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Qui est Vladimir Poutine ? Un voleur et un mafieux
nous répond Karen Dawisha dans son dernier
livre « Putin’s kleptocracy ». Auteure de nombreux ouvrages
aux presses universitaire de Cambridge, cette spécialiste de la Russie
contemporaine s’est employée à reconstituer le
passé du président russe et l’origine de son entourage.
Le portrait qu’elle dresse de Vladimir Poutine, et de ses relations
avec la mafia, dépasse tellement tout ce qu’on imaginait
déjà que les éditeurs anglais n’ont pas osé
publier le livre qui sort finalement sous la protection de la loi
américaine.
Quand il prend la succession de Boris Eltsine en 2000,
Vladimir Poutine n’apparaît pas spécialement comme un
homme dangereux. Il passe pour un fonctionnaire un peu terne, sans charisme,
promu par la seule grâce d’un président
profondément alcoolique et totalement dépassé par les
événements. Pourtant, Mme Dawisha
affirme que tous les éléments du régime de Poutine se
sont mis en place durant les dix années précédentes lorsque
celui-ci dirigeait en sous-main la mairie de Saint-Pétersbourg.
Vers la fin des années quatre-vingt, sentant
arriver la fin du régime, le Parti communiste s’est mis à
accumuler des réserves en devises pour ses dirigeants. L’auteure
révèle comment le KBG fut chargé de mettre en place, au
sein même du pays, des structures de détournement de fonds et de
blanchiment d’argent. Les espions servaient de porte-valises pour
transporter les liquidités d’un coffre à l’autre. Après
la chute de l’URSS, les mafias ont ainsi découvert un système
clé-en-main pour piller le pays. À Saint-Pétersbourg,
Vladimir Poutine assure la rencontre entre mafia et KGB. De plus, ses
fonctions discrètes à la mairie lui permettent de
contrôler l’appareil administratif. Gangsters, Kagébistes et bureaucrates, un trio qui ne se
contentera bientôt plus de Saint-Pétersbourg et qui
réussira à prendre le contrôle de toute la Russie.
Le clan réuni par Poutine à
Saint-Pétersbourg est encore celui qui règne aujourd’hui
au Kremlin. Lors des sanctions décidées par les occidentaux
suite à la crise en Crimée, les individus visés
étaient tous des proches de Poutine issus de Saint-Pétersbourg.
À titre d’exemple, citons Boris Rotenberg,
l’une des plus grandes fortunes russes. L’homme fut d’abord
un judoka à Saint-Péterbourg
où il s’entraînait avec Poutine. Fidèle du nouveau
Tsar, il fut de la partie dans toutes les opérations depuis Gazprom
jusqu’aux Jeux olympiques de Sotchi. À l’occasion de
ceux-ci, son entreprise bénéficia de contrats publics pour
l’équivalent de 5 milliards d’euros !
Dans son ouvrage, Karen Dawisha
multiplie les exemples, offrant l’étude la plus exhaustive
à ce jour sur la corruption du régime russe. Le sujet est
tellement sulfureux que son éditeur habituel, les presses
universitaires de Cambridge, n’a pas osé la suivre. Pour des
raisons évidentes, aucun des faits décrits n’a
été jugé en Russie et tous risquent dès lors de
tomber sous le coup de la loi anglaise contre la calomnie et la diffamation.
Une décision qui inquiète fortement l’auteure :
« la Grande-Bretagne est-elle devenue une zone interdite pour les
recherches et les publications sur ce groupe de personnes ? »
Heureusement, la loi américaine protège mieux la liberté
d’expression et obligerait un éventuel plaignant à
démontrer que le contenu du livre est faux. Un challenge
qu’aucun des kleptocrates russe n’osera relever.
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