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Pas de sacre du printemps

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Publié le 24 mars 2011
1311 mots - Temps de lecture : 3 - 5 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Il va être plus difficile que prévu de présenter le prochain sommet comme un véritable sacre, comme José Manuel Barroso, président de la Commission de Bruxelles, s’est imprudemment aventuré à l’espérer, en déclarant : « L’Union européenne fait actuellement un énorme pas en avant, qui aurait été inimaginable il y a un an ».

 

Non seulement le Portugal, désormais au centre de la zone des tempêtes, va devoir se résoudre à rejoindre la Grèce et l’Irlande dans le camp des condamnés – même si pour éviter une fâcheuse simultanéité avec le sommet, un petit répit va lui être accordé – mais parce que l’accord acquis lors de la réunion des ministres européens des finances ne tient plus, remis en cause par Angela Merkel sous la pression des parlementaires de sa majorité. Le financement de l’actuel fonds de stabilisation financière (EFSF) et de son successeur, le MES, est en question.

 

Il en résulte une double conséquence : l’Espagne est désormais en première ligne, et les moyens de financement pour l’aider, si nécessaire, ne répondent pas à l’appel dans l’immédiat. La fin du mois de juin prochain a été fixée comme date butoir pour parvenir à un accord financier, mais la partie s’annonce délicate en raison de l’évolution de la situation politique allemande, d’autant que de nouvelles défaites aux élections régionales menacent la majorité au Bundesrat, la seconde chambre.

 

La volte-face d’Angela Merkel – prenant à contre-pied son ministre des finances, Wolfgang Schaüble – a d’autres raisons. En premier lieu toujours électorales, puisqu’en demandant un étalement des contributions allemandes, elle tente de préserver l’application de son programme qui prévoit des diminutions d’impôts. Mais aussi plus fondamentales, car il lui est impératif de donner l’exemple en matière de réduction des déficits, si elle veut pouvoir imposer le même régime à ses partenaires européens. Alors qu’elle risque de se trouver devant d’autres besoins de financement, afin de recapitaliser son système bancaire, si le tour de passe-passe que les futurs tests représentent n’en escamote pas totalement la nécessité.

 

Toujours sous-estimés au départ, les besoins de financement des uns et des autres s’accroissent. Soit parce que la situation des banques est encore pire que prévu ou annoncé – c’est le cas en Irlande ou en Espagne – soit parce que les rentrées fiscales sont moindres que les prévisions optimistes le prévoyaient, situation que rencontrent les Grecs. Ces derniers ont entamé le processus de privatisation d’actifs, tandis que les Irlandais se préparent à demander une aide financière supplémentaire aux Européens. La situation des Espagnols est suspendue en l’air, mais il est peu probable que l’appel aux investisseurs privés permette à l’Etat d’éviter à terme de mettre la main à la poche, contrariant ses objectifs de réduction du déficit public.

 

Depuis sa citadelle inexpugnable de Francfort, Jean-Claude Trichet continue au nom de la BCE de tonner, annonçant que « nous sommes à mi-chemin des réformes complètes appelées par la crise », faisant ainsi référence au compromis insatisfaisant que représente le « pacte pour l’euro » que les dirigeants européens devraient adopter cette fin de semaine. Ou bien au système financier, dont il estime qu’il nécessite « davantage de réflexion et une surveillance du bon fonctionnement des marchés financiers, pour éviter une volatilité excessive » et « l’influence excessive d’acteurs dominants ». Un programme justifié a minima, car la finance doit selon lui n’être jugée qu’à l’aune d’un seul critère : la fourniture ou non du « financement approprié à l’économie réelle d’une façon stable ». Pour, le reste, qu’elle s’amuse donc comme elle l’entend !

 

L’idéologie néo-libérale a d’autres bastions, à commencer par la Commission européenne. Celle-ci vient d’annoncer qu’elle voulait réviser les règles concernant les subventions accordées à des services publics, selon l’échelle de ceux-ci. On ne peut avoir plus le sens de l’opportunité !

 

Entre temps, l’inflation grimpe à 4,4 % sur un an en Grande-Bretagne, tandis que le chômage officiel se hisse à 8 %, et que le déficit public croît. Plus que jamais, la banque d’Angleterre est écartelée, prise entre la lutte contre l’inflation et l’aide à la relance de l’économie. Dans la perspective d’une hausse de ses taux, la livre anglaise remonte contre le dollar, compliquant la tâche des exportateurs.

 

Présenté au parlement, le budget 2011-2012 confirme le plan d’austérité, à l’exception de quelques mesures ciblées en faveur des classes moyennes. Il ne peut qu’enregistrer des perspectives de croissance en baisse, diminuant les marges de manœuvre du gouvernement. La principale mesure en faveur de la croissance est la création de « zones franches », rappelant l’ère Thatcher, et la diminution de l’impôt sur les sociétés, le seuil de l’imposition sur les revenus étant par contre relevé.

 

Cette question de l’impôt sur les sociétés continue de faire obstacle à un accord entre Européens et Irlandais, la Banque Mondiale venant de remettre en perspective le débat sur la baisse du taux irlandais d’imposition des bénéfices des entreprises : elle a établit qu’il était plus bas en France, en Belgique et au Luxembourg…

 

Les discussions ne seront de toute façon pas terminées pour autant, quand bien même un compromis serait trouvé, une nouvelle évaluation des besoins de financement liés à la restructuration des banques irlandaises étant en cours. 10 milliards d’euros étaient prévus à ce titre dans le plan de sauvetage, on en serait déjà à une fourchette de besoins entre 19,5 et 24,3 milliards d’euros, selon la maison de courtage Davy.

 

En Espagne, les additions continuent de même à s’alourdir également, les prix de l’immobilier ayant chuté de 40 % à 45 % selon les estimations, augmentant les dépréciations et les besoins de recapitalisation des banques. Faisant bonne figure, Elena Salgado, ministre des finances, explique que l’Espagne tiendra le coup si la BCE augmente son principal taux, fragilisant la restructuration en cours des cajas (caisses d’épargne espagnoles).

 

Quand ce ne sont pas les dépenses qui augmentent, ce sont les recettes qui font défaut. Les Grecs doivent constater la chute de leurs rentrées fiscales, qui n’est que partiellement compensée par les mesures de rigueur adoptées et appliquées. Le déficit augmente par voie de conséquence, ce qui a amené le gouvernement à accroître son programme de privatisations. Initialement de 7 milliards d’euros, il est passé à 50 milliards d’ici 2015.

 

De tous côtés, sans même attendre que des défauts sur la dette n’interviennent, il se confirme que le grand plan stratégique impulsé par les Allemands ne tient pas la route. Les Portugais en feront demain simultanément les frais et la démonstration. Faut-il en conclure que l’éclatement et le redimensionnement de la zone euro est inévitable ? Il est de moins en moins possible de l’exclure à ce train-là.

 

Présentée la veille de l’ouverture du sommet européen, une étude de Standard & Poor’s tente opportunément de décrire un « scénario du pire » pour la période 2011-2015. Il combine une augmentation des taux du marché obligataire de la Grèce, de l’Irlande, de l’Espagne et du Portugal, associée à une explosion de leur dette publique lié à la chute du PIB et l’accroissement du chômage. Aboutissant à un assèchement du système financier au détriment du secteur privé, qui alimentera à son tour leur récession.

 

La dynamique qui est engagée suivra-t-elle ce scénario ou sera-t-elle enrayée et comment ? Les calculs politiques et électoraux proches de la désinvolture que l’on continue d’observer n’y suffiront pas.

 

Les uns ont peur d’être sauvés, certains de ce qui les attend, les autres refusent de jouer les sauveurs. Les tenailles continuent de se refermer.

 

Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.   

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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