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Depuis
quelques jours, Aurélie Filipetti, qui a eu
l'insolence d'aller passer ses vacances de Noël sur l'île Maurice,
est sous le feu des projecteurs. Bataille de chiffre de haut vol sur le nombre
d'heures d'avion, sur l'identité de l'acheteur de billet, bref, un
débat de qualité sur un séjour qui, affirme la ministre,
ne l'a pas empêchée de « rester en contact permanent
avec son cabinet ».
Pour clore la
polémique, l’Élysée a déclaré :
« François Hollande a autorisé Aurélie Filipetti à partir si loin à titre
exceptionnel, pour des raisons privées ». « La
ministre de la Culture n'est pas, dans son ministère, dans un rythme
d'urgence quotidienne, à l'inverse du ministre de l'Intérieur
par exemple ».
Outre le
ridicule de cette histoire de transat, l'aveu candide du Président a
le mérite de présenter le ministère de la Culture pour
ce qu'il est : un symbole inutile.
Il n'est
d'ailleurs malheureusement pas complètement inutile, mais
réellement néfaste pour la culture elle-même, et
coûteux, bien que les défenseurs de la culture
subventionnée brandissent sans arrêt le chiffre totem de 1% du
budget de l’État. Pour 2013, le budget attribué au ministère
s'élève à 7,4 milliards d'Euros, ce qui ne
représente pas moins de 200 euros par foyer fiscal !
Sur le plan de
la subvention de la production culturelle, comment ne se méfie-t-on
pas davantage de l’existence d'une « culture
d’État », qui dans l'Histoire, s’est surtout
distinguée par son manque de créativité : des
sculptures de paysannes musclées, la faucille à la main, aux
tristes colonnades du IIIème Reich...
Nous sommes
parfois induits en erreur devant le patrimoine architectural et artistique
qui enrichit notre pays. En effet, il n'y a rien de commun entre la culture
subventionnée par un ministère et son réseau de DRAC
(Direction régionale des affaires culturelles), et le
mécénat, quand bien même il fut celui de
l’Église ou des Rois de France. La France n'a pas eu besoin d’un
ministère de la Culture pour héberger les plus grands artistes
du monde (Léonard de Vinci, Picasso, Dali...), ou pour construire le
Grand Palais, l'abbaye de Jumièges, ou l'Hôtel des invalides.
Marc Fumaroli, dans un livre consacré à
l'étude des relations qu'entretiennent l’État et la
culture (l’État culturel), observe justement l'inverse. Le
foisonnement artistique qu'a connu la France jusqu'à la
Troisième République et dont le rayonnement était
mondial s'est progressivement asséché après la
deuxième guerre mondiale, au moment de la création en 1959 du
ministère de la Culture par le Général de Gaulle et
André Malraux. Il estime finalement que
« l’État compromet son propre rôle et
égare ses propres ressources, toujours limitées, dès
lors qu'il veut tout faire. »
Un autre
exemple mérite d'être signalé : Le modèle
culturel américain. Il n'y a pas de ministère de la Culture aux
États-Unis, dont on ne peut pourtant pas observer que la production
culturelle soit moribonde. L'exportation planétaire de sa production
musicale, cinématographique, et audiovisuelle en général
est sans pareil. Le succès des nouvelles séries hollywoodiennes
démontre une capacité d'adaptation inégalée
à la mutation des usages, comme la révolution de l'industrie
audiovisuelle qu'induit le développement des lecteurs de dvd et des
installations de cinéma à la maison. Notons aussi que la
moindre ville de province possède son orchestre philharmonique, son
théâtre, bénéficiant d'un réseau
très dense de mécénat, et d'une articulation efficace au
monde universitaire.
Cassavetes, Tarantino, Malik, Lynch, ou Aronosfky,
n'ont pas eu besoin de la perfusion d'un CNC (Centre national de la
cinématographie) pour enrichir le cinéma de productions
originales et pour trouver un public passionné qui accompagne leur
travail créatif.
Le
mécénat et la production privée garantissent en
réalité presque génétiquement la diversité
culturelle, tout simplement du fait de la diversité des acteurs,
là où la subvention publique passe le rouleau compresseur de la
logique administrative, tristement conjuguée aux copinages et aux
réseaux.
Si nous
voulons vraiment donner de l'air à la culture, libérons-la de
ses subventions et de son ministère.
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