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Les lieux communs
sont des expressions simplificatrices porteuses d'idées implicites
tellement galvaudées que plus personne ne pense à s'interroger
sur leur réelle pertinence.
En politique, les
lieux communs sont d'usage fréquent, car ils permettent de tenir lieu
d'ersatz d'intelligence aux politiciens les plus incultes. Malheureusement,
leur acceptation sans examen critique par la population permet à ces
mêmes politiciens, et surtout aux lobbys qui vivent des conseils qu'ils
leur prodiguent, de justifier des mesures souvent coûteuses,
attentatoires aux libertés individuelles, et aux résultats
parfois catastrophiques.
Le lieu commun,
tel que le réchauffement climatique, la folie des marchés
financiers, le transport multimodal ou le développement durable, est
rabâché aux populations par un matraquage
politico-médiatique sans relâche. Nombre d'idiots utiles du lieu
commun s'auto-intoxiquent des préjugés sous-jacents au point
d'en devenir des zélotes quasi religieux. Dans les entreprises, des
séminaires lieu-communards sont organisés pour lobotomiser,
pardon, "sensibiliser" les troupes aux nouvelles valeurs
lieu-communistes que l'entreprise adoptera dans son énième plan
stratégique.
Le lieu commun
est la plaie de la vie intellectuelle, sociale et politique. Or, le lieu
commun y est omniprésent.
Il est donc
essentiel, bien que la tâche soit souvent malaisée, de
confronter les lieux communs aux faits. Pour commencer, je vais m'attaquer
à un lieu commun peu connu du grand public: l'étalement
urbain, dont certains voudraient nous faire croire qu'il constitue l'une
des pires menaces contre la qualité de vie, l'environnement, la faim
dans le monde, et la stabilité climatique. Non, je
n'exagère pas !
L'étalement
Urbain, une fausse menace à démystifier d'urgence
L’étalement urbain (en Anglais, "sprawl")
est un des grands lieux communs de l’urbanisme et de
l'aménagement du territoire aujourd'hui. C'est un sujet dont le grand
public se fiche éperdument, ce qui permet à des politiciens et
des technocrates de se saisir de cette problématique pour tenter de
planifier les utilisations futures de la terre.
Pourquoi s'en
prendre à un lieu commun d'ordre apparemment aussi secondaire, me
direz vous ? Parce qu'il n'est pas aussi secondaire que cela. Au nom de la
lutte contre l'étalement urbain, ont été prises par le
passé des décisions qui coûtent aux ménages
Français plusieurs milliards d'Euros
chaque année.
La lutte contre l'étalement urbain est la justification principale
des politiques de planification spatiale en vigueur en de nombreux endroits
du monde (exemple: "smart
growth policies" américaines) et qui
aboutissent à rationner le foncier constructible des zones
géographiques concernées, conduisant à la
formation de bulles immobilières lorsque la demande de
logement est très solvable. Ces bulles, non contentes d'organiser un vaste
transfert de richesses des classes moyennes vers les
catégories plus aisées, ont été sans aucun doute
sinon les initiatrices, du moins les amplificatrices de la crise des subprimes.
(pour mes nouveaux lecteurs qui ne voient pas le rapport entre lutte
contre l'étalement urbain et crise des subprimes, en voici mon explication, et, si cela ne
vous suffit pas, celle du récent prix Nobel d'économie Paul
Krugman).
Manifestement,
extrêmement rares sont ceux qui font la relation entre ces politiques
et la crise actuelle, dont les causes sont si complexes et multiples que
personne -- sans me
vanter, peut être... moi ?
-- ne semble avoir une vision intégrale de tous les mécanismes
qui y ont contribué. Aussi les politiques de lutte contre
l'étalement urbain, sous de multiples prétextes de nature le
plus souvent environnementale, continuent d'être promues par nos
gouvernements, sous des formes diverses. La Californie, pourtant
touchée par la plus forte bulle immobilière jamais
rencontrée de mémoire d'économiste, envisage de renforcer ses lois anti-étalement. Cela
pourrait nous être indifférent, mais la situation de l'hexagone
n'est guère meilleure, puisque le
"Grenelle" de l'environnement a consacré la lutte contre
l'étalement urbain comme une absolue nécessité,
afin de réduire, soi disant, nos rejets de CO2, ce qui ne peut que .
Il est donc
urgent de se demander si les problèmes imputés à
l'étalement urbain constituent bel et bien les calamités que
les publications d'urbanistes professionnels nous dépeignent, et si
les risques environnementaux inhérents à l'étalement
urbain valaient bien quelques dizaines de milliers de SDF de plus et
l'effondrement du système financier international.
Avec l'aide de
Christian Julienne, président du Think Tank Héritage et progrès,
et ancien professionnel de l'immobilier, dont je m'inspire très
largement (*),
revisitons la mythologie que les professionnels de l'urbanisme bureaucratique
propagent allègrement.
Plus qu'un lieu
commun : une mystification !
On trouve le
terme à connotation péjorative "étalement
urbain", préféré à "expansion
urbaine" -- trop
flatteur ! -- dans tous les discours sur le sujet, avec quelques
synonymes qui se veulent tout aussi méprisants :
- La "consommation d’espace"
est un concept biaisé et intellectuellement déficient.
L'espace est utilisé de mille et une façons, il est inepte
d'affirmer que certains de ces usages constituent une
"consommation", et pas d'autres. Ceux qui utilisent ce concept
considèrent généralement que l’urbanisation
consomme de l’espace, alors que l’agriculture ou la
sylviculture ne le font pas. Cette distinction ne peut que
résulter d’un préjugé négatif
vis-à-vis de l’urbanisation, phénomène il est vrai parfaitement
nuisible du point de vue d'un éco-planificateur, puisqu’il
ne sert qu’à loger et à procurer des bassins
d’emploi à de misérables êtres humains.
- La "destruction des sols"
du fait de l’urbanisation, à rapprocher de la
"consommation d’espace", et tout aussi biaisée.
Par définition, le sol n’est jamais
"détruit" ! Par contre, bien sûr, les sols voient
leurs usages se transformer avec le temps.
- L’ "artificialisation des sols"
est un concept tout aussi absurde car, en dehors des massifs montagneux,
des glaciers et de quelques forêts primitives, tous les sols sont
artificiels à des degrés divers. L'on peut toutefois le
définir assez justement comme les sols qui ne peuvent être
rendus à l'état de "pure nature" par simple
abandon. C’est cette définition qui sera reprise par la
suite.
Ces
définitions induisent, dans l'esprit de ceux qui les utilisent,
l'idée que certaines utilisations de l'espace disponible auraient
moins de valeur que d'autres, la valeur n'étant ici pas jugée
à l'aune d'un calcul économique ou d'une analyse
scientifiquement rigoureuse, mais des préjugés
environnementalistes ou naturalistes en vigueur.
Depuis que
l’homme a créé les premiers villages, il y a eu
"étalement urbain". L’habitat a été
longtemps concentré dans des villages et des villes
protégées contre les invasions puis contre le brigandage, qui
ne cessèrent vraiment qu'au tournant de la restauration. Dès
que les hommes ont pu se passer de murailles, ils ont sans cesse agrandi et
élargi leur espace voué à l’habitat et la vie
collective.
Selon les
recherches historiques de Christian Julienne, déjà cité,
voici comment ont évolué les utilisations non agricoles de
l’espace au cours des temps :
"De
1600 à 1945, l’occupation (Nd. Oblib’ : comprendre «
artificialisation », au sens des anti-étalement…)
de l’espace par l’homme passe d’environ 1 % à 4 % du
territoire national. Avec 26 millions d’habitants (sans la Savoie, Nice
et l’Alsace-Lorraine) les Français, ruraux à 84 %,
occupaient déjà environ 1 % de l’espace au XVII et au
XVIIIème siècle, non pas en raison des villes, enfermées
dans leurs remparts, mais par l’importance des villages,
châteaux, églises, cours de fermes, bâtiments agricoles,
basses-cours, aires de battage, chemins ruraux, industries et artisanats
agricoles divers.
Cette
proportion est restée assez stable jusque dans les années
1840/1850, la France ayant pris vingt ans de retard par rapport à
l’Angleterre pour son urbanisation.
C’est
entre 1850 et 1920 que les Français commencent à occuper un
espace plus important avec l’extension du chemin de fer (le
réseau passe de 5 000 à 49 000 kilomètres), la
construction des usines hors les murs, souvent accompagnée de
l’habitat ouvrier, la destruction des remparts
(généralisée entre 1840 et 1870). La ville du
Moyen-âge disparaît progressivement. Les remparts deviennent les
grands boulevards, la banlieue se développe d’autant plus que
l’habitat ouvrier est presque toujours un habitat horizontal. Les Corons
du Nord en sont l’exemple le plus mauvais, les ensembles de maisons
individuelles accolées deux par deux, construits par les compagnies de
chemins de fer ou les industriels alsaciens, l’exemple le plus
sympathique.
C’est
ainsi qu’avant la guerre de 1914, on passe à environ 2,50 % du
territoire occupé en permanence par l’activité et
l’habitat humain alors que la population n’augmente que de 33 %,
passant de 29 à 39 millions.
De
1918 à 1950 le besoin d’espace augmente en fonction de deux
facteurs : l’essor de la construction de maisons individuelles
favorisé par une législation favorable à la
propriété sociale et à la maison individuelle (lois
Ribot, Loucheur…), les débuts de l’automobile – le
parc de véhicules atteint 2,5 millions en 1939 – et des deux
roues motorisées ou non : la population ouvrière fait
facilement 4 à 6 km de trajet domicile-travail pour conserver son
habitat rural. Durant cette période, la population reste stable mais
s’urbanise de façon importante. L’agriculture
représente moins de 30 % de la population active au lendemain de la
seconde guerre mondiale. L’espace occupé par les hommes atteint
alors environ 4 % du territoire.
De
1945 à aujourd’hui, l’espace occupé par les hommes
double.
Les
soixante années d’après guerre ont provoqué une
transformation radicale de la société française dont on
peine à prendre la mesure. La France a beaucoup plus changé en
soixante ans qu’en cinq siècles. Et d’abord sur le plan
démographique : 62 millions aujourd’hui, un peu moins de 40 en
1939 mais déjà 20 millions sous Louis XIII.
Et
ces 60 millions d’habitants vivent de façon totalement
différente :
>
ils ont fait la révolution automobile et possèdent
aujourd’hui 36 millions de voitures, contre 2 millions avant guerre. Il
a fallu construire garages et parkings, et surtout développer un considérable
réseau routier et autoroutier. Les espaces réservés au
transport sont deux fois plus importants aujourd’hui qu’hier,
bien que la France ait été déjà connue pour la
qualité de ses routes sous l’ancien régime.
>
le parc de logements ne dépassait guère 12 millions avant
guerre ; il est passé à environ 32 millions avec quelques 10 %
de résidences secondaires et 6 % de logements vacants. Ces logements
sont de plus en plus grands et chaque Français dispose en moyenne
d'environ 37 m².
>
les bâtiments d’activité se sont profondément
transformés : la création d’hypermarchés et de
grands centres commerciaux en périphérie a conduit à la
réalisation de vastes parkings occupant de grandes surfaces. Usines et
entrepôts mettent un point d’honneur à s’entourer de
petits ensembles paysagers et/ou de pelouses. Les visiteurs doivent aussi
pouvoir y parquer leurs voitures.
>
les équipements de loisirs se sont multipliés : stades,
terrains de foot, parcs et jardins publics, espaces de jeux pour les enfants,
etc."
Il est à
noter que de nombreuses recherches conduites à l’étranger
(exemple: Ed Glaeser (pdf),
le meilleur économiste des phénomènes urbains actuel)
aboutissent aux mêmes conclusions. L’essor démographique
des cités, conjugués avec l’avènement de moyens de
mobilité d’abord collectifs, puis individuels, toujours plus
performants et meilleur marché, ont provoqué au cours du
XXème siècle une expansion des surfaces urbaines plus rapide
qu’au cours des siècles précédents. Cette
expansion a permis aux familles d'accéder à un confort, un
accès aux loisirs et un espace de vie que les
générations pré-automobile ne pouvaient guère
espérer. En outre, l'auto-mobilité a été un
puissant facteur d'amélioration de notre niveau de vie en permettant
à une personne d'étendre considérablement sa "zone
d'employabilité", et donc de faire jouer la concurrence avec un
plus grand nombre d'employeurs. Les effets économiques très
positifs de l'étalement urbain sont indiscutables.
Cette expansion
n'a en aucun cas fait disparaître la terre agricole ou
forestière. En Grande Bretagne, le territoire urbanisé (pas
exactement la même définition qu’en France, données
non comparables) n’atteint que 8%, et 3% aux USA. Même des pays
à densité plus élevée que la notre (Allemagne,
Belgique, Pays Bas…) conservent encore une large majorité
de terres non "artificialisées".
L'étalement
urbain s'opère-t-il au détriment des activités agricoles
?
Résultat
de ce développement ? selon diverses sources statistiques (INSEE,
DATAR), les surfaces occupées par les hommes se situent
aujourd’hui entre 8 et 9 % du territoire, soit au maximum 50 000 km2,
contre environ 14 000 Km2 lors de l'immédiat après première
guerre.
Ces
évolutions se sont produites sans que la moindre pénurie
d’espace physique ne soit observée. En effet, dans le même
temps, la productivité agricole a augmenté de façon
extraordinaire. La production agricole a été multipliée
par 4 entre 1920 et 2000. Pendant le même temps, la surface agricole
utile, y compris les prairies, diminuait de 25 % passant de 38 à 29
millions d’hectares (de 69% à 53% du territoire), soit une
diminution de 9 millions (16% du territoire), dont ont principalement
bénéficié les espaces forestiers.
Par conséquent,
l'espace "artificialisé" a augmenté en 90 ans de 3,6
millions d'hectares, mais l'espace dédié à l'agriculture
a diminué presque trois fois plus rapidement, ce qui signifie que la
perte d'espace agricole n'est absolument pas due à un grignotage de l'espace
disponible par la ville mais a tout simplement résulté d'un
moindre besoin de terre pour produire ce dont les marchés ont besoin.
L'argument selon
lequel l'étalement urbain "mangerait",
"consommerait", ou "détruirait" l'espace agricole
disponible est donc une billevesée qu'il faut combattre avec force.
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Le ralentissement
démographique va réduire la propension à
l’expansion urbaine
Si
l’urbanisation touchait les dernières années entre 55 et
60 000 hectares par an (0,1 % de la surface du territoire), le rythme tend
plutôt à décroitre, et tout porte à croire que
cette expansion urbaine ne sera pas un problème à
l’avenir.
En effet, 60 000
hectares annuels peuvent paraître effrayants en première lecture,
et les publications officielles des bureaucraties en charge de lutter contre
ce faux problème (il faut bien vivre...) ne se privent pas d'agiter ce
chiffre comme un épouvantail. Mais cela ne représente
guère que 600 kilomètres carrés, soit 1.1 pour mille de
la surface de la France métropolitaine. Cette augmentation du besoin
d'usage des sols provient essentiellement de l'augmentation de la population,
et plus encore du nombre de ménages, car un ménage engendre un
besoin de résidence principale.
En 2000, la part
"artificialisée" du territoire représentait 43 000
km2 sur 550 000, soit 7,8% environ. Si l'on augmentait de 600km2 annuels la
surface occupée pendant 50 ans, la surface artificialisée en
2050 représenterait 13,3% du territoire. Pas de quoi menacer la survie
des forêts ou de l'agriculture, nous l'avons vu ! Mais en outre, toutes
les tendances démographiques indiquent que l'augmentation de
consommation spontanée de surface devrait se réduire dans les
années à venir.
En effet, le
chiffre de 60 000 hectares annuels a été calculé sur la
base des années 90, décennie pendant laquelle la population de
France métropolitaine a augmenté de 1,8 millions de personnes,
et surtout, le nombre de ménages a augmenté de 2,5 Millions
d'unités, du fait de l'abaissement rapide du nombre de personnes
par ménage, résultant à la fois du vieillissement
accéléré de la population (les personnes
âgées vivent à 1 ou à 2, faisant baisser la
moyenne) et de l'augmentation de 50% du nombre annuel de divorces depuis 15
ans. (Source : Insee,
catégorie "population" ).
Or, les
prévisions de l'INSEE tablent sur un ralentissement de ces tendances.
La population, qui a cru de 0,43% par an dans les années 90, ne
devrait plus croître que de 0,3 à 0,35%, et la hausse du nombre
de ménages, qui a explosé de 1,1% en rythme annuel, devrait
revenir en moyenne à 0,7% dans les 50 prochaines années, avec
un aplanissement progressif de la courbe. De surcroît, les personnes
âgées tendent à privilégier des surfaces d'agrément
(jardins, etc...) moindres, car leur entretien est difficile.
La
"consommation" d'espace par l'urbanisation devrait donc voir son
accroissement naturel ralentir. Si les prévisions
démographiques de l'INSEE se révèlent exactes (l'INSEE
ne peut prévoir tous les phénomènes de façon
fiable, notamment les phénomènes de rupture: variations de flux
migratoires, conflits, etc...), la part du territoire "non naturel
– non sylvicole - non agricole" ne devrait guère
excéder 10 à 12% en 2050.
Voilà qui devrait relativiser les discours alarmistes des
pseudo-experts qui ne jurent que par l'accroissement de la densité de
peuplement des villes pour empêcher les humains, en nombre croissant,
"d'annexer la nature". D'un point de vue quantitatif, compte tenu
des évolutions démographiques prévisibles,
l'étalement urbain n'est pas une menace significative.
Cela est encore
plus évident si l’on observe dans le détail les usages de
la terre "artificialisée" (Source C.Julienne) :
Autoroutes, routes, parkings, chemins
ruraux
|
38,2%
|
Pelouses, c’est-à-dire
zones vertes entretenues non agricoles, bordures d’autoroutes,
terrains de sports,
aérodromes, jardins publics
|
24,5 %
|
Logements et bâtiments de tous
types
|
20,3 %
|
sols artificiels non bâtis :
chemins de fer, mines, carrières, terrains militaires, industries
|
17,0 %
|
L’on voit
qu’une part non négligeable des terrains
"artificialisés" ne sont pas
"dénaturalisés".
D’autre
part, la couverture routière et ferroviaire du pays est à peu
près acquise, les mises en chantier de nouveaux tronçons
ferroviaires ou routiers étant assez peu importantes et
correspondant à des logiques d’améliorations ponctuelles,
contrairement à ce qui s’est produit lors de la création
de ces grands réseaux. Aussi le développement de nouveaux
logements tendra-t-il à moins augmenter les surfaces
nécessaires aux voies de communication que ce qui fut par le
passé. Le même raisonnement paraît applicable sans trop de
crainte aux équipements publics, dont la sous-utilisation actuelle est
patente.
Craindre une
explosion urbaine relève de la peur irrationnelle, pas d'une
préoccupation fondée sur des faits scientifiques.
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La lutte contre
l'étalement urbain est une lutte contre les aspirations humaines
Il est vain de
vouloir s'opposer par la contrainte bureaucratique aux souhaits et
aspirations des familles et des individus. Certes les règlements
contrariant le libre usage de la propriété individuelle sont
innombrables et sont alourdis dans d'importantes proportions chaque
année. Plans Locaux d’Urbanisme, Schémas directeurs,
Schémas de cohérence territoriale, Plans Locaux de l’Habitat,
Plans de Déplacements Urbains, Directives Territoriales
d’Aménagement... Sans oublier d’autres nombreuses lois
relatives à l’urbanisme, à l’environnement et
à la protection de l’agriculture qu'il serait trop long
d'énumérer. Mais la règle générale reste,
pour l'instant encore, le droit de propriété, et le libre choix
du mode de vie en fonction de ses aspirations et de ses moyens. N’en
déplaise aux admirateurs du logement administré à la
soviétique, Il en résulte que les développements urbains
sont encore, pour une grande partie influencés par les lois du
marché, même s’il s’agit d’un marché
fortement contrarié dans son fonctionnement.
Or, toutes les
études d’opinion menées depuis la fin de la guerre
montrent que les Français marquent une forte
préférence à la fois envers l’accession
à la propriété, et l'habitat individuel. Les
statistiques des constructions réellement sorties de terre corroborent
cette préférence exprimée : ces dernières
années, 2/3 de la construction neuve et les 3/4 de l’accession
à la propriété ont concerné des maisons individuelles.
Limiter
l’étalement urbain, c’est limiter la part de la maison
individuelle dans la construction. C’est également limiter le
développement des bassins d’emplois en
périphérie des agglomérations, alors que ce
développement serait salutaire pour décongestionner les centres
urbains au réseau viaire parfois saturé. Bref, c’est
s’opposer résolument à l’évolution de
l’urbanisation telle qu’elle s’est produite non pas depuis
50 ans, mais depuis toujours. Pourquoi vouloir le faire ?
L’étalement
urbain ne pose plus aujourd’hui de problème (quand bien
même il en aurait posé par le passé)
C’est dans
les cinquante dernières années que les agglomérations
urbaines ont couvert leurs aires de développement actuelles. Toujours
selon les données de la fondation H&P, les aires couvertes
par les grandes agglomérations françaises se situent dans les
limites approximatives suivantes :
- 35 km de Rayon pour la région
parisienne,
- 15/25 km pour les
agglomérations de plus de 600 000 habitants (9),
- 10/20 km pour la très grande
majorité de l’espace urbain français qui se situe
autour des villes de 100 à 400 000 habitants.
Le suivi des
statistiques du Ministère de l’Equipement montre que 50 % de la
construction neuve récente s'est faite en France dans des
agglomérations de moins de 10 000 habitants. Surtout, même
en prenant en compte les plus grandes agglomérations, 80% de la
construction neuve a été érigée dans des communes
de moins de 10 000 habitants, c'est-à-dire que dans les grandes
métropoles, ce sont les couronnes extérieures qui ont
absorbé l'essentiel des nouvelles constructions.
Or,
l’étude des photos satellite de ces aires urbaines montre
l'existence d'espaces vierges de constructions très importants,
parfois considérables. En région parisienne par exemple, entre
25 et 35km, il y a beaucoup plus de taches vertes que de zones construites.
Cela s’explique simplement : l’étalement urbain se produit
en priorité le long d'axes le long desquels le législateur
local autorise encore quelques constructions. En deuxième phase, il
tend à combler les dents creuses. Le fait d’avoir élargi
les périmètres urbains par le passé a déjà
délimité de très grandes surfaces disponibles pour
construire à l’intérieur des limites actuelles des aires
urbaines. L’impression de grignotage des zones rurales par
l’urbanisation linéaire le long des voies de communication est
donc une illusion visuelle non confirmée par un changement de
l’axe d’observation.
Ajoutons que les
pourfendeurs de l’étalement urbain feignent souvent d'oublier
que la surface d’un cercle est égale à PI*R^2. Cela
signifie qu’une agglomération ayant un rayon de 15 km passera
d’une surface d’environ 706 km² à 902 si elle
augmente ce rayon de 2 km. La surface augmente ainsi de 28 %, alors que le
rayon n’augmente que de 13 %.
Par
conséquent, non seulement il reste beaucoup de place à
l’intérieur des aires urbaines existantes, mais en plus, les
besoins d’accroissement périphérique de ces aires ne peuvent
que diminuer avec le temps. Prétendre, comme le font certains, qu'au
train actuel, les villes absorberont les campagnes dans 50 ou 100 ans
relève soit de la bêtise, soit, plus vraisemblablement, de la
malhonnêteté intellectuelle.
Le marché comme meilleur capteur des souhaits des ménages
Plutôt que
de lutter contre la volonté manifeste de toute la population en
prônant le collectif à outrance, des densités moyennes
supérieures à 50 logements à l’hectare, il est
beaucoup plus souhaitable de construire ce que le marché encore un peu
libre, c'est à dire l'expression des préférences
individuelles, demande.
Cela requerra des
densités élevées uniquement dans les grands centres
urbains, lesquels, selon les préférences actuelles des
ménages, n’absorberont qu’une part minoritaire des
besoins, et des densités bien plus raisonnables dans les zones
périphériques ou les villages extra-urbains.
Naturellement,
les chiffres qui précèdent peuvent évoluer si les
goûts de la population changent. Mais ce sont les mécanismes
du marché qui seront les mieux à même de capter ces
évolutions, pas les lubies de bureaucrates planificateurs dont les
ancêtres sont ceux qui ont bâti plus de 700 "ZUP",
aujourd'hui autant de ghettos qui posent d'énormes problèmes
à la société française. Voilà qui
devrait inciter leurs héritiers spirituels qui ne rêvent que de
densification, d'éco-polis et de ceintures vertes infranchissables
à plus de modestie.
Analyse
Hayekienne : le marché, un instrument de… planification plus
efficace que la planification !
Les
planificateurs affirment que la liberté de choix individuelle est
incompatible avec la préservation de
"l’intérêt général". Or
l’intérêt général tel qu’ils le
définissent s’appuie grandement sur les notions de
"consommation d’espace" ou assimilées, dont nous avons
amplement analysé les faiblesses. L’argument perd donc de sa
force.
Il existe
toutefois d’autres familles d’arguments relevant de la notion
"d’intérêt général"
utilisés par les planificateurs pour justifier leurs interventions : congestion,
consommation de CO2, biodiversité, et que sais-je encore.
Loin de moi
l’idée d’aborder toutes ces questions dans cet article
déjà fort long. Mais analysons la rhétorique des tenants
de la planification spatiale. Selon eux, l’individu ne peut connaître
toutes les tensions nées de son choix sur son environnement, et donc
seuls les "experts" peuvent prendre en compte la très grande
diversité des paramètres influant sur "la
qualité de vie" générale pour définir ce que
doit être un développement urbain harmonieux.
Ces experts ont
la même chance d’y parvenir que les commissaires du GOSPLAN
devant chaque année fixer les prix de plusieurs dizaines de milliers
d’articles depuis Moscou n’avaient la capacité de
créer un substitut harmonieux au marché.
Dans
"Individualism and economic order", Hayek démontre
qu’aucun expert ne peut connaître l’ensemble des
paramètres fondant les choix de chaque individu. Pis même, il ne
peut en aucun cas connaître la pondération que chaque individu
donne à chaque paramètre. En appliquant ce constat
à l’organisation urbaine, il apparaît clairement
qu’aucun expert ne peut modéliser les conséquences de
milliers de préférences individuelles parfois
diamétralement opposées : certains ménages valorisent
très cher la proximité de services de haut de gamme
présents en centre ville, et détestent les embouteillages,
alors que d’autres sont moins gênés par des durées
plus importantes au volant, mais estiment que quelques embouteillages ne sont
rien par rapport à la joie de posséder un beau jardin. La
situation des "experts" s’aggrave encore si l’on
considère que ces valeurs relatives données par les individus
aux différents éléments fondant leurs choix de vie
varient avec le temps : aucun expert n’est évidemment capable
d’en ternir compte.
Les soi disant
"souhaits" des ménages auxquels se réfèrent
politiciens et experts tendent d’une part à nier la
diversité de ces souhaits, et d’autre part à projeter
leurs propres visions (pour les autres) d’une vie harmonieuse.
Bien sûr,
aucun individu ne sait précisément ce que veut un autre
individu. Même ses propres incertitudes rendent parfois sa
décision difficile. Mais il existe un système vieux comme le
commerce permettant aux individus de valoriser les coûts et avantages
des différentes options qui s’offrent à eux à un
instant donné. C’est le système de prix. Dans un
système ou les prix ne sont pas artificiellement poussés
à la hausse par des règles malthusiennes de développement
foncier, et où les coûts de transaction (droits de mutation, etc…)
sont réduits au minimum, les agents économiques peuvent, moins
difficilement que dans un marché contraint, adapter leurs choix de
lieu de résidence et de type d'habitat à leurs propres
critères de valorisation de choix de vie.
Au contraire,
dans les environnements institutionnels où le foncier constructible
est rare, et où les options de mobilité se limitent à la
vacance dans l'ancien, il est à craindre que de nombreux
ménages ne puissent, lorsque la vie leur impose un changement de champ
de contraintes (emploi, école des enfants, maladie, divorce, mais
aussi surcharge progressive d'une route souvent empruntée allongeant
démesurément les temps de trajet...), trouver l'adaptation qui
satisfasse le mieux leurs exigences nouvelles. Autrement dit, la planification
centralisée réduit la satisfaction perçue d'un grand
nombre de ménages quant à la perception de l'adéquation
entre leur logement et leur champ d'aspirations.
Réduire la
satisfaction du plus grand nombre au nom de l'intérêt
général : beau résultat de la planification !
Le
développement confié à des lotisseurs privés,
dans un tel contexte de liberté foncière, ne serait en rien
anarchique. Sur de tels marchés, les lotisseurs vendent avec des
marges brutes faibles: la concurrence n'est jamais très loin. Ils
doivent donc bien identifier leurs clientèles, cibler les souhaits des
groupes socioculturels en question, tenir compte de la présence ou de
l'absence de certains équipements de proximité... En ce sens,
le marché effectue en quelque sorte un travail de... planification,
mais de planification décentralisée, basée sur
l'étude du besoin de clients réels, et avec le risque qu'une
mauvaise évaluation de ce besoin ne vous pousse hors du marché.
Les
développeurs sont tenus de construire un environnement aussi
agréable que leur budget-cible leur permet, afin de vendre: les
"neighborhood communities" américaines bâties dans les
états à forte liberté foncière, véritables
villes dans les villes gérées par des associations de
propriétaires, sont généralement considérées
comme des lieux de vie très agréables. Et dans ces
états, point de bulles immobilières !
Urbanisme et
libertés individuelles
En matière
d'urbanisme, dans un pays supposé défendre la liberté,
si l'on en croit la devise inscrite aux frontons des mairies, laissez-nous
choisir ! Au nom de quoi, au nom de qui, peut-on vouloir contraindre les
hommes à habiter dans un type d’immeuble ou un type de maison
déterminé par une technocratie de politiques et de
fonctionnaires, quelles que soient leurs (in)compétences ?
Il n'existe aucun
autre domaine où, à ce point, des technocrates –
politiques, hauts fonctionnaires, bureaucrates, urbanistes, architectes
– entendent dicter aux autres ce que devrait être leur mode de
vie. On observe d’ailleurs chez le bureaucrate ou politicien
planificateur, adepte de la densification urbaine pour le bas-peuple, une
tendance marquée à la préférence pour la villa
individuelle, si possible de standing, voire pour la résidence
secondaire. Les villes nouvelles sont assez peu goûtées de ces
"experts" ès cadre de vie. Allez comprendre…
Les élus
politiques doivent se poser la question: sont-ils élus pour
empêcher les familles de réaliser leurs aspirations ?
Peuvent-ils prétendre favoriser l'intérêt
général quand les politiques qu'ils promeuvent vont à
l'encontre des désirs individuels largement majoritaires
exprimés par la voie du marché ? L'élection leur
confère-t-elle le droit de substituer leurs choix à ceux des
électeurs ? Peuvent-ils oser évoquer à ce point
l'intérêt général quand la "science" sur
laquelle ils s'appuient pour le définir est à ce point
biaisée ? Sont ils au service des aspirations du peuple, ou le peuple
est il asservi à leurs aspirations ?
"En
urbanisme comme ailleurs, la liberté de choix doit être la
règle.
Il y va tout
simplement de notre liberté"
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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