|
Dès les
origines, les hommes ont observé que les pommes tombaient au sol en se
décrochant des arbres mais il a fallu attendre Newton pour comprendre
les lois de la gravitation universelle. Il en va de même des
phénomènes économiques en général, et
monétaires en particulier : on les observe depuis des siècles
mais il faut du temps pour en comprendre le mécanisme.
A
l’époque romaine, la monnaie se présente sous forme de
pièces métalliques en or, argent, cuivre ou bronze. La planche
à billet n’existe pas encore. L’empire romain s’est
bâtie par une succession de périodes de guerres,
destinées à conquérir de nouveaux territoires, et de
périodes de constructions : les romains étaient de grands bâtisseurs.
Mais les romains ne disposaient pas assez de richesses pour financer les
guerres (payer les soldats, ceux qui touchent la solde) ainsi que les travaux
de construction.
C’est pourquoi
les empereurs ont rapidement manipulé la nature et le poids des
pièces en circulation. Ainsi, l’aureus, pièce d’or
de 7,2 g sous Néron, fut remplacé par le solidus de 4,5 g, qui
se maintint ensuite en France sous le nom de sol, puis de sou. Les
pièces nouvelles contenant moins d’or, on pouvait mettre en
circulation une quantité plus importante de pièces avec la
même quantité d’or. Mais pour obtenir la même
quantité d’or en échange de sa marchandise, le
commerçant augmentait les prix. On ne défie pas
impunément l’économie…
Pour lutter contre
l’inflation, les empereurs allaient s’attaquer non pas à
la cause de l’inflation (l’augmentation de la masse
monétaire en circulation, c’est-à-dire de la
quantité de pièces dépréciées) mais
à son effet (hausse des prix) en interdisant l’augmentation des
prix sous peine de mort. Il est vrai que les romains, contrairement aux
grecques, ne disposaient pas de connaissances économiques leur
permettant de faire un lien entre prix et quantité de monnaie en
circulation.
Malgré
l’évolution de la science économique, la tentation de
bloquer les prix (agir sur les effets plutôt que sur les causes) pour
lutter contre l’inflation a toujours été présente
chez les hommes de pouvoir. Ainsi, les dirigeants de l’union
soviétique bloquèrent les prix des denrées de
première nécessité, croyant pouvoir ainsi
éradiquer l’inflation. En fait, ils ne firent qu’engendrer
pénurie et files d’attente devant les magasins vides. Plus
près de nous, le gouvernement français pratique le gel de
certains prix comme le gaz, l’essence, les loyers ou encore les tarifs
des médecins.
A l’heure
où l’on attend tout de la réglementation, l’histoire
enseigne que l’inflation est née de la toute première
réglementation monétaire qui consista à marquer les
pièces d’or d’une effigie royale et d’en imposer le
cours forcé ou cours légal. Car, réfléchissons un
instant, pourquoi imposer le cours d’une monnaie en or ? De tout temps,
tous les agents économiques acceptaient spontanément
l’or. De ce fait, les pièces d’or n’avaient nul
besoin d’être marquées d’une effigie officielle
(tout comme les lingots d’or aujourd’hui). Leur poids en or
faisait leur valeur réelle. L’or ne « fond » pas et
conserve la valeur, premier service que l’on attend d’une
unité monétaire. Or, l’inflation fait « fondre
» la valeur de la monnaie. Et quand ils en ont le choix, les agents
économiques préfèrent toujours se débarrasser de
la monnaie qui perd sa valeur. Personne ne veut mettre ses économies
dans un coffre percé…
Mais, les rois ont
toujours eu à faire face à des problèmes de finances
publiques, notamment pour financer les dépenses de conquêtes, de
guerres ou tout simplement le maintien du train de vie et du prestige de
l’Etat. Et face à un peuple au bord de la misère, ils
leur étaient difficiles d’augmenter indéfiniment les
impôts au risque d’être impopulaires et de provoquer des
révoltes dangereuses pour la couronne.
Même s’ils
s’entouraient volontiers d’alchimistes, ils ne sont pas parvenus
à transformer le plomb en or. Alors ils ont compris qu’ils
pouvaient produire plus de pièces d’or avec la même
quantité d’or en coupant les pièces d’or avec un
autre métal. A partir de ce moment là,
la valeur faciale ou valeur nominale de la pièce d’or ne
correspondait plus à sa valeur réelle,
c’est-à-dire son poids physique en or.
Bien-sûr, les
agents économiques allaient s’en apercevoir et refuseraient
d’être payés avec de telles pièces préférant
utiliser les pièces non manipulées. Alors les rois ont
marqué de leur effigie ces pièces et en ont imposé le
cours, ouvrant la voie au contrôle de la masse monétaire par le
pouvoir central.
En réponse, et
puisqu’ils n’avaient plus le choix des monnaies, les agents
économiques augmentaient les prix pour compenser la perte de valeur de
l’unité monétaire officielle et imposée. Ce
mécanisme sera encore plus facilité avec les billets de banque
centrale, dont le coût de production est infime, d’autant plus
qu’avec l’époque moderne, ils ne sauront plus du tout
rattachés à un équivalent-or. Et, comme l’a
souligné Milton Friedman, le XX° siècle inaugura «
l’ère de l’inflation », voire de
l’hyperinflation dans de nombreux pays.
|
|