Il peut parfois être difficile
de regarder au-delà de l’environnement actuel du prix de l’or, mais
l’épuisement des réserves les plus facilement accessibles et les difficultés croissantes
à découvrir de nouvelles réserves nous assurent un pétrole très cher pour
l’avenir.
Bien que les analyses des
tendances de prix sur le court terme soient aussi importantes, elles
éclipsent le fait que sur le long terme, les sociétés d’exploration
pétrolière pourraient rencontrer des difficultés à nous fournir en pétrole.
Ed Crooks, du Financial Times, résume
la situation de manière assez persuasive. Selon lui, 2014 devrait
s’avérer être la pire année enregistrée en plus de six décennies en termes de
découvertes de réserves de pétrole (au vu des chiffres préliminaires).
Pire encore, l’année dernière
a marqué une quatrième année consécutive au cours de laquelle les découvertes
de nouvelles réserves ont décliné, pour enregistrer la période de déclin la
plus longue depuis 1950. L’industrie n’a pas découvert une seule nappe
importante. En d’autres termes, les sociétés pétrolières ont de plus en plus
de difficultés à découvrir de nouvelles réserves, alors même que les réserves
les plus accessibles s’épuisent et que les nappes les plus difficiles à
atteindre deviennent plus difficiles encore à exploiter.
Cette incapacité à découvrir
de nouvelles réserves de pétrole n’est pas due à un manque d’efforts. Les
investissements d’exploration pétrolière à l’échelle globale ont rapidement
grimpé ces quinze dernières années. Les dépenses de capital ont été presque multipliées
par trois pour atteindre 700 milliards de dollars entre 2000 et 2013,
alors que la production
n’a dans le même temps augmenté que de 17% (voir le graphique de l’AIE).
Malgré des dépenses record,
les plus grosses sociétés pétrolières éprouvent des difficultés à remplacer
leurs réserves épuisées. BP a rapporté
un ratio de remplacement de réserves – un volume de nouvelles réserves
ajoutées au portefeuille d’une société par rapport aux réserves de pétrole
extraites la même année) de 62%. Chevron a rapporté
un ratio de remplacement de 89%, contre seulement 26% pour Shell. ExxonMobil
et ConocoPhillips s’en sont mieux tirées, avec plus de 100% chacune. Il n’en
est pas moins que les sociétés les plus importantes ont significativement
accru leurs dépenses pour pouvoir découvrir de nouvelles réserves, et que
leur production devrait bientôt commencer à décliner (c’est déjà le cas pour
certaines d’entre elles). Selon l’AIE, l’industrie pétrolière aura besoin de
dépenser 850 milliards de dollars par an avant 2030 pour accroître sa
production. Quelques 680 milliards de dollars par an – ou 80% des dépenses
totales – seront nécessaires pour maintenir les niveaux de production
actuels.
Mais maintenant que les
niveaux de production sont en déclin, les sociétés pétrolières n’ont plus la
capacité d’accroître leurs dépenses. Toutes prévoient de réduire leurs coûts
afin de limiter leurs pertes financières. Mais cela ne fait qu’augmenter les
chances d’une réduction de l’offre dans un avenir proche. Pour dire les
choses autrement, les grosses sociétés pétrolières ont été incapables de
découvrir de nouvelles réserves de pétrole alors même que leurs dépenses
étaient à la hausse. Il y a donc peu de chances qu’elles en découvrent de
nouvelles une fois leurs budgets réduits.
La durée nécessaire au
développement de nouveaux projets signifie que les découvertes faites en 2014
n’ont qu’un effet très limité sur les prix actuels, mais pourraient générer
une hausse de prix dans les années 2020.
Cette situation se présente
malgré les difficultés rencontrées depuis quelques années par les sociétés de
schiste américaines. La production de pétrole des Etats-Unis a augmenté de 60
à 70% depuis 2009, mais la nouvelle production de schiste ne représente
toujours que 5% de la production globale.
En plus de cela, la production
de schiste est bien plus chère que le forage conventionnel. A mesure que les
puits conventionnels seront remplacés par la production de schiste, le coût
moyen du baril de pétrole grimpera.
Avec le déclin rapide des
taux, la révolution de schiste devrait se dissiper d’ici les années 2020,
pour laisser derrière elle un monde plus dépendant encore aux réserves de
pétrole du Proche-Orient. Le problème que présente ce scénario est que le
Proche-Orient ne sera pas capable de maintenir la cadence. Les pays du
Proche-Orient « ont besoin d’investir aujourd’hui, sinon hier »,
pour pouvoir satisfaire la demande qu’ils enregistreront dans dix ans, comme
l’a expliqué Fatih Birol,
économiste en chef de l’AIE, dans un rapport publié en juin 2014.
A dire vrai, la moitié de la
production additionnelle nécessaire au Proche-Orient devra provenir d’un seul
pays : l’Irak. Birol a réitéré ses commentaires lors de la conférence du
17 février dernier au Japon, et ses mises en gardes sont devenues plus
pressantes en raison de la détérioration de la situation sur le terrain
depuis le mois de juin. « Les problèmes de sécurité causés par Daesh et
d’autres groupes présentent un réel danger pour les investissements au
Proche-Orient, et si ces investissements ne sont pas faits aujourd’hui, nous
ne bénéficierons pas en 2020 de la production dont nous aurons alors tant
besoin », a-t-il expliqué selon Reuters.
Si l’Irak ne se relevait pas,
le monde pourrait faire face à une forte hausse du prix du pétrole au cours
de ces dix dernières années. Malgré l’urgence, « l’appétit pour
l’investissement au Proche-Orient est quasiment nul, notamment en conséquence
des évènements imprévisibles qui se déroulent dans la région ».