ne pas annoncer les mesures qui permettrons de
“favoriser la croissance et la compétitivité à
travers un grand effort partagé et concerté”.
Les
dirigeants européens voudraient se donner des marges de manœuvre,
coincés entre les injonctions de la Bundesbank et la
sévère crise sociale qui résulte de leurs plans
successifs de rigueur, là où ils sont déjà
appliqués. Mais Jens Weidmann, son
président, ne leur a pas donné beaucoup d’espoir,
martelant que “une des leçons de la crise est qu’il ne
faut pas différer la consolidation”. Eux craignent, en exigeant
trop, de réveiller le vent de la contestation et vont naviguer au plus
près.
Le
premier ministre britannique n’a pas été en reste,
s’engageant “à faire davantage pour remettre sur pied
l’économie”, faisant déjà valoir que les
Jeux Olympiques de 2012 et le jubilé de diamant de la reine
étaient pour les Britanniques une “formidable motivation pour
regarder de l’avant”. Enfin, chacun choisissant sa manière
d’exprimer la même idée sans au grand jamais la préciser,
Elio Di Rupo, le nouveau premier ministre belge, a énigmatiquement
déclaré que “nous devrons transformer les
difficultés en nouvelles opportunités. Il est fondamental de
poser les fondations pour des lendemains meilleurs”.
Au
pied du mur, reconnaissant que la société grecque était
“durement éprouvée”, le premier ministre grec Lucas
Papademos a quant à lui
préféré avouer qu’il n’y avait pas de
“solution magique”, et qu’il fallait poursuivre
“l’effort douloureux” pour éviter “la faillite
désordonnée et catastrophique” et la sortie de
l’euro. Embourbé dans de difficiles négociations sans
fin, le gouvernement grec s’apprête à devoir satisfaire de
nouvelles exigences de la Troïka, touchant les retraites et
l’emploi public.
Angela
Merkel s’attend à une année
“plus difficile” que la précédente,
prédisant que “au bout de ce chemin, néanmoins,
l’Europe ressortira plus forte de la crise qu’elle n’y est
entrée”, tandis que Nicolas Sarkozy se recentre sur un discours
électoral, jouant sur la peur pour mieux exciper de son hypothétique
rôle de sauveur de dernier ressort.
Tous,
il leur faudrait trouver autre chose que des mots, de vagues formules
incantatoires. Mais la poursuite de la libéralisation constitue
leur seul horizon, et le renforcement de la compétitivité
leur unique porte de sortie. En refusant de sortir de leur cadre intangible,
ils continuent de se révéler les meilleurs artisans de leur
propre défaite.
Billet rédigé par
François Leclerc
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